Une étude scientifique sur les marges de manoeuvre pour un développement régional durable autour d’Aix-la-Chapelle
Une étude scientifique sur les marges de manoeuvre pour un développement régional durable autour d’Aix-la-Chapelle
Ina Ranson, 1999
Cette fiche présente la manière dont la ville d’Aix-la-Chapelle propose de se saisir du développement durable pour mener une réforme structurelle de son territoire et pas seulement pour y mener des actions sectorielles.
Est-il réaliste de vouloir envisager la profonde révision de nos conceptions de progrès et de croissance impliquée par le concept de durabilité ? Face à l’austérité des budgets, face au chômage de masse, la conservation de l’environnement apparaît souvent comme un luxe qui freine la croissance. Et quant aux problèmes de répartition des richesses chez nous et entre le Nord et le Sud, ils sont mis au second plan par rapport au souci de rester compétitif dans un contexte de concurrence internationale. Peut-on lutter de façon efficace contre les tendances lourdes qui persistent ? c’est cette question qui est au centre d’une étude scientifique pour la mise au point d’un programme cadre de développement durable à Aix-la Chapelle et dans ses environs.
L’étude a été commandé, en 1995, par une fondation privée, aux spécialistes de l’Institut de Wuppertal sur le climat, l’environnement et l’énergie. Les chercheurs de cet institut se penchent depuis 1991 sur les conditions d’un changement structurel vers une économie durable en s’efforçant d’être des médiateurs entre la science, l’économie et la politique. Le bureau pour la planification communale et régionale (BKR)d’Aix la Chapelle fut associé aux recherches pour réfléchir sur la faisabilité des propositions. Il est clair que ces propositions impliquent des jugements de valeur qui doivent être débattus par la société toute entière.
L’étude décrit la situation actuelle et définit ensuite des objectifs à atteindre en indiquant les démarches nécessaires. Le programme cadre proposé sur la base des recherches et d’un savoir de spécialistes souligne les interdépendances des conditions économiques, sociales et écologiques, mais il privilégie l’entrée par l’aspect écologique.
Même dans une région modèle la situation reste problématique
Comme les données pour une qualification de l’état de l’environnement sont encore rares et incomplètes, il ne s’agit que d’une évaluation générale. L’étude souligne l’importance d’affiner la réflexion sur des indicateurs et d’établir continuellement une description de l’état de l’environnement aussi précise que possible.
Malgré des efforts appréciables, même parfois exemplaires, déployés au niveau de la Ville et de la région, il reste beaucoup à faire si l’on admet seulement que dans l’avenir, la consommation de l’environnement dans l’économie humaine ne devra pas dépasser une certaine limite. Parmi les problèmes mal résolus à Aix-la-Chapelle et dans ses environs, l’étude souligne :
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l’expansion des lotissements, des constructions industrielles et des routes : l’occupation continuelle des espaces naturels et leur morcellement a pour conséquence la réduction de la biodiversité qui constitue pourtant une richesse particulière de la région. Cette expansion va aussi à l’encontre des projets d’une agriculture extensive régionale, nécessaire à moyen terme, pour protéger les nappes phréatiques. Enfin elle contribue à l’augmentation des transports et des nuisances qui y sont liées.
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l’augmentation des voitures individuelles : les efforts dans le domaine des transports publics ont freiné la tendance, sans toutefois l’inverser.
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la coopération entre acteurs régionaux peu développée : bien que commencée, cette coopération devrait devenir beaucoup plus importante pour faire face aux problèmes communs et aux défis de la globalisation
Innover dans tous les domaines de l’économie régionale
Il est vrai que le domaine de transports des marchandises est celui qui laisse le moins de marges de manœuvre au plan régional : tant que la liberté de commerce des marchandises et la construction des routes aura la priorité devant toutes considérations de protection de l’environnement, et tant qu’il n’y aura pas d’efforts, au niveau national et européen, pour internaliser les coûts des effets externes, il sera impossible d’arriver à des changements déterminants. La région de transit autour d’Aix la Chapelle en pâtit particulièrement.
Mais c’est une raison de plus pour expérimenter des concepts novateurs qui, même si leurs effets sont limités peuvent réduire les dégâts.
En dehors des mesures déjà appliquées, l’étude recommande la mise sur pied d’un système logistique au niveau régional. Celui-ci permettra de diminuer les déplacements de camions vides. Relié aux transports ferroviaires, ce système sera intégré dans un concept qui organisera la totalité des transports de marchandises. Il comprendra un réseau décentralisé de petites stations de roulement « d’où partiront les moyens de transport adaptés : des camions, des voitures électriques, des vélos….
Les stratégies d’optimisation des transports devront être complétées par des stratégies d’évitement (par exemple : rapprochement des lieux de production et de consommation). Même si, encore une fois, leur impact sera limité, la région pourra expérimenter des solutions qui inspireront peut-être, un jour ou l’autre, des démarches adaptées au niveau national ou européen.
L’étude recommande vivement de renforcer l’économie régionale et d’encourager des innovations dans les domaines de :
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l’agriculture et de l’alimentation (création de labels, efforts sur la qualité.),
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la gestion des forêts,
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la construction et l’habitation (réhabilitation du bois comme matière écologique, gestion écologique des espaces et des matières),
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la production efficiente et propre,
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la valorisation du secteur informel (compte tenu qu’il faudra vivre avec un certain taux de chômage).
Au lieu de miser en premier lieu sur l’attrait d’investissements extérieurs, il vaut mieux d’abord créer des synergies au niveau régional : Il importe de lancer des études de marchés pour de nombreux produits régionaux et de soutenir ces marchés, d’encourager, dans de nombreux domaines, les liens entre ville et campagne, enfin d’utiliser au maximum l’instrument doux de la coopération entre les entreprises et entre les différents réseaux d’acteurs dans la ville et dans la région.
Le domaine le plus porteur où devraient investir des entreprises qui misent sur le marché mondial sera probablement celui de la production efficiente, c’est-à-dire une production qui aura trouvé des solutions très économiques en termes de consommation de matières. Il ne suffit pas de recycler : il importe de réduire la quantité des flux de matières utilisées pour un produit ! Selon les chercheurs de l’Institut de Wuppertal, le créneau de la production efficiente ainsi que celui de la production de produits de qualité qui durent longtemps est tout à fait négligé.
L’étude démontre clairement que les communes et les régions disposent d’intéressantes marges d’action, malgré des budgets restreints. Elle conclut qu’un changement structurel au niveau d’une région est nécessaire, économiquement viable et politiquement faisable.
Références
JUNG, W.;LOSKE, R.;RAPF O.;HINZEN, A., Wuppertal Institut für Klima, Umwelt, Energie;Büro für Kommunal- und Regionalplanung Aachen, Zukunftsfähiges Wirtschaften im Raum Aachen, Kurzfassung, 1997/10/ (Allemagne)