Les liens entre la réglementation de l’urbanisme et la santé
Les carnets pratiques de l’Institut Paris Région (n°13)
June 2021
Aujourd’hui, les effets sociaux et économiques de l’environnement immédiat sur la santé des populations ne sont plus à démontrer. Les habitants, sensibilisés aux risques auxquels ils sont soumis, sont de plus en plus concernés par leur bien-être et leur santé. Les évènements liés au réchauffement climatique ou à des épisodes épidémiques ou pandémiques questionnent les politiques d’aménagement et leur capacité à prévenir les risques. Il ne s’agit pas seulement d’organiser les « réparations » mais de développer la résilience de notre société. Comment faire de la santé une entrée majeure dans la planification de l’aménagement des territoires ? Le champ d’intervention des documents de planification intègre déjà de nombreuses thématiques implicitement attachées à la santé. Mais peu d’entre eux se font l’écho de la question de la santé. Ce carnet pratique vise à révéler les actions pouvant être mises en place via les documents d’urbanisme et leurs bénéfices pour la santé des populations. Les leviers disponibles sont présentés et illustrés par des exemples de schémas de cohérence territoriale et de plans locaux d’urbanisme, avec notamment des extraits de leur volet réglementaire.
To download : institut_paris_region_cp13_bat_web.pdf (18 MiB)
Un lien historique dont témoignent les évolutions législatives
Les liens entre urbanisme et santé existent de longue date. L’assimilation des enjeux de santé à travers la réglementation de l’urbanisme et de la construction s’est nourrie de différentes approches qui viennent se compléter : - d’abord sous l’angle de la salubrité et de la sécurité publiques (mouvement hygiéniste, police des édifices menaçant ruine, lutte contre les risques et nuisances générés par les activités industrielles) ; - puis sous l’angle de la santé environnementale (aspiration des citadins à un meilleur cadre de vie dans les années 1970, montée en puissance des préoccupations environnementales et intégration de la santé à ces dernières dans les années 1990) ; - et dans une période plus récente, sous un angle « social » (accessibilité, prise en compte des personnes vulnérables…).
Lutte contre l’insalubrité et protection contre les nuisances et risques industriels
La première grande loi axée sur les problèmes de l’habitat existant date de 1850 et sera rapidement suivie en 1902 d’autres textes pour lutter contre l’habitat et les îlots insalubres. Par ailleurs, une loi du 15 mars 1928 vient organiser l’assainissement des lotissements défectueux qui se sont multipliés de façon anarchique. Mais les actions de lutte contre l’habitat insalubre vont se généraliser dans les années 1950 à travers la politique de rénovation urbaine définie comme une obligation nationale par la loi-cadre du 7 août 1957. Plus de soixante ans après, ces enjeux sont toujours d’actualité et inclus dans la politique de lutte contre l’habitat indigne, dont les dispositifs ont été enrichis par les lois successives, dont la plus récente est la loi Elan de 2018.
Concernant les risques et nuisances, c’est un décret impérial du 15 octobre 1810 qui jette les bases de l’encadrement des établissements dangereux, incommodes et insalubres. Ces règles ont permis de contrôler et limiter l’installation des premières usines en pleine révolution industrielle dans les quartiers d’habitation. Dans les années 1950, les nuisances et pollutions générées par les activités industrielles du cœur de Paris sont pointées du doigt pour leurs effets néfastes sur la santé des riverains. Elles quittent alors le cœur urbain de la région.
Depuis, la législation a été enrichie, et les établissements sources de nuisances et de risques sont soumis à un régime spécifique (plans de prévention des risques technologiques, autorisations d’installation et d’exploitation).
De la qualité du cadre de vie à la santé environnementale
Les espaces verts et espaces boisés occupent depuis longtemps une place importante dans les politiques urbaines, mais les aspirations des citadins à un environnement de qualité – au-delà de la question de l’accès aux espaces précités – deviennent plus prégnantes avec le ralentissement de la croissance urbaine dans les années 1970. À cette même époque, la Conférence européenne sur la conservation de la nature propose de faire évoluer la Convention européenne des droits de l’homme pour garantir à chacun un droit de jouir d’un environnement sain et non dégradé, mais n’aboutit finalement qu’à une recommandation émise en 1973. Puis la santé devient officiellement un élément du développement durable, étroitement lié à la protection de l’environnement dans le Code de l’environnement (voir art. L. 110-1-II) comme dans la Constitution (Charte de l’environnement). Parallèlement, l’étude d’impact des projets d’aménagement intègre, depuis la loi du 30 décembre 1996 sur l’air, les effets sur la santé humaine, obligation qui sera étendue aux évaluations environnementales des plans et programmes. Le premier plan national de la santé environnementale est élaboré en 2004 et décliné à l’échelle régionale. L’Île-de-France en est à son troisième plan régional santé environnement (PRSE3), réalisé par la DRIEE (aujourd’hui DRIEAT) et l’Agence régionale de santé (ARS) pour la période 2017-2021. Il a vocation à articuler les démarches régionales existantes ou en cours d’élaboration autour de quatre axes :
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préparer l’environnement de demain pour une bonne santé ;
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surveiller et gérer les expositions liées aux activités humaines et leurs conséquences sur la santé ;
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travailler à l’identification et à la réduction des inégalités sociales et environnementales de santé ;
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protéger et accompagner les populations vulnérables.
