Économie métropolitaine : quels effets pour l’aménagement et la gouvernance des agglomérations.
Synthèse des échanges de la session 2006, Bâle
Louis-Marie Boulianne, 2006
La quatrième plateforme a porté l’analyse sur la compréhension de l’économie métropolitaine dans le contexte des agglomérations. Les trois premières plateformes ont davantage porté sur la problématique interne des agglomérations, sur les difficultés à les voir naître et à fonctionner dans la mouvance de l’intercommunalité. Il s’agit cette fois de considérer le contexte national et international, ainsi que les pressions et les défis qui se posent aux régions urbaines.
1. Rappel de la plateforme
La plateforme internationale sur les agglomérations réunit des praticiens et des scientifiques de Belgique, de France, du Québec et de Suisse qui s’intéressent à la problématique des agglomérations. Organisée en collaboration avec l’ATB et Frédéric Duvinage, la rencontre de Bâle est la quatrième après celles de La Chaux-de-Fonds en 2003, de Namur en 2004, de Toulouse en 2005. La formule de travail consiste en une visite de terrain en rapport avec le thème de la plateforme et une journée de discussion permettant d’approfondir la problématique. Une dernière demi-journée permet de tirer un bilan et de préparer la suite des travaux.
De Toulouse
La troisième plateforme qui s’est tenue à Toulouse en mars 2005 a porté sur la problématique de l’intercommunalité dans les agglomérations urbaines avec notamment la question de fond concernant l’utilité de l’intercommunalité entre solidarité et concurrence.
L’intercommunalité apparaît comme une alternative à la fusion des communes dans les aires urbaines avec une pratique de la supracommunalité qui tend à se développer. Bien que fortement critiquée et jugée imparfaite, la pratique de l’intercommunalité participe à des dynamiques publiques qui permettent d’agir en combinant des compétences et des territoires, opposant souvent la planification à la réalisation de grands projets (la stratégie du coup) en l’absence de proposition stratégique plus globale résultante de choix démocratiques.
Les questions suivantes ont été abordées :
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Comment traiter de la solidarité et des intérêts divergents entre des acteurs horizontaux au sein de l’intercommunalité ou entre intercommunalités ?
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Comment les agglomérations s’insèrent-elles dans les structures institutionnelles verticales (régions et État, cantons et Confédération), ce qui semble ajouter de la complexité, alors que nous sommes dans un contexte davantage polarisé et une hiérarchie urbaine de plus en plus prenante (la métropolisation et les métropoles) ?
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Que faire quand la pression sur le territoire est très forte, avec une tension du global sur le local ?
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Comment combiner la solidarité interne au territoire et la solidarité des territoires en concurrence face à une libéralisation de l’organisation du territoire ?
Des réponses sont à chercher et à construire dans l’articulation entre l’urbanisme et le foncier d’une part, et le public et le privé d’autre part. La tension entre planification et projet est souvent abordée par la communication contribuant à l’image ambiguë des procédures de consultation et de participation.
À Bâle
L’expérience de l’Agglomération tri-nationale de Bâle (ATB) procure un terrain d’étude de premier ordre avec un cadre institutionnel particulièrement intéressant par ses aspects transfrontaliers et par l’existence de grands projets impulsés par l’économie métropolitaine mondiale.
Le programme de la plateforme consiste lors de la première journée en la présentation de quelques-uns des grands projets dans le cadre de l’ATB, notamment lors de visites sur le terrain, pour se conclure par une table-ronde avec des représentants politiques de l’ATB.
La seconde journée a été l’occasion de préciser le concept de l’économie métropolitaine et de mieux saisir ses impacts sur l’aménagement et la gouvernance des agglomérations. La présentation synthétique d’expériences en cours dans les pays a permis d’élargir le débat et de revenir aux préoccupations des premières plateformes sur l’intercommunalité et la solidarité intra et inter-agglomération, la participation des acteurs et les processus démocratiques.
Cette synthèse prend comme point de départ la communication de Nicole Rousier sur l’économie métropolitaine. Dans un deuxième temps, les agglomérations de Bâle, du Rhin-Rhône, Bruxelles-capitale, Montréal et Genève sont brièvement mises en perspective pour illustrer l’un ou l’autre des aspects de cette économie métropolitaine. Dans un troisième temps, la prise en considération des contextes nationaux différents et des d’agglomérations plus modestes (Saint-Étienne, Fribourg, Liège) interpelle la gouvernance économique en termes de solidarité. Cette synthèse se termine par quelques questions soulevées lors de cette plateforme de Bâle.
