Villes et développement durable : des expériences occitanes à échanges
Ina Ranson, 1999
Cette fiche présente 3 études de cas sur les villes et le développement durable en région Occitanie. Les 3 expériences présentées s’articulent toutes de manière privilégiée autour de la problématique de l’amélioration du cadre de vie, en accord avec les défis du XXIe siècle et les attentes des habitants :
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Le réseau des « villes durables » : La mise en place d’un réseau « Villes Durables » en Midi-Pyrénées
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La valorisation du pratimoine naturel et culture : Les actions de la mairie de Perpignan en faveur de l’amélioration du cadre de vie
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Le développement de territoire durable : Montpellier fait du développement durable un atout pour le 21è siècle
La mise en place d’un réseau « Villes Durables » en Midi-Pyrénées
En janvier 1996 la Région Midi-Pyrénées organisa, en collaboration avec le Conseil Général des Hautes Pyrénées et la Préfecture de la Région, les premières assises sur le thème « Environnement et Développement Durable ». Suite à cette rencontre, l’Agence Régionale pour l’Environnement (ARPE) lança le projet « Villes et Développement Durable en Midi-Pyrénées.
Ses objectifs sont les suivants :
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informer et sensibiliser les acteurs régionaux au développement durable,
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favoriser les échanges d’expériences entre les villes de Midi-Pyrénées et avec d’autres villes françaises ou européennes,
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préparer la mise en place de programmes pour le développement durable des villes (Agenda 21),
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favoriser la réalisation de projets innovants en matière de développement durable,
Pour la conception et la réalisation de ce projet, l’ARPE a fait appel à l’Institut Méditerranéen du Bâtiment et de l’Environnement (I.M.B.B.E.), partenaire technique, expert dans le domaine du développement durable et plus particulièrement de l’aménagement environnemental et des bâtiments de Haute Qualité Environnementale.
Première phase de réalisation
En septembre 1997, un comité de pilotage a été constitué représentant quatre groupes d’acteurs : des responsables politiques (maires, adjoints), des experts techniques (DIREN, SGAR, ADEME, Agence de l’eau…), des représentants d’habitants (associations de consommateurs, d’environnement…), des entreprises (Société Matra). Son rôle est le suivant :
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lancement opérationnel du projet,
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coordination et appui aux tables-rondes urbaines,
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évaluation et bilan de l’action.
Un questionnaire a été envoyé aux responsables politiques de l’ensemble des villes intéressées (une dizaine) afin d’évaluer leurs attentes dans ce projet. Les villes ont exprimé leurs besoins dans les domaines techniques suivants : l’aménagement, les risques, les déchets. Elles ont également évoqué le souhait d’obtenir plus d’informations sur les expériences existantes, les réglementations, la concertation, la gestion et les coûts de l’environnement et enfin les outils pour mettre en œuvre un développement durable.
En réponse à ces préoccupations, une première série d’ateliers a été organisée : sur la gestion de l ’espace (les entrées de villes, les parcs d’activités économiques, la gestion de l’urbanisme) ; sur la gestion des déchets et des pollutions (en particulier sur les coûts et les modes de financement) ; sur la gestion des risques, notamment des inondations, la présentation de différentes expériences a amené les participants à se concerter en vue de chercher des réponses communes face à ces problèmes.
Actions prévues
L’Agence Régionale pour l’Environnement poursuivra son travail d’animation du réseau des Villes. Elle organisera de nouveaux ateliers en fonction des besoins exprimés :
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Présentation par la Ville de Toulouse des indicateurs de l’environnement à l’usage des villes, réalisés dans le cadre du programme européen LIFE, et exercice d’application dans certaines villes pour valider cet outil.
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Dans le cadre des Plans Paysages, études de cas menées par des experts auprès de trois villes volontaires.
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Mise en place d’un atelier sur la démarche globale du développement durable permettant :
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de travailler sur une approche écosystémique, patrimoniale et participative du développement urbain durable,
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de définir les étapes à mener pour mettre en œuvre des Agendas 21 locaux dans les villes participantes (diagnostics, plans stratégiques, programmes d’action).
Le réseau est ouvert à d’autres partenaires urbains de Midi-Pyrénées ainsi qu’à d’autres projets européens permettant de renforcer les échanges d’expériences. Des premiers contacts ont été pris avec un responsable de la Direction XIII de la Commission Européenne (en vue de la mise en place d’un programme d’information et de sensibilisation des acteurs locaux) et avec la Disputacio de Barcelona qui a également organisé un réseau de villes en Catalogne (Espagne).
