Faciliter la création d’entreprises par des personnes d’origine étrangère en Région wallonne
Retour sur l’expérience de la coopérative Coralli
Pascale Thys, September 2001
Pour faire écho au projet Coralli, cette fiche propose de s’intéresser à ce qui se passe dans la région wallonne et ce qui pourrait y être reproduit.
Ce projet s’est attaché à créer une coopérative de réhabilitation de logements publics pour répondre au problème de logements de « mal-logés » d’origine étrangère. Les logements sont loués prioritairement aux associés de la coopérative qui ont participé à la réhabilitation.
Exemples des actions mises en œuvre dans la région wallonne
De nombreuses sociétés commerciales sont créées par des personnes d’origine étrangère et ce dans tous les domaines. Certaines participent à l’amélioration des conditions de vie des personnes étrangères et à la création d’une société multiculturelle. Comme par exemple cette société de nettoyage industriel fondée par une personne d’origine Kurde, qui travaille aussi bien pour le secteur public que pour le marché privé. Cette société permet à de nombreux autres Kurdes de travailler et de faire vivre décemment leurs familles. La qualité du travail accompli participe indirectement à la modification des préjugés envers « les étrangers ».
Dans un autre secteur on peut aussi citer des expériences comme celles de la coopérative d’alimentation Les abeilles. C’est une centrale d’achat liée à la consommation qui propose à ses membres des aliments d’autres pays et d’ici. Ce qui permet aux familles membres de se procurer des aliments en provenance de l’étranger à moindre prix. Les parts qui sont détenues par des familles ne sont pas élevées, ce qui permet à un maximum de personnes d’être membre. De plus, un des objectifs poursuivis est de permettre aux membres de créer d’autres projets comme, par exemple, la mise en place d’un service traiteur pour l’organisation de fêtes, de mariages…
Il y a beaucoup d’associations qui ont pour public les personnes d’origine étrangère. Des guides les recensent, comme par exemple le Guide Social ou encore « Le répertoire des associations africaines de Belgique » réalisé par l’association Le SONGE1.
Selon le Guide Social2 elles sont de trois types :
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Les organisations liées aux pays d’origine ;
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Les organisations du pays d’arrivée qui intègrent dans des structures préexistantes ou non le public immigré ;
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Les organisations de l’immigration nées à l’initiative des personnes issues de l’immigration menant une action de formation et de valorisation.
Différentes formations permettent d’acquérir les compétences pour mener à la création d’entreprises ici ou dans les pays d’origine. Par exemple, les Régies de Quartier, les Entreprises de Formation par le Travail (EFT), et autres organismes d’insertion et de formation, accueillent un public d’origine étrangère et participent à leur insertion socioprofessionnelle. Des financements sont accordés, entre autre, par la Région wallonne pour le travail avec les personnes d’origine étrangère3.
Différents organismes et structures accompagnent les personnes immigrées tels que :
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L’EFT «Quelque chose à faire» qui vise à optimaliser les chances d’insertion socioprofessionnelle par des actions de formation de type général et professionnel au niveau de la rénovation et de la construction dans le secteur du bâtiment ;
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L’Organisme d’Insertion SocioProfessionnel ENAIP à Liège, qui dispense des formations en informatique et en graphisme. Il a favorisé la création d’un centre de formation par un ex-stagiaire au Togo ;
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L’Organisme d’Insertion SocioProfessionnelle « Le collectif des femmes »4, qui dispense des préformation et des formations (informatique, couture, gestion de Petites et Moyennes Entreprises, …). Il a été créé pour répondre au besoin d’encadrement des femmes des étudiants d’origine étrangère ;
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En 2000, la Confédération européenne des coopératives de production et de travail associé des coopératives sociales et des entreprises participatives (CECOP)5 a organisé une formation à la création d’entreprises sociales à destination de chômeurs d’origines italiennes.
Éléments à reproduire issus du projet Coralli
Deux axes sont ici développés : le travail des personnes d’origine étrangère et l’aide aux petites entreprises.
L’occupation de travailleurs étrangers
Cela fait l’objet de divers textes législatifs. La Région est compétente, notamment, pour la délivrance des permis travail6 et d’autorisation d’occupation et d’autorisation provisoire d’occupation à l’employeur qui souhaite engager un travailleur étranger. En ce qui concerne le statut d’indépendant, la loi demande que les personnes étrangères7 soit titulaires d’une carte professionnelle.
Un avis de la Commission pour l’intégration des populations d’origine étrangère (CIPOE)8 du Conseil économique et social de la Région wallonne (CESRW)9 fait état de divers problèmes juridiques, administratifs et pratiques et demande la simplification administrative en matière de demande d’autorisation ou de permis de travail et une législation coordonnée et harmonisée avec les différents niveaux de pouvoirs belges10. Au niveau fédéral, le Conseil supérieur de l’emploi (CSE) abonde dans le même sens puisque dans son avis sur la politique communautaire en matière de migration et la mise en œuvre de la stratégie européenne de l’emploi, il stipule qu’il est urgent d’intégrer les personnes d’origine étrangère sur le marché du travail en leur offrant enfin des conditions de travail satisfaisantes11.
