Une expérimentation partenariale en Seine-Maritime pour améliorer la prise en charge de ménages menacés d’expulsion

Un dispositif d’identification et d’orientation des locataires le plus tôt possible au cours de la procédure juridique

June 2022

Constatant que les Commissions de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX) ne permettaient que rarement d’accompagner des locataires menacés d’expulsions avant qu’ils n’aient été assignés en justice, l’ADIL de Seine-Maritime a mis en place une expérimentation locale en partenariat avec la DDETS (Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités) et la CAF afin de repérer et d’accompagner ces ménages le plus tôt possible. Cette expérimentation repose ainsi sur un travail partenarial local, et s’inscrit dans le cadre du dispositif d’Equipes Mobiles déployé par l’ADIL 76 depuis 2021.

Contexte de la prévention des expulsions par l’ADIL de Seine-Maritime

Dans le cadre d’un partenariat avec la Fondation Abbé Pierre 1, l’ADIL de Seine-Maritime finance un poste lié à l’accompagnement de ménages dans le cadre de la prévention des expulsions. Les locataires sont orientés vers l’ADIL par différents moyens, notamment par la CAF, des huissiers ou des travailleurs sociaux.

L’ADIL mène également un partenariat avec la CAF, qui transmet chaque mois un tableau recensant les coordonnées de locataires en situation d’impayé de loyer. A partir de cette liste, l’ADIL contacte les ménages par téléphone ou par mail. La CAF est informée des impayés locatifs par le biais des propriétaires qui ont l’obligation légale de les déclarer à l’organisme. Pourtant, en Seine-Maritime, la CAF s’est rendu compte que 40% des dettes n’étaient pas connues de la CAF au moment du commandement de payer, soit à la première étape contraignante de la procédure juridique, du fait des manquements des propriétaires à effectuer ces signalements.

Suite à la crise sanitaire survenue en 2020, l’Etat a créé deux nouveaux dispositifs visant à répondre à la crainte d’une hausse massive des expulsions locatives liées aux impayés de loyer. L’ADIL de Seine-Maritime a été retenue pour porter ces deux dispositifs dans le département : le premier, le Chargé de mission Prévention des Expulsions (PEX), alloue des fonds spécifiques à l’animation et à la coordination des actions en matière de prévention des expulsions sur le territoire ; le second, l’Equipe Mobile, vise la collaboration de juristes et de travailleurs sociaux adoptant une démarche d’ « aller-vers » les ménages menacés d’expulsion afin d’accompagner un public relativement éloignés des services sociaux.

L’émergence d’une nouvelle expérimentation au stade du commandement de payer : un besoin identifié en Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX)

Dans chaque département sont organisées des Commissions de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX)2. Elles réunissent différents acteurs du territoire autour de dossiers de ménages menacés d’expulsion. En Seine-Maritime, la CCAPEX centrale se conjugue à cinq sous-commissions, qui correspondent à la division du département en cinq Unités Territoriales d’Action Sociale (UTAS). L’ADIL participe à ces commissions et se charge éventuellement de l’accompagnement des locataires concernés.

L’ADIL et les partenaires de la CCAPEX ont été menés à s’interroger sur l’efficacité de la prévention des expulsions dans ce cadre, compte tenu du fait que les dossiers examinés en premier passage étaient souvent au stade du Commandement de quitter les lieux (CQL), soit un stade avancé de la procédure qui offre peu de solutions et de possibilités d’accompagnement des locataires.

Face à ce constat, l’ADIL de Seine-Maritime, la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS)3 ainsi que la CAF ont souhaité mettre en place un nouveau dispositif expérimental en lien avec le Chargé de mission PEX et l’Equipe Mobile. Cette expérimentation vise à prendre en charge des dossiers de ménages au stade du Commandement de payer (CDP), la première phase de la procédure juridique d’expulsion, bien en amont du Commandement de quitter les lieux (CQL). Cela permet d’élargir les possibilités d’accompagnement, améliorant ainsi la prise en charge des locataires et participant in fine à une plus grande efficacité de la prévention des expulsions.

Le déroulement de l’expérimentation

L’identification des ménages

La DDETS peut identifier grâce à son logiciel EXPLOC les dossiers de locataires qui ont reçu un CDP, lorsque ceux-ci ont été transmis aux commissaires de justice (anciennement huissiers de justice). Chaque mois, la DDETS extraie ainsi une liste des ménages concernés et le transmet à la CAF. La CAF recoupe cette liste avec les informations dont elle dispose, puis transmet à son tour les dossiers à l’ADIL avec les coordonnées et informations relatives aux ménages.

La sélection des dossiers orientés vers une prise en charge

La chargée de mission PEX étudie la liste des ménages transmise par la CAF et sélectionne 30 dossiers qui seront orientés dans un second temps afin de bénéficier d’une prise en charge et d’un éventuel accompagnement. Cette sélection se fonde sur différents critères, en fonction de la connaissance de la dette du locataire, du montant de cette dette et de la situation familiale du ménage. Les personnes avec enfants sont ainsi prioritaires, ce qui justifie la part importante de familles parmi le public de ce dispositif.

La prise en charge des ménages dans le cadre de l’expérimentation

Parmi les 30 dossiers sélectionnés, selon les besoins identifiés par la Chargée de mission PEX :

Ils font ainsi l’objet d’une orientation vers l’Equipe Mobile sans passer par la CCAPEX, ce qui permet de traiter les dossiers le plus en amont possible afin d’assurer avec le plus d’efficacité la prévention des expulsions sur le territoire.

Pour le reste des ménages, la Chargée de mission PEX cherche à entrer en contact avec les ménages et les partenaires susceptibles de faire progresser les dossiers en question. Le but est que tous les CDP transmis initialement par la DDETS soit traités chaque mois.

Constats et perspectives

L’ADIL et ses partenaires espèrent faire diminuer le nombre d’assignations en justice et de CQL, en accompagnant les ménages au plus tôt dans leurs démarches. Cette expérimentation étant relativement récente, sa plus-value ne peut encore faire l’objet d’une réelle évaluation et nécessite davantage de temps pour interroger son efficacité.