Est prévu aussi la réalisation des actes de la rencontre et d’un guide de diffusion du projet, avec un recueil d’expériences et l’évaluation des actions en cours.
Les villes du réseau
Les villes actuellement membres du réseau ou en train de le devenir sont : Albi, Condom, Millau, Montauban, Parmier, District du Grand Rodez, Tarbes, Toulouse, Figeac, District Castres-Mazarnet. Elles mobilisent toutes les responsables politiques ou techniques, des experts de divers organismes, des entreprises et des habitants, souvent membres d’associations concernées par le développement durable.
Les actions de la mairie de Perpignan en faveur de l’amélioration du cadre de vie
La Ville de Perpignan, (108 000 habitants) dispose d’un patrimoine culturel et naturel exceptionnel. Confrontée à l’urgence du développement de la cité et aux problèmes de dégradation du centre-ville, la mairie a profondément modifié, ces dernières années, les modalités de l’action publique et municipale en misant beaucoup sur la participation citoyenne.
En 1997, la Ville a décidé une « modernisation de l’administration municipale », avec pour objectif global d’« impulser une croissance qualitative « . La transversalité et la concertation y deviennent des pratiques organisées qui donnent lieu à des actions et des remises en question quotidiennes. L’environnement n’y est pas perçu comme une discipline annexe, mais comme un outil de qualification utile à la mise en valeur et au développement de la ville.
Le Plan d’occupation des sols qui vient d’être révisé, atteste que « l’amélioration du cadre de vie est l’un des objectifs principaux de la Municipalité ». En témoignent une importante réduction des zones constructibles et une nette augmentation des zones vertes, agricoles ou de protection des sites (dont 40 ha supplémentaires d’espaces boisés classés).
Un Plan de sauvegarde et de mise en valeur prévoit un ensemble de recommandations en vue de résoudre les problèmes de dégradation du centre historique de la cité. Il est couplé avec une démarche incitative en direction des propriétaires d’habitats anciens. Trois protocoles d’Opérations programmées d’améliorations de l’habitat (OPAH)ont été menés à bien et un Programme social thématique (PST)est venu renforcer ces démarches de réhabilitation, en aidant la location au profit des moins riches sur la plus grande partie du territoire perpignanais.
Un Pacte de relance pour la ville a été créé dès 1996 (combinant les dispositifs de Zone urbaine sensible, de Zone de redynamisation urbaine et de Zone franche urbaine) en vue de générer des emplois dans les zones défavorisées et d’améliorer les conditions de vie quotidienne dans les quartiers.
Enfin, la Ville de Perpignan a choisi de se donner une Direction de l’Environnement opérationnelle, susceptible d’assumer ses projets de la conception à la réalisation et d’en prendre en charge la maintenance.
En structuration depuis un peu plus de deux ans, ce nouvel outil a déjà produit des résultats tangibles. Le postulat est qu’un tel outil, capable de se fédérer lui-même et lancé dans une démarche de projets, doit pouvoir engendrer, par la négociation et le partenariat, un véritable dynamisme collectif. S’appuyant notamment sur l’active collaboration de 18 associations de quartier, le service procède à l’aménagement et à la qualification du cadre de vie (création et entretien d’espaces verts, ronds-points et espaces HLM, gestion du patrimoine arboré, entretien des chemins ruraux et des cimetières, collecte des déchets et ordures ménagères, propreté…).
La Direction de l’Environnement met aussi en place les outils de planification et d’analyse nécessaires au développement durable : elle travaille dans une logique de réseaux (projet de site internet, participation à des forums spécialisés) et nourrit les couches environnement du système d’information géographique municipal ; elle s’est dotée de bases de données spécialisées et d’un centre de documentation thématique. Elle assure le suivi d’organismes extérieurs. Et avec un engagement tout particulier, elle promeut l’écocitoyenneté à travers, par exemple, la mise en place de la collecte sélective et de nombreuses actions pédagogiques : plantations avec les écoles, pose de nichoirs, nettoyage de printemps où sont invités jeunes et adultes…
L’année 1999 verra d’importants équipements verts se réaliser, sous la maîtrise d’œuvre de la Direction de l’Environnement :
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les berges de la Têt seront aménagées sur l’ensemble de leur segment urbain (cheminement en sol stabilisé, parcours de santé en rondins, bancs et corbeilles, paysagement « naturel », résorption des décharges sauvages, piste cyclable sur le haut des berges) dans le prolongement des aménagements déjà réalisés ces dernières années (près de 900 m de jardins dont un jardin botanique).
