Droits économiques, sociaux et culturels (DESC) et Services publics
Fanny Petit, 2005
Cette fiche présente l’importance des services publics, dans le monde, en termes de défense des droits de l’homme et des droits fondamentaux.
Les droits économiques, sociaux et culturels (DESC) ont longtemps été ignorés, alors même qu’ils recouvrent un ensemble d’aspirations humaines essentielles : alimentation, éducation, logement, santé, accès à l’eau, conditions de travail dignes et sûres, loisirs, protection en cas d’accident ou de maladie, environnement sain… La promotion des DESC est donc aujourd’hui au cœur des luttes pour la dignité humaine et la justice sociale.
L’État joue un rôle fondamental dans la réalisation de ces droits : il contribue à leur satisfaction en réglementant les activités sociales et en protégeant les droits humains, en opérant des transferts sociaux en faveur des plus démunis ou en fournissant des infrastructures de base ; il les accomplit surtout en proposant des services publics forts, équitables et de qualité. Les services publics contribuent en effet de façon décisive à répondre aux besoins fondamentaux de la population en matière d’éducation, de santé, d’accès à l’eau et à l’énergie, de transports, etc. Ils permettent en outre de réduire les inégalités existant entre les catégories de population, les zones urbaines et rurales et les régions en matière d’accès aux services de base.
Tant dans les pays du Nord que du Sud, les politiques économiques libérales fragilisent les services publics (de santé, de protection sociale, d’éducation, etc.) par des démantèlements et des réductions budgétaires, aggravant de ce fait les violations des DESC. Il est donc aujourd’hui essentiel de lier la promotion des DESC et la défense des services publics.
Les DESC peuvent également servir de critère pour la conception et l’évaluation des services publics. Ils permettent en effet de réintroduire un critère de justice sociale (l’équité d’accès aux services de base) dans la mise en œuvre des services publics, à côté du critère d’efficacité financière qui est de plus en plus souvent mis en avant.
La question de l’indivisibilité des droits de l’homme s’est posée dès l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948 qui englobe une série de droits considérable, mêlant indifféremment droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Deux Pactes ont été adoptés en 1966 et devenus applicables en 1976 : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Une simple réunion d’experts se réunissant une fois par an veille au respect du PIDESC tandis qu’un comité des droits de l’homme veille au respect des droits du PIDCP, par ailleurs immédiatement applicables (application progressive pour les DESC). Le protocole facultatif du PIDCP permet aux individus de présenter des «communications» (ce qu’en langage courant on appellerait des plaintes) par lesquelles ils peuvent saisir le Comité, lorsqu’ils estiment qu’un de leurs droits civils ou politiques a été violé et après que toutes les voies de recours internes ont été épuisées. Rien de tel n’existe encore pour garantir les DESC, longtemps ignorés. On a vu, au cours de ces dix dernières années, des ONG comme la FIDH et Amnesty, s’emparer, défendre et promouvoir les DESC au nom de « l’indivisibilité, l’universalité, l’interdépendance et la complémentarité » des Droits de l’Homme, rappelée par la conférence de Vienne de 1993.
Il y a là une évolution très positive en faveur de ces droits qui est en partie liée au grand mouvement mondial, quelque peu informel, qui s’est progressivement développé en même temps que des grandes réunions internationales se penchaient sur le droit au développement durable (Rio de Janeiro), le droit au développement social (Copenhague), le droit des femmes (Pékin), le droit au logement (Istanbul)… Ce mouvement, souvent désigné comme « altermondialiste » s’est progressivement mobilisé à l’occasion des conférences organisées par des institutions que sont le G7, le G8, et le groupe de Paris, ou les institutions financières et commerciales internationales : le FMI, l’OMC et la Banque mondiale.
Ce grand mouvement s’est progressivement organisé et formalisé depuis quatre ans avec les Forums sociaux de Porto Alegre, qui se définissaient au début comme des « contre-sommets », en face des sommets économiques de Davos, puis qui ont pris leur autonomie pour devenir un forum social mondial de la société civile. C’est notamment au cours de ces réunions qu’a pris racine l’approche de toutes ces questions – de développement, de santé, d’éducation, d’alimentation, de logement, etc. – sous l’angle des droits, et plus précisément des droits de l’homme. Ainsi, s’est nourrie la réflexion des ONG, des États et des institutions internationales, y compris de la Banque mondiale et du FMI.
Ainsi, la société civile organisée interpelle les États, premiers responsables de la réalisation des droits humains. Par son activité, l’État garantit un accès minimum de la population aux droits, à travers les services publics de santé et d’éducation, la construction d’infrastructures de base, la gestion des ressources naturelles, etc. Par ailleurs, il peut influer sur les conditions d’existence et les inégalités internes par leurs politiques économiques et sociales (politique d’emploi, de sécurité sociale, fiscalité redistributive…). Pourtant, les évolutions actuelles s’éloignent des modèles de l’État souverain et dispensateur de bien-être à la population. L’intensification des relations internationales et la mondialisation économique limitent la capacité des États à agir de façon autonome. En outre, les politiques de restriction budgétaire et de privatisation, initiées par les États eux-mêmes, bien souvent à la demande des institutions financières internationales, ont porté atteinte à leurs moyens d’action et à leurs ressources. Dans le même temps, l’importance accordée à la «société civile» a transféré à des organisations non gouvernementales une partie des fonctions de l’État, notamment dans les secteurs sociaux de l’éducation, l’alimentation, la santé…
S’il existe des obstacles idéologiques et des limites pratiques à leurs possibilités d’action, les États ne peuvent pour autant se déresponsabiliser. Ils demeurent les premiers garants du bien commun et sont dotés de ressources qui restent malgré tout considérables et qu’ils choisissent trop souvent d’investir dans d’autres secteurs que ceux garantissant l’effectivité des DESC. C’est donc bien vers les États que les individus doivent en premier lieu se tourner pour exiger leurs droits, promouvoir des services publics de qualité et obtenir réparation en cas de violation de leurs droits.