2. Considérations sur l’économie métropolitaine (extrait de la présentation de Nicole Rousier, PUCA)
« Expression contemporaine de la croissance urbaine, la notion de métropolisation est née d’une constatation : les espaces urbains d’aujourd’hui ressemblent peu à ceux du début du XXe siècle. En relation avec la montée en puissance de la mondialisation, ce phénomène désigne un changement quantitatif et qualitatif du processus d’urbanisation : accroissement de la concentration des hommes et des richesses autour d’un certain nombre d’agglomérations existantes sur des territoires de plus en plus larges, étalement urbain et dispersion des centralités, accroissement des mobilités, progression de la fragmentation et de la ségrégation sociale et spatiale1 ».
Le terme de métropolisation est ambigu. Il caractérise une dynamique de transformation qualitative des villes, à la fois fonctionnelle (concentration des activités stratégiques de l’économie globale) et morphologique (étalement urbain, dispersion des centralités, fragmentation et ségrégation socio-spatiale).
La métropolisation est « en quelque sorte la traduction urbaine de la mondialisation2 » pour les économistes ; elle s’inscrit dans un contexte de concurrence au niveau mondial et un processus de sélection où les « villes gagnantes » de la compétition seraient les métropoles. On comprend alors pourquoi des collectivités revendiquent ce qualificatif, tentent d’améliorer leur positionnement dans les systèmes de classement, se donnent comme ambition d’apparaître sur la liste des indicateurs retenus pour caractériser le phénomène, et pourquoi des politiques nationales reprennent des objectifs d’amélioration de l’offre métropolitaine dans un contexte de compétition européenne comme c’est le cas en France.
La métropolisation, processus de sélection et de concentration sur les plus grandes villes ?
Les auteurs anglophones parlent plutôt de « global cities », pour parler de cette forme spécifique d’urbanisation liée à la mondialisation économique. La géographie du peuplement constate l’augmentation du nombre de « city regions », à forte concentration de population (plus de 300 régions urbaines de plus d’un million d’habitants et au moins 25 de plus de 10 millions), moteurs du développement global. Le livre édité par A.J. Scott3 développe l’ensemble des traits caractéristiques de la métropolisation : une nouvelle organisation économique au niveau mondial, une nouvelle organisation territoriale polycentrique des régions urbaines, un accroissement de l’hétérogénéité sociale, de nouveaux modes de gouvernance.
Sélection dans le cadre de quelle concurrence?
Personne ne semble remettre en cause le fait que chaque territoire se trouve en concurrence avec son voisin ou une autre région à l’autre bout du monde. Mais de quelle concurrence s’agit-il ?
Comme le dit Krugman « cities don’t compete… only firms do »; les entreprises privilégiant la localisation urbaine recherchent des externalités urbaines pour améliorer leur propre compétitivité: on peut alors en effet parler de compétitivité collective territoriale fondée sur une forme d’organisation efficace (concurrence par l’organisation en plus de la concurrence par les prix selon Veltz), hypothèse sur laquelle repose par exemple la politique des pôles de compétitivité.
On peut tout de même parler d’une mise en concurrence des territoires par les investisseurs internationaux et par les professionnels très qualifiés, phénomène souvent survalorisé par les collectivités locales en termes d’attractivité. Cette attraction de compétences et de capitaux au niveau international repose avant tout sur les capacités territoriales de développement, reconnues et valorisées ainsi à l’échelle internationale.
Mondialisation et étalement urbain, polycentrisme, ségrégation sociale, quels rapports ?
La question reste posée du lien entre l’intégration des économies locales dans une économie de plus en plus globalisée et l’étalement urbain avec ses risques de fragmentation socio-spatiale. Il n’y a pas de démonstration du lien entre l’étalement urbain et l’importance de la dimension internationale des villes. Il n’y a bien sûr pas de relations directes car les relations entre la croissance économique, l’augmentation de la production et l’ouverture internationale et le développement économique sont complexes. Les travaux de L. Davezies4 mettent en évidence que les croissances démographiques les plus fortes dans la dernière décennie ne sont pas dans les plus grandes agglomérations et surtout que la géographie des revenus (indicateurs de développement) est bien différente de la géographie de la production (indicateur de croissance).