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L’Espace naturel du Fort du Serrat d’En Vaquer (parc public de 4 ha ouvert en juillet 98) fera l’objet de plantations botaniques ; un programme d’animation et d’expositions naturalistes sera lancé dès l’été 99.
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Un nouveau parc public de 8 ha sera créé, le parc Aristide Maillol.
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La dernière tranche du réaménagement du square Bir Hakeim (parc de 3 ha en plein cœur de Perpignan) sera terminée en juin 99. Elle comporte une aire d’ébats pour les chiens et un canisite, qui participeront à la lutte contre les déjections canines en centre-ville.
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Un plan de plantation aboutira à placer 500 grands arbres et 4 800 arbustes de plus sur les trottoirs de la ville d’ici la fin de l’année. (Perpignan compte 4000 arbres d’alignement, hors de ses 122 ha d’espaces verts eux-mêmes fortement boisés).
Quatre plans de gestion et de mise en valeur concernent :
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les espaces verts des cités HLM,
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les zones d’activités économiques (mise en œuvre de deux chartes vertes),
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les giratoires,
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les jeux d’enfants (26 aires de jeux à maintenir en état).
En septembre 1999, la Ville lancera un important programme de sensibilisation aux problèmes de gestion des ressources hydrauliques et des cours d’eau, dans le cadre d’un projet européen. Des expositions, des ateliers, des actions de terrain seront organisés, principalement autour de l’enjeu que représente le fleuve Têt.
A Perpignan, la participation citoyenne s’exerce par les 18 associations de quartier, « véritables partenaires pour la municipalité pour le repérage, l’étude et le traitement des actions petites et grandes qui portent sur le cadre de vie du quartier et, tout particulièrement, l’espace public » (Jean-Paul Alduy, maire de Perpignan.). Y participent tous les habitants qui le désirent. Ils élisent un président qui est l’interlocuteur de la Mairie. Le maire de Perpignan lui-même assiste à de nombreuses réunions. A noter que les citoyens peuvent utiliser un « n° vert environnement » et profiter de la permanence téléphonique entre 12 h 00 et 14 h 00 du Maire et de ses adjoints (baptisée « Allo M.le Maire »).
Pour aider ces associations à approfondir leurs réflexions, la Ville de Perpignan a encouragé la création de l’Atelier d’urbanisme, une association 1901 qui regroupe principalement des architectes. Ceux-ci produisent des études et propositions (sous la houlette du directeur de l’aménagement de la ville qui fait le lien avec les services techniques municipaux, y compris la direction de l’environnement) et interviennent comme conseils auprès des associations de quartiers.
Montpellier fait du développement durable un atout pour le 21è siècle
Ville prestigieuse déjà au Moyen Age, carrefour d’échanges intellectuels et commerciaux avec tous les pays de la Méditerranée, Montpellier a l’ambition de devenir un modèle en matière de développement durable. C’est dès 1977, dans un contexte de croissance démographique exceptionnel, que des grands objectifs en matière d’urbanisation, engageant l’avenir de la cité et de son agglomération (350 000 habitants) ont effectivement vu le jour à travers « La Charte d’Urbanisme ». Elle énonçait trois exigences majeures qui serviront de fil conducteur aux différentes politiques qui seront mises en œuvre :
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construire une ville humainement équilibrée en rapprochant logements et emplois,
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construire ensemble avec les citoyens, 3. élaborer un urbanisme efficace.
C’est sur la base de cette Charte que la Ville a mené une politique volontariste d’aménagement urbain : organisation de réunions de quartiers où les habitants ont pu exprimer leurs souhaits, création d’équipements de proximité, élargissement du centre-ville, création de nouveaux quartiers à côté des quartiers existants…Le Plan d’Occupation des Sols (POS) a mis fin aux principes du développement urbain par rayons concentriques entraînant l’asphyxie du centre-ville livré à la voiture individuelle. Au contraire, l’idée maîtresse du projet de ville a été d’ordonner le développement urbain le long d’un axe fort porteur d’activités regroupant les grands équipements urbains (culturels, hospitaliers, sportifs, parcs, universités, grandes écoles) et les nouveaux quartiers à l’est de la ville le long du Lez. C’est sur cet axe que peuvent se construire, aujourd’hui, les 15 km de la ligne de tramway. Elle mettra plus de la moitié de la population à moins de 30 minutes du centre historique !
