L’Ecole juridique mobile en Amérique latine
Olivier STERCKX, 1997
Cette fiche de cas retrace l’expérience d’une formation alternative au droit et à sa critique en Amérique latine. L’école s’organise à l’échelle régionale et forme un réseau d’acteurs hétérogènes engagé vers davantage de participation aux affaires de la cité.
L’Ecole juridique mobile : une réponse aux nécessités actuelles
Un projet de formation au droit à partir d’une école juridique mobile essaie de se mettre en place dans cinq pays d’Amérique Latine. Il s’inscrit dans un contexte général qui, en Amérique latine, est hostile au développement des activités des ONG. Les Etats de la région récupèrent le discours insurrectionnel de gauche, pour le mettre au service de l’idéologie régnante et fonctionnaliser les cadres des ONG et les militants progressistes, en vue de légitimer les politiques du système dominant.
En outre, au sein même des Services juridiques alternatifs existants, de nouvelles thématiques surgissent à côté de vieilles questions qui n’ont pas encore été résolues. Il y a actuellement un état de « suspension » dans le développement des services juridiques alternatifs, dû à diverses raisons telles que des ajustements internes, ou l’obtention de résultats parfois peu satisfaisants. Il manquait surtout un projet éducatif qui permette de donner un suivi aux différentes expériences et reconnaître le droit comme ressource stratégique de changement social.
Un dernier aspect significatif de la réalité actuelle est le manque de participation dans la gestion de la ville et la vie politique de la nation. Dès lors, dans le cadre d’une approche alternative du droit, proche du quotidien, l’idée finale du projet est, par un travail pédagogique de sensibilisation, de permettre aux populations de passer d’une attitude passive et légaliste à une attitude active et légitimiste, par le développement massif de processus éducatifs qui enseignent le système juridique actuel et les alternatives juridiques qui peuvent y être apportées, en vue, et ceci est important, d’une réappropriation du droit par les gens concernés.
Objectifs
Il s’agit de faciliter le travail de formation juridique et sociale des Services juridiques alternatifs et de collaborer avec eux pour augmenter leur efficacité par, notamment, la mise en valeur d’une diversité de démarches. En ce sens, l’Ecole constitue également un outil de structuration d’un réseau des Services juridiques alternatifs.
Ainsi est créé un lieu d’échange et de réflexion critique du droit positif, à partir de cas concrets, de la mise à la disposition des bénéficiaires des outils pédagogiques nécessaires à l’élaboration de solutions juridiques alternatives et la promotion d’une plus grande coopération entre les services juridiques alternatifs de la région. Il s’agit également de promouvoir une évaluation des expériences et de leurs impacts, évaluation rarement réalisée au sein des Services juridiques alternatifs latino-américains. Surtout, le principe central est d’apprendre en agissant, en vue de développer chez les responsables communautaires une capacité de proposer des alternatives sociales stratégiquement viables.
Fonctionnement
L’Ecole juridique fonctionne au niveau régional sur la base d’une coordination centrale et d’une exécution locale. Concrètement, la coordination générale est assurée par le directeur de Quercum (Chili), en concertation avec le conseil supérieur de l’Ecole, lui-même constitué sur la base d’un groupe générateur. Celui-ci est composé de cinq personnalités, toutes liées à des activités thématiques, pédagogiques, de réflexion et de théorisation, représentant les principales zones géographiques concernées (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Pérou). Chacun a une responsabilité particulière dans sa région. Au niveau local, la coordination est assurée par différentes équipes, les noyaux générateurs, qui s’appuient au maximum sur les ressources humaines disponibles localement et le travail déjà engagé par les organisations bénéficiaires. Diakonia et Juristes-Solidarités assurent l’accompagnement du processus.
Différents niveaux de formation
La formation au droit promue par l’Ecole juridique mobile est destinée à trois types de personnes, correspondant à trois niveaux de formation :
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aux responsables de communautés de base, l’objectif étant de les transformer en acteurs de changement, qui agissent positivement face aux problèmes ou aux conflits juridiques qui affectent leur secteur populaire;
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aux étudiants en droit, aux avocats et aux professionnels, de manière à leur offrir un espace où ils acquièrent une formation théorique et pratique, critique et alternative, du droit;
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à ceux qui veulent se spécialiser en théorie critique du droit et développer leur réflexion sur le droit alternatif.
Le groupe générateur produit différents modules thématiques. Les thèmes choisis pour la formation sont les suivants :
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Formations de formateurs (AJUP - Instituto Apoio Juridica Populares, Brésil),
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Droits de la femme (Flora Tristan, Pérou),
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Médiation (Indeso-Mujer - Instituto de Estudios Juridico Sociales de la Mujer, Argentine),
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Participation populaire (Quercum - Centro de Desarrollo y Estudios Juridicas y Sociales, Chili),
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Accès à la justice (ILSA - Instituto Latinoamericano de Servicios Legales Alternativos, Colombie).
Chaque membre du groupe générateur est, dans ce cadre, responsable sur le plan pédagogique, dans sa zone géographique, de la formulation et du développement d’un module de formation.
Références
Plan programático de consolidación y desarrollo de la escuela juridica popular movil para America Latina, 1996/08/ (Chili)
Maria Teresa Aquevedo, « Droits au quotidien et développement », Le Courrier de Juristes-Solidarités, n°12, juillet 1996, pp. 2-5