Enfin les relations entre la métropolisation et la ségrégation sociale sont toujours en débat. La ségrégation socio-spatiale ne peut être niée ; les inégalités de revenus et d’affectation des populations dans l’espace urbain se renforcent. La question est de faire porter cette croissance des inégalités sur la globalisation. Des travaux sur la polarisation sociale des grandes villes européennes5 ne semblent pas indiquer une polarisation sociale plus forte dans les villes financières globales, comme le suggérait la thèse de Sassen sur les villes globales.
La question essentielle est de préciser le contenu de l’économie métropolitaine et les échelles territoriales mises en relation selon les cas de figure. En effet, il n’y a pas de « modèle » unique de métropolisation, même si le cas de figure que constitue les « global cities » financières est emblématique du capitalisme financier contemporain. Il y différentes formes d’intégration des économies locales dans l’économie globale, différents types d’espaces mis en relation, différents réseaux et différentes échelles de centralité.
Pour Nicole Rousier, l’objectif pourrait être de donner un contenu économique à la réflexion de Michel Bassand sur la « métropolisation » de la Suisse6 : « la société de l’information engendre la métamorphose d’un réseau de villes en un réseau d’agglomérations urbaines et de métropoles… Grâce à l’armature mondiale de métropoles, chacune peut assumer une centralité mondiale, facteur premier de son développement ». Qu’elles sont les articulations entre les centralités au niveau mondial ou européen et les centralités au sein des régions urbaines, et celles entre les réseaux morphologiques et les réseaux économiques fonctionnels ?
Économie métropolitaine, de quoi parle-t-on ?
À partir de recherches sur l’internationalité des villes7, on peut distinguer, en fonction bien sûr de la taille de la ville, mais aussi des spécificités institutionnelles de chaque pays et de leur histoire urbaine, deux grands types de trajectoires d’inscription des régions urbaines dans l’économie globale :
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Production-innovation : le rôle des villes dans les processus d’innovation.
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Gestion de la circulation des flux financiers, commerciaux, migratoires.
Enjeux de politiques locales
La représentation spatiale de l’économie globale comme un archipel de villes-régions, moteurs du développement au sein d’un réseau de métropoles échangeant des flux de toutes natures (capitaux, biens, services et informations) est dominante dans les travaux récents sur la métropolisation. Mais les échelles spatiales auxquelles renvoient les notions de villes et de régions restent floues, et les espaces « régionaux » à prendre en compte pour analyser les relations économiques sont diverses.
Si on laisse de côté le cas des places financières, on peut reprendre les deux grands types de trajectoires de développement à l’international que sont les dynamiques de production-innovation d’une part, et la gestion de la circulation des flux d’autre part, pour les décliner en termes de politiques de développement et d’aménagement.
Les dynamiques de production-innovation
En termes politiques, c’est le registre des politiques de développement économique local favorisant la coordination locale en faveur de l’innovation. Si la reconnaissance du rôle de la recherche et de la RD doit se traduire en termes financiers, les politiques locales ont un rôle essentiel dans le domaine de la formation, mais également dans des processus d’innovation centrés sur l’usage (transports, environnement, efficacité des organisations publiques, marchés publics).
La coopération intercommunale est d’autant plus forte sur cet enjeu que la spécialisation est forte et que l’innovation dans tel ou tel domaine technologique ou sectoriel est reconnue comme moteur de la croissance économique locale. Le problème que se posent les développeurs locaux est le risque de ce cette spécialisation.
Les agglomérations spécialisées dans telle ou telle activité productive ont des « régions » d’autant plus vastes que les acteurs mobilisés dans la création des ressources territoriales (en compétences, technologies, infrastructures de soutien) sont nombreux ; l’extension des aires urbaines et le rayonnement de certains services aux entreprises contribuent à organiser ces dynamiques au niveau de vastes régions urbaines.
Les milieux professionnels mettent directement en relation local et global, mais chaque réseau professionnel est différent de l’autre, (réseau aéronautique européen, réseau automobile mondial, réseau des villes nanotech ou biotech…). Le polycentrisme fonctionnel (flux de savoir des réseaux de services avancés) n’est pas identique au polycentrisme morphologique (distribution spatiale des villes)8.
Circulation des flux, les villes « nœuds de diverses transactions marchandes »
Ce sont de grandes régions économiques, marchés de consommation desservis par les villes et centres de redistribution de l’économie globale, aux contours variables selon les stratégies d’entreprises et les évolutions démographiques.