Une Charte de l’Environnement qui indique la voie au développement durable
En 1992, la Ville s’engage dans une vaste procédure avec l’État, les associations et les partenaires institutionnelles pour élaborer une Charte de l’Environnement. Elle voit le jour en décembre 1994, après une large consultation. Ses grands axes sont :
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la maîtrise et la valorisation de l’espace urbain et du paysage,
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l’écomobilité (concept qui consiste à combiner l’ensemble des modes de déplacements mis à la disposition des citoyens).
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la maîtrise et la valorisation des ressources naturelles,
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l’éducation à l’environnement,
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des outils et des indicateurs de l’environnement.
Il importait aussi de s’intéresser au social : dans chaque quartier, ont été développés tous les équipements de proximité et de bien-être : parcs, jardins, squares, crèches, Maisons Pour Tous, gymnases… De grands efforts de sensibilisation et d’éducation à l’environnement ont été déployés en direction des scolaires et du public. En 1984 fut mis en place un Atelier Permanent d’Initiation à l’Environnement Urbain, puis par la suite une Maison de l’Environnement ainsi qu’une Maison des Tiers-Monde.
Par ailleurs, Montpellier participe activement au programme Life sur les indicateurs de l’environnement.
Le tram et le vélo au centre de « l’écomobilité »
Le concept de « l’écomobilité » initié par la Ville de Montpellier devra favoriser une ville plus compacte, mixte et solidaire. La mise en service de la première ligne de tramway, en septembre 2000, en constituera un élément très important.
Deux autres lignes sont en cours d’études. Le tram renforcera de manière décisive le développement des transports en commun. Il contribuera aussi à la poursuite d’autres grands objectifs » : le développement social des quartiers desservis, la requalification des quartiers d’urbanisation récente, le développement de la technopole, la continuation de la ville vers l’est…Le terminus sera en liaison directe avec la future gare TGV et la zone d’activités ludiques et commerciales « Odysséum ». Le projet a été adopté à l’unanimité des 15 communes du District en juillet 95, après avoir été l’objet d’une vaste concertation qui comprenait, entres autres :
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une exposition publique, et l’ouverture d’un registre de suggestions,
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la création d’un centre d’informations permanent,
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des réunions publiques dans les quartiers de la ville,
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une réunion de la commission extra-municipale d’urbanisme,
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des réunions avec les Chambres consulaires,
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des voyages d’études avec les habitants…
Le tramway relie tous les modes de transport. Sur 28 stations, 14 sont en correspondance directe avec les réseaux de transports en commun urbains et interurbains » ; 15 sont situées au voisinage d’un parking et toutes sont équipées d’emplacements pour les vélos. La station « gare » de la SNCF, véritable pôle d’échanges multimodal, assurera la liaison entre les voitures, les bus, les cars et les trains. En redistribuant le réseau de bus, de nouvelles dessertes seront renforcées et créées dans le District.
Le tramway oblige à repenser les plans de circulation et à mieux repartir l’espace entre les utilisateurs : pour les voitures, choix d’itinéraires évitant le centre-ville tout en privilégiant l’accès et le stationnement pour ceux qui ont le désir ou le besoin de s’y rendre ; pour les piétons et les vélos : redistribution de la circulation dans la zone centre notamment en termes de sécurité.
A Montpellier, le vélo est reconnu comme un transport à part entière. Des voies cyclables accompagneront la ligne sur 11 km. Tous les arrêts offriront des emplacements de parkings et quelques stations proposeront des parcs gardés ainsi qu’un ticket unique comprenant le trajet aller-retour et le service de gardiennage. Il sera également possible de loger les vélos dans les rames.
La gestion différenciée des espaces verts
Il s’agit d’un type de gestion spécifique, qualitative qui est approprié aux catégories d’espaces-verts, car chaque espace a un niveau d’entretien en fonction de sa nature, sa situation, sa fonction. La gestion différenciée nécessite moins d’engrais, moins de produits phytosanitaires. Elle permet d’utiliser les produits de la station de compostage des déchets végétaux gérée par la ville. Elle permet la réintroduction d’espèces méditerranéennes économes en eau et en entretien. La gestion différenciée demande un nouvel état d’esprit et un changement d’attitude à tous les niveaux. Outil de développement durable, cette gestion s’intègre dans un projet qui considère la ville comme un écosystème.