Un des objectifs poursuivis par la Région est « d’ouvrir aux personnes étrangères ou d’origine étrangère la possibilité d’être actrices de leur propre intégration »12. Les différents acteurs de la politique d’accueil et d’intégration des personnes issues de l’immigration, comme la Direction générale pour l’action sociale et la santé (DGASS) et la Direction interdépartementale d’intégration sociale (DIIS), y contribuent.
L’insertion socio-professionnelle des personnes issues de l’immigration est particulièrement ciblée par l’action régionale13. Notamment via les Centre régionaux d’intégration des personnes étrangères ou d’origines étrangères (CRI)14, le Forem (le service public wallon de l’emploi et de la formation) qui coordonne plusieurs projets de formation (par exemple des formations pour les allochtones dans les métiers liés à l’exportation), de sensibilisation des employeurs (par exemple en matière de lutte contre les discriminations à l’embauche, de diffusion de brochures…
Dans le cadre de son action de lutte pour l’intégration des familles étrangères, 21% des prêts du Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie sont accordés aux familles de nationalité étrangère en 200015.
Les petites entreprises
Le Ministre wallon de l’économie a signé, en 2001, une déclaration16 en faveur des Petites et Moyennes Entreprises reconnaissant l’importance des petites entreprises et le fait qu’il existe encore trop d’obstacles à leur création et à leur croissance.
Deux exemples d’obstacles :
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Le manque de valorisation des ressources et compétences des étrangers17. Selon une étude de l’Institut de recherche et de formation et d’action sur les migrations (Irfam), 40% des Africains vivant en Wallonie sont universitaires or seuls 10% d’entre eux sont engagés selon leur compétence. Comme réponse, la Région projette de créer une agence de développement des compétences et une formation destinée aux Africains avec des modules sur la gestion et la création d’entreprises…18 Le programme d’aide au retour volontaire et à la réinsertion positive de l’ONG Coordination et Initiatives pour les Réfugiés et Étrangers (CIRE) permet à des demandeurs d’asile et personnes sans papiers d’accéder à cette formation … mais uniquement pour créer une petite entreprise dans leur pays d’origine.
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Les problèmes de concurrence, notamment au niveau de l’accès au marché public d’un montant maximum de 5,5 millions pour les entreprises d’économie sociale et d’insertion qui est prévu par une loi de 1999. Le secteur de la construction estime qu’il y a concurrence déloyale parce que les asbl bénéficient déjà de subventions pour les stagiaires et les encadrants19 notamment.
Au niveau européen, l’article 2 de la décision du Conseil relative à un programme pluriannuel pour les entreprises et l’esprit d’entreprise, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, stipule qu’il faut « simplifier et améliorer l’environnement administratif et réglementaire des entreprises notamment pour favoriser la recherche, l’innovation et la création d’entreprises »20.
La Charte européenne des petites entreprises21 adoptée par le Conseil des affaires générales le 13 juin 2000 et approuvée par le Conseil européen des 19-20 juin 2000 stipule que « les petites entreprises doivent être considérées comme l’un des principaux moteurs de l’innovation, de l’emploi ainsi que de l’intégration sociale et locale en Europe ».
L’avis du Comité économique et social sur la Charte rappelle que « les petites entreprises (…) jouent un rôle (…) en tant que premier laboratoire de formation et d’éducation au travail et au savoir pratique », qu’« il y a lieu de favoriser et de soutenir (…) l’accès des petites entreprises à la formation, (…), à la recherche et à l’innovation (…) » et que « les politiques publiques doivent faciliter l’accès au marché des petites entreprises (…) en soutenant les mouvements associatifs qui opèrent dans le domaine économique »22.
La commission dans le cadre de sa politique de l’emploi, a reconnu l’importance de l’économie sociale en tant que laboratoire confirmé de création d’emploi23.
Les législations ont dû s’adapter au nouvel esprit d’entreprise créé par les entreprises sociales. Par exemple, en 1991 l’Italie a adopté une loi sur les coopératives sociales, et en 1995 la Belgique a institué la société à finalité sociale (surtout basée sur l’insertion professionnelle de personnes exclus du marché du travail)24. La France a créé, en mai 2001, un nouveau statut coopératif : la société de coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour permettre, notamment, de mutualiser les moyens de plusieurs entreprises au niveau régional et d’associer à la gestion du projet les bénévoles, les usagers, les salariés, ainsi que d’autres parties prenantes25.
1 Soutien aux ONG à l’Est et au Sud. L’association, qui a une équipe dans 3 pays, soutien et renforce les initiatives en matière d’association, organise des ateliers sur les préoccupations des associations…
2 CPGADIM. 1997, p.452
3 Notamment dans le cadre du Fonds d’Impulsion à la Politique de l’Immigration (FIPI)
4 Il prépare aussi les retour des femmes dans leur pays d’origine en leur donnant des formations adaptées.
5 Objectifs principaux : représentation des intérêts des coopératives de travailleurs, des coopératives et entreprises sociales, des entreprises participatives et de la participation des travailleurs auprès de l’union européenne, la stimulation du développement coopératif économique et social, la création de partenariats et de réseaux, le transfert d’informations.
