Le Panel de Citoyens : Un essai de promotion de la démocratie participative
Yolanda Ziaka, October 2001
Dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale (DPH)
Cette fiche a été rédigée sur la base de documents fournis par M. Hans Harms, sociologue, coordinateur du projet des Panels de Citoyens en Espagne1, qui a d’ailleurs décrit les principes de base et le fonctionnement de cette consultation populaire dans son article « La participation citoyenne : un outil pour l’éducation à l’environnement », publié dans le livre « Une Éducation à l’Environnement pour le 21e siècle »2.
Elle s’intéresse plus particulièrement à la mise en place d’un panel de citoyens en Belgique lors d’un processus de révision des plans de secteur du Brabant wallon en 2001.
Le « panel des citoyens » est une nouvelle forme de débat public, qui a déjà été mise en exercice dans des pays comme l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, la France, la Suisse et pour la première fois en 2001, la Belgique.
Ce processus est employé pour débattre de questions complexes, comme celles d’environnement, de développement durable, de bioéthique, etc.
Concrètement, un groupe de citoyens est tiré au sort pour donner son avis sur une question d’intérêt public. Cet avis est censé être pris en compte lors des débats parlementaires et les processus de décision sur la question. Pour pouvoir rendre un avis argumenté et réfléchi, le groupe de citoyens, profane en la matière, s’informe - de manière aussi complète que possible - et se forme sur le sujet, en se confrontant à diverses personnes ressources.
Ce nouveau type de consultation populaire a été lancé, durant les premiers mois de 2001, en Belgique, dans le Brabant wallon, sur la question de l’aménagement du territoire, par le Ministre des Transports, de la Mobilité et de l’Énergie et le Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme. Ce fut une proposition de la Fondation pour les Générations Futures, une association sans but lucratif qui a coordonné et animé l’action. La Maison de l’Urbanisme a aussi contribué à la mise en place de l’action. L’enjeu de l’expérience a été, selon les deux Ministres, de « mettre le pouvoir à l’écoute du citoyen » et de « pratiquer la démocratie participative ». Les initiateurs du projet considèrent qu’il pourrait être intégré dans les nouvelles procédures d’aménagement du territoire et peut-être alléger les enquêtes publiques.
En Belgique, un processus de révision des plans de secteur est actuellement en cours. Le gouvernement belge considère que ces plans (21 en Région wallonne), vieux de plus de vingt ans, sont à réviser parce qu’ils ne répondent plus aux besoins sociaux, économiques ou environnementaux d’aujourd’hui. Ces plans ne permettent pas de faire des choix optimaux en matière d’implantation pour les activités des entreprises, d’extension de nouvelles zones d’habitat ou de protection de zones d’intérêt écologique. L’enjeu est donc d’importance pour le Sud du pays, et plus particulièrement le Brabant wallon, zone où existe une forte pression foncière et économique devant la demande d’extension des zones industrielles et l’augmentation constante de la population.
La préparation de cette consultation populaire a commencé en septembre 2000 et l’action proprement dite s’est déroulée à partir du mois de mars jusqu’en mai 2001. Un budget de 4 millions de FB a été dégagé par les deux Ministres pour l’opération (environ 99.000 ? ).
Le « panel des citoyens » constitué à l’occasion était composé de 62 personnes, choisies parmi celles qui avaient répondu positivement à un appel téléphonique les invitant à participer à cette opération. Le recrutement a été fait par une société de sondage, qui a contacté au téléphone près de 3.300 personnes. Sur les 1.300 véritables discussions qui ont eu lieu, au moins 130 ont abouti. Un tirage au sort a permis d’aboutir à un groupe représentatif des deux sexes, des âges, des catégories socioprofessionnelles et des trois sous-régions du Brabant wallon. Il s’agissait d’un groupe de non-spécialistes, dont la moitié n’avait pas effectué d’études supérieures.
Les participants furent invités à donner leur avis sur la révision des plans de secteur, sous forme de « grandes valeurs guides » pour le développement futur de la province.
Les panélistes se sont réunis trois jours consécutifs, en sous-régions, et ont reçu une initiation sur les sujets du développement durable, du développement économique, de la mobilité et de l’aménagement du territoire. Pour chaque module, il y avait des exposés et des « travaux pratiques », comme les discussions en groupe, les votes, les simulations et les jeux de rôle. Dans le module relatif à l’aménagement du territoire, les panélistes étaient invités à proposer des modifications au plan de secteur d’un village imaginaire, à faire des choix et des propositions sous forme de valeurs ("les logements sociaux doivent être intégrés dans le village ou le quartier pour éviter la formation de ghettos", etc.).