En termes de politique de développement, il convient d’être plus attentif à l’implantation d’investisseurs étrangers dans des établissements de distribution, des implantations « têtes de pont » pour diffuser produits et services sur un espace régional défini par chaque firme, l’importance des politiques de transport multimodales au niveau régional et transrégional, et la réflexion sur la localisation des plateformes logistiques et les entrepôts de dégroupage.
Conclusion sur les considérations sur l’économie métropolitaine
Les tentatives pour ajuster les territoires de gestion politique à ces espaces d’organisation de la production-innovation et des échanges de flux métropolitains sont difficiles, même si elles favorisent une mobilisation collective pour définir des intérêts communs, dans un contexte de comparaison internationale où chaque organisation territoriale se situe par rapport à d’autres organisations urbaines.
En effet, le futur des villes s’inscrit dans les débats et les décisions politiques à venir. La place des États par rapport au niveau européen de régulation politique est un enjeu politique majeur qui aura des répercussions sur les villes places financières et les villes centres de pouvoir et de décision économique : selon le niveau principal de régulation politique choisi dans les décennies à venir, l’armature urbaine européenne peut connaître des évolutions sensibles.
3. économie métropolitaine : questionnement à partir de cas de métropoles
La présentation de cas de métropoles a été l’occasion d’approfondir les spécificités de l’économie métropolitaine ainsi que les diverses formes de son inscription sur le territoire. En effet, la métropolisation est multiple et les analyses de terrain le confirment.
La « métropole bâloise » a retenu particulièrement l’attention avec des visites de projets sur le terrain et de la table-ronde avec des élus représentants l’ensemble de l’agglomération trinationale de Bâle.
3.1 Bâle
L’économie métropolitaine de l’agglomération bâloise (présentation de Frédéric Duvinage) s’oriente sur l’économie de la connaissance basée sur l’innovation et les réseaux à l’interface de différents secteurs économiques. Les objectifs de l’agglomération sont de participer à cette course mondiale en développant ses exportations mais aussi en existant sur la scène culturelle. Par exemple, la région passe de la pharmacie à la biotechnologie et aux sciences de la vie, mais aussi restructure la ville en transformant le port de Bâle en un campus de recherche. Les acteurs privés sont bien présents dans ces processus, notamment dans le bâti qui transforme l’image de la ville.
Les acteurs publics ont dû aussi concrétiser leur collaboration dans une plateforme qui a pris la forme d’une association (ATB), à la fois pour la gouvernance politique et technique. Elle a été rendue nécessaire pour discuter des infrastructures et des grands projets. Bien qu’elle n’ait pas de compétence de décision, elle est le lieu de débat notamment pour les questions transfrontalières et pour faire face à la fragmentation du tissu de l’agglomération.
Les défis que pose l’économie métropolitaine à l’agglomération de Bâle concernent l’adaptation du tissu urbain. Quel avenir souhaite-t-elle ? Devenir une métropole du style Manhattan toute proportion gardée ou une ville rhénane ? Quel est l’équilibre entre métropole, qualité de vie et vie de quartiers ?
3.2 Réseau métropolitain Rhin-Rhône
Cette proposition de création de réseau métropolitain est la réponse à l’appel du CIADT pour un rayonnement européen des métropoles françaises. En s’appuyant sur la future ligne de train à grande vitesse qui va relier les six agglomérations à l’horizon 2011, les agglomérations concernées ont proposé un projet de réseau métropolitain Rhin-Rhône (présentation de Jean-Paul Vogel).
Cette expérience en cours est l’occasion de se poser des questions sur la coopération métropolitaine :
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La coopération entre plusieurs territoires favorise-t-elle le plus fort ?
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Compétitivité économique ou cohésion sociale, excellence ou solidarité ?
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Une métropole peut-elle être multi-polaire ? La promotion économique d’une telle métropole est-t-elle possible, entre concurrence et compétitivité ?
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Le territoire vécu devient-il celui de la métropole ?
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Qui décide entre le public et le privé ?
3.3 Bruxelles
La structure institutionnelle belge est connue pour sa complexité. Dans le cas de Bruxelles, la création de Bruxelles-capitale (présentation de Roger Hagelstein) a pris la suite de l’agglomération bruxelloise en lui donnant les mêmes compétences qu’une région belge. Les défis principaux concernent le maintien d’une population diversifiée de caractère internationale et interculturelle dans un développement économique durable.
À Bruxelles, la relation entre économie et qualité de vie est clairement posée. Cela passe par une réduction de la fracture sociale entre ville du monde et vie de quartiers, mais également un rééquilibre du centre et la périphérie.