6 Il y a 2 modèles de permis et 23 cas de dispense de permis. La Belgique est liée par un accord ou par une convention avec différents pays en matière d’occupation de travailleur.
7 Des dispenses existent pour certaines catégories d’étrangers.
8 Il rassemble des représentants, des interlocuteurs sociaux et les responsables des centres régionaux pour l’intégration et des associations.
9 Il exerce les missions d’étude, d’avis et de recommandation sur toutes les matières de compétence régionale ; organise la concertation entre les interlocuteurs sociaux et le gouvernement ; gère le secrétariat des commissions consultatives. Il a, notamment, édité un «Dossier sur la multiculturalité : un atout pour l’entreprise ».
10 Site Extranet du CESW et des Conseils consultatifs
11 BMT. 2001, pp.9-10
12 BMT,CGD,TLE. 2001, pp.6-8
13 Politique d’intégration en Belgique, Centre pour l’égalité des chances, 1999
14 Il existe en Wallonie 6 centres régionaux d’intégration dont les actions « sur le terrain » sont adaptées à la situation locale : le Centre régional d’intégration de Charleroi (C.R.I.C.), le Centre d’action interculturelle de la région du centre (Ce.R.A.I.C.) à Trivières, le Centre régional d’intégration pour les personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège (C.R.I.P.E.L.), le Centre interculturel de Mons-Borinage (C.I.M.B.), le Centre d’action interculturelle de la province de Namur (C.A.I.) et le Centre régional de Verviers pour l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère (C.R.V.I.)
15 Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie. 2001, pp.67-70
16 En commun avec le ministre britannique de la compétitivité et de l’énergie en vue du sommet de Stockholm
17 Certains services n’ont pas attendu ce constat et valorisent la connaissance des langues des personnes d’origine étrangères, comme par exemple le Service d’accompagnement interculturel de Verviers. Ce service est mis en place par le Centre régional de Verviers pour l’intégration et offre un accompagnement des personnes d’origine étrangère dans leur parcours d’insertion socio-professionnelle – SLS. 2000, pp.14-15
18 Gofflot V. 2001, p.18
19 SDR. 2001, pp.11-12
20 Décision du Conseil du 20 décembre 2000 relative à un programme pluriannuel pour les entreprises et l’esprit d’entreprise, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME)
21 Charte européenne des petites entreprises
22 Avis du Comité économique et social sur la « Charte européenne des petites entreprises », 24 mai 2000
23 Charte de REVES - Réseau Européen des Villes et Régions de l’Économie Sociale
24 La SFS est une société à vocation sociale dont les bénéfices sont affectés à la réalisation du but social poursuivi. Elle doit être constituée sous forme de société commerciale (société coopérative, société anonyme, …). La SFS est une caractéristique que peuvent adopter les sociétés commerciales.
25 SCIC - Société Coopérative d’Intérêt Collectif
Sources
CPGADIM. 1997. Le Guide Social, Bruxelles
Lannoy F. 2000. L’immigration en Belgique. Effectifs, mouvements et marché du travail, Ministère fédéral de l’emploi et du travail
Ritimo/FPH. 1993. « De l’exclusion à l’insertion », In Passerelles, N° 3, octobre, pp.19-24
Fondation Roi Baudouin. 2000. Guides destinés à promouvoir l’accès des PME, des artisans et des entreprises à finalité sociale aux marchés publics
BMT. 2001. « Avis du CSE sur la migration et l’emploi : une réponse partielle aux problèmes du marché du travail », In Alter Echos, n°103, 17 août
BMT,CGD,TLE. 2001. « Nouvelles perspectives pour les six CRI wallons et pour le FIPI », In Alter Echos, n°98, 21 mai
Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie. 2001. Rapports annuels, mai
SLS. 2000. « Le CRNI professionnalise l’accompagnement interculturel », In Alter Echos, n°83, 9 octobre
Gofflot V. 2001. « Des mesures pour moins de discrimination », In Traverses, n°166, juin
SDR. 2001. « Accès au marché publics : la justice donne raison à 1001 choses à faire, mais d’autres obstacles subsistent », In Alter Echos, n°92, 26 février
Loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers – MB 21 mai 1999 et Arrêté royal du 9 juin 1999 – MB du 26 juin 1999
Loi du 19 février 1965 relative à l’exercice par les étrangers des activités professionnelles indépendantes et modification du 2 février 2001
Décret relatif à l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère, Région wallonne, 4 juillet 1996 – MB du 3 septembre 1996
To go further
Fédération des centres régionaux d’intégration
CIRE – Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers
Association Le SONGE
Quelque chose à faire asbl - Une entreprise de formation par le travail
ENAIP – Centre de formation en pays de Liège
Le site Econosoc est un site portail dédié à l’économie sociale et au secteur associatif belge. Econosoc tire son nom de l’ECONOmie SOCiale.
Division de l’action sociale et des immigrés - Région wallonne
CESRW - Conseil Économique et Social de Wallonie
Charte européenne des petites entreprises - Belgique
Union et Actions - L’actualité des indépendants et des chefs de PME