A l’issue des trois premiers jours, les panélistes furent invités à sélectionner les personnalités ou institutions qui pourraient leur apporter des compléments d’information. Près de 35 personnes ont ainsi été conviées à rejoindre le panel : des représentants d’entreprises, des syndicats, des associations d’environnement (Fédération de l’agriculture, Chambre du commerce et de l’industrie, Mouvement ouvrier chrétien, Ligue des familles, Inter-Environnement Wallonie, etc.).
Durant l’étape suivante, les participants furent invités à voter individuellement sur un questionnaire regroupant les valeurs (dégagées lors de l’exercice du village imaginaire ou durant les rencontres avec les représentants des acteurs sociaux) et à sélectionner les meilleures propositions parmi celles dégagées durant les étapes antérieures.
Sur la base de ces résultats, une aide-rédactrice, qui avait assisté au processus dès le départ, a soumis un projet de texte à un comité de rédaction, composé de délégués des panélistes. Le texte, reformulé, fut envoyé à l’ensemble des panélistes pour amendement. Ces derniers ont examiné les 22 articles amendés et ont approuvé le texte final.
Le texte définitif contenant l’avis du panel des citoyens fut transmis aux deux Ministres, qui se sont engagés à prendre en compte les remarques et observations, tout en se réservant le droit de faire les choix qu’ils jugeraient nécessaires, en assumant leurs responsabilités.
Durant l’ensemble du processus, il n’est arrivé que rarement que les participants n’aient pas trouvé un consensus. Les principes furent dans ces cas-là adoptés par un vote à la majorité.
L’intérêt de cette opération se trouve tout d’abord dans le souci de redonner au simple citoyen son rôle, sa place et le droit qui lui revient - par définition - de participer au processus de prise de décisions. Les expériences de ce type menées jusqu’à présent montrent que les participants se sentent fiers d’avoir été consultés, d’avoir donné leur avis, d’avoir participé à la prise de décisions… Il s’agit ensuite d’une démarche réellement formatrice pour ce groupe d’adultes, non-spécialistes, qui ont participé à l’opération. Du point de vue de l’apprentissage des concepts et des données relatifs au sujet débattu, il s’agit toutefois d’une première initiation à des questions complexes, où l’enjeu se trouve dans l’interaction entre facteurs économiques, environnementaux et sociaux-politiques. Ainsi, les panélistes belges ont exprimé leur conscience des limites de l’avis qu’ils ont émis, notamment parce qu’ils ont constaté que les jours de travail consacrés aux consultations ont été insuffisants pour traiter à fond les questions complexes de l’aménagement du territoire. Néanmoins, cette initiation donne l’envie d’apprendre plus. Et le rôle éducatif de l’expérience se trouve aussi dans le développement d’une attitude responsable à l’égard de la gestion des questions publiques, qui, on peut espérer, continuera à s’exercer dans la vie quotidienne des participants. L’expérience pose aussi la question du rôle particulier et vital que peuvent jouer les associations d’éducation permanente dans un processus de consultation publique.
Les panélistes belges ont exprimé leur contentement de manière assez forte :
« Nous voudrions vous faire part de notre satisfaction au terme de ce premier Panel de citoyens. Malgré certaines limites inhérentes à sa jeunesse, nous avons été heureux d’être considérés comme des acteurs et non comme des spectateurs de la vie de la Cité. Ce panel a suscité l’envie d’en apprendre plus, de se réapproprier une région qui aurait dû être depuis longtemps la nôtre. Cela montre tout l’intérêt d’une démarche fondée sur la construction d’un savoir permettant de faire des choix responsables, une démarche qui va plus loin que le simple choix de mandataires au moment des élections.
Motivés ou curieux au départ, nous nous sommes si souvent transformés en assoiffés d’informations et de débats contradictoires que nos animateurs ont eu parfois bien de la peine à gérer toute cette énergie, cette soif de participation responsable. Nous les remercions pour ce qu’ils nous ont permis de vivre. Nous remercions aussi les politiques qui ont soutenu ces rencontres, et nous espérons le renouvellement de cette expérience ».
Les panélistes ont été légèrement rétribués pour leur contribution à cette action.
1 Hans HARMS - Citcon (Citizen Consult gmbh), Allemagne 1998 La méthode du « Panel de Citoyens »
2 Ziaka Y., Robichon P., Souchon C., Polis – Réseau international en Éducation à l’Environnement. 2000. Une Education à l’Environnement pour le 21e siècle, Éditions Charles Léopold Mayer (français), et Polis-RIEE (anglais)
Sources
To go further
POLIS-RIEE (Réseau international en Education à l’Environnement)
Présentation de POLIS-RIEE
Forum Ethique et Responsabilités
Harms H. Les jurys de citoyens, un principe de consultation des citoyens fondé sur le sens commun et l’information, in les cahiers du DSU, mars 2000