3.4 Montréal
Le développement de la communauté urbaine de l’agglomération montréalaise (présentation de Pierre Bélanger) interpelle la problématique de l’économie métropolitaine. Constatant la difficulté de concrétiser les atouts économiques, l’expérience de Montréal nous rappelle que le développement métropolitain ne va pas de soi et qu’il doit s’intégrer dans un processus de gouvernance pour concrétiser le potentiel de développement.
Dans le cas montréalais, la multitude d’acteurs concernés dans des processus de décision fragmentés débouche sur une faible intégration des acteurs, une redondance des interventions, une divergence des intérêts de certains acteurs qui privilégient le niveau stratégique et d’autres le développement local, dans un cadre exacerbé par une fiscalité locale basée sur le foncier.
Dans ce contexte, comment concilier un plan de développement économique prospectif et un schéma d’aménagement qui localise les développements projetés ? Les objectifs approuvés au niveau global rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de localiser les investissements.
3.5 Genève
L’agglomération franco-valdo-genevoise (présentation de Marianne Baudat) est un bon exemple d’une réponse institutionnelle aux défis posés par l’économie métropolitaine. En réunissant deux cantons suisses et la région limitrophe française, en combinant la formule du projet-modèle de la Confédération helvétique et le projet métropolitain de la France, Genève tente de concilier les différentes scènes de la métropolisation.
Le projet d’agglomération veut renforcer la cohérence métropolitaine de l’espace « genevois » en matière de transport et de promotion économique, améliorer le positionnement international notamment en identifiant des collaborations possibles. C’est un défi important qui se heurte à des conditions institutionnelles difficiles qui nécessiteront un effort important de communication et de participation.
4. contexte national et gouvernance des territoires
La politique des agglomérations en Suisse (Georg Tobler) se caractérise par une approche par projets-modèles qui permet une large expérimentation dans la mise en place de projets d’agglomération comme celui de Bâle, Genève, Fribourg ou Neuchâtel. Mais cette diversité des cas ne permet pas une visibilité claire de ce qu’est une gouvernance d’agglomération, notamment, en termes d’acteurs présents qui varient fortement d’une agglomération à une autre. Par exemple, dans le cas de Bâle, il y a des acteurs institutionnels (ATB), des milieux économiques (Novartis) et des citoyens (quartiers).
L’approche par projets à forte connotation économique focalise l’attention et les moyens sur des grands projets visibles. La promotion est assurée par des élites autoproclamées qui se font les messagers de la gouvernance métropolitaine. Ces démarches percutent les planifications territoriales et peuvent court-circuiter les démarches démocratiques élaborées dans les plans directeurs ou les SCOT. L’ambitieux projet de « salle de musique du Jura » participe à ce phénomène.
La politique des réseaux métropolitains français constitue une nouvelle orientation d’aménagement du territoire en France (Jean-Michel Malé). C’est la reconnaissance du dynamisme des métropoles dans l’économie d’une part, et une réflexion sur le positionnement concurrentiel des métropoles françaises en Europe, d’autre part. C’est ce qui a motivé le lancement par la CIADT d’un appel à la création de réseaux métropolitains qui visent à stimuler les formes de coopération et lutter contre le morcellement de l’intercommunalité.
Dans ce contexte, la difficulté réside sans doute dans une gouvernance opérante au-delà de la réponse à l’appel à projet permettant de transformer les intentions en des projets concrets qui se traduisent dans des contrats. C’est la recherche d’une gouvernance qui fonctionne. Le retard dans l’organisation des élus par rapport aux autres acteurs est patent d’où cet effort d’organisation de la gouvernance politique.
La discussion sur l’économie métropolitaine suscite des réflexions (Yves Hanin) sur la société post-fordiste et sur la société post-nation. Elle impose un regard sur le global et l’agglomération d’une part, et le local et la question de la nouvelle identité, d’autre part. Peut-être faut-il réfléchir à une recomposition à un autre niveau que pourrait être le district européen ?
5. gouvernance économique et solidarité : interrogations sur les acteurs ?
Le dernier débat de la plateforme a porté sur la gouvernance influencée par l’économie métropolitaine et la nécessaire solidarité intra-métropole. Ce retour aux préoccupations discutées lors des premières plateformes a permis de s’interroger sur la place des acteurs dans ces processus de gouvernance.
Le cas de Liège (Jean-Marie Halleux) qui représente une agglomération européenne moyenne, avec une fragmentation des pouvoirs politiques et ne disposant pas d’une structure d’agglomération, est un bon exemple d’une région urbaine soumise aux effets de l’économie globale qui a l’obligation de se restructurer suite au déclin de son industrie traditionnelle. Liège ne faisant pas le poids pour attirer les activités métropolitaines (services) par rapport à Bruxelles, la ville doit trouver de nouveaux champs d’activités, par exemple dans la logistique multimodale (fret aérien, TGV). Un exercice de prospective lancé par un ensemble d’acteurs locaux a permis d’identifier des trajectoires possibles et souhaitées d’une part, et de réfléchir sur une structure d’agglomération légère pour tirer profit de la dynamique de l’économie métropolitaine.
Le cas de Fribourg (Corinne Margalhan) repose sur une tout autre dynamique d’acteurs qui s’inscrivent dans un processus législatif au travers d’une assemblée constituante pour construire une agglomération. L’on y constate une évolution dans l’implication des acteurs qui se concrétise par une participation plus grande des exécutifs comme délégués aux dépens des représentants des législatifs. Cette substitution illustre le lien qu’il existe entre la structure du projet d’agglomération et les projets lorsque l’on se rapproche de la réalisation.
L’intervention sur la participation des partenaires sociaux que sont les syndicats à St-Étienne et en France (Rémi Dormois) a montré leur absence sur la scène urbaine alors qu’ils sont très actifs dans les autres domaines. Le manque d’expertise dans les enjeux urbains des syndicats limite leur participation dans ces nouvelles scènes de démocratie délibérative alors que les acteurs économiques sont davantage présents.
6. Questions conclusives
Les travaux de cette quatrième plateforme sur l’économie métropolitaine et agglomération dans le contexte belge, français, québécois et suisse montre un affaiblissement de la thématique sociale comme le souligne Jean Ruegg. Avec une réduction des moyens financiers des États, la politique urbaine devient plus incitative avec un abandon de la logique de redistribution. La solidarité territoriale se heurte rapidement à la définition du périmètre, dans un débat interne (payeur, bénéficiaire, actif, proactif) et externe (concurrence). Elle est également confrontée au captage de la croissance et des ressources avec plusieurs expériences de péréquation et de désenchevêtrement des tâches entre les différents niveaux institutionnels. C’est la question du partage de la croissance versus la solidarité dans des métropoles tournées vers l’économie globale, et de la mutualisation des territoires dont l’un des principaux obstacles à l’intercommunalité est la fiscalité.
Les discussions ont également fait apparaître un certain mimétisme dans les projets métropolitains en termes d’objectifs et des thématiques développées révélant un déficit dans la contextualisation spécifique à chaque agglomération comme l’a fait remarquer Rémi Dormois. Les approches s’inspirant de l’économie métropolitaine se situent largement dans une logique de l’offre faisant du développement l’unique cible, négligeant la demande sociale locale. Le cas de l’agglomération de Bâle a été illustratif à ce sujet, partagé entre des projets à l’échelle internationale portés par de grands acteurs économiques et des préoccupations de qualité de vie de quartiers défendus par des citoyens dans un débat encore ouvert.
La cinquième plateforme qui se tiendra à Liège les 15-17 mars 2007 continuera d’aborder les thématiques esquissées à Bâle. Le thème principal sera la mobilité et la métropolisation dans ses dynamiques économiques, sociales, environnementales, foncières et symboliques. La mobilité fait l’agglomération dit-on ! Ce sera l’occasion de s’interroger sur les politiques de déplacements, la participation des citoyens et des usagers-habitants, et la gouvernance urbaine adéquate au fonctionnement des agglomérations.
1 Les cahiers de la métropolisation, PREDAT DRE PACA et Languedoc, Agence d’urbanisme du pays d’Aix, La métropolisation dans l’espace méditerranéen français, janvier 2005
2 Lacour, Puissant, La Métropolisation, Anthropos, 1999, p.74
3 Global city regions, trends, theory, policy, Oxford University Press, 2001
4 cf. L. Davezies et P. Veltz, « Territoires : nouvelles mobilités, nouvelles inégalités », Le Monde, pp.24-25
5 Martens, Vervaeke, La polarisation sociale des villes européennes, Anthropos, 1997
6 cf. M. A. Buisson, N. Rousier, « L’internationalisation des villes : métropolisation et nouveaux rapports ville-région », RERU n°2 1998
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