Le PRSE3 n’est pas opposable et n’a donc aucun lien juridique avec les différents plans d’aménagement et autres plans sectoriels. Mais son contenu en fait davantage un instrument de dialogue avec les acteurs publics, ce qui présente une certaine souplesse. Il est composé de fiches d’actions dont la toute première porte sur la prise en compte de la santé dans les politiques d’aménagement.
Vers un urbanisme plus inclusif
L’accessibilité et l’adaptabilité aux usagers en situation de handicap ou de mobilité réduite sont aussi des enjeux de santé publique, mais la législation en la matière est plus récente et plus sectorielle que pour les thèmes abordés précédemment. La loi du 30 juin 1975 sur le handicap pose les premières règles en matière d’accessibilité, renforcées trente ans plus tard par la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Par la suite, la loi Elan de 2018 consacrera un pourcentage de logements accessibles, complété par un pourcentage de logements adaptables ou évolutifs. Cette loi a également introduit parmi les objectifs généraux des politiques urbaines le principe de « conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie ». La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement opère un lien timide entre l’urbanisme et la question du vieillissement, celle-ci devant être prise en compte à l’occasion du diagnostic du document d’urbanisme. Elle comprend en annexe un rapport pointant la nécessaire adaptation des politiques urbaines aux besoins de nos aînés, mais ce rapport est dépourvu de toute force juridique.
Sources
To go further
BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES
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Le guide ISadOrA, une démarche d’accompagnement à l’Intégration de la Santé dans les Opérations d’Aménagement urbain, sous la direction de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (a-urba), mars 2020, 355 p.
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Adam (M), Cocquière (A), « La planification face aux enjeux de santé environnementale », Note rapide Planification, n° 877, L’Institut Paris région, décembre 2020
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Santé et territoires, collection « Points FNAU - Alternatives (n° 11) », FNAU et Gallimard, 2019, 176 p.
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Mieux connaître la santé des Franciliens et ses déterminants dans les nouveaux territoires de coordination. Profil des 22 territoires du projet régional de santé d’Île-de-France : mises à jour 2019 et nouveautés, Observatoire régional de santé, L’Institut Paris région, décembre 2019
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Pour une meilleure intégration de la santé dans les documents de planification territoriale, collection « Avis et Rapports », Haut Conseil de santé publique, avril 2018, 200 p.
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Du calme en ville : aménager en faveur du bien-être, collection « L’essentiel », Cerema, février 2017, 62 p.
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Agir pour un urbanisme favorable à la santé : concepts et outils, École des hautes études en santé publique et ministère des Affaires sociales et de la santé, mai 2016, 192 p.
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ORS Île-de-France, Profils socio-sanitaires des communes d’Île-de-France (format PDF) www.ors-idf.org/fichiers-des-profils-socio-sanitaires-des-communes/
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Impact sanitaire du bruit des transports dans l’agglomération parisienne : quantification des années de vie en bonne santé perdues. Application à l’agglomération parisienne de la méthode de l’OMS pour la détermination de la morbidité liée au bruit, Bruitparif, ORS Île – de – France, septembre 2015, 30 p.
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« Territoires, incubateurs de santé ? », Les Cahiers, n° 170-171, L’Institut Paris Région, septembre 2014, 196 p.
APPLICATIONS
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Airparif, l’observatoire de la qualité de l’air en Île-de-France www.airparif.asso.fr/
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Bruitparif, centre d’évaluation technique de l’environnement sonore www.bruitparif.fr/
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Énergif ROSE, application de visualisation cartographique et de mise à disposition des données du Réseau d’Observation Statistique de l’Énergie et des émissions de gaz à effet de serre en Île-de-France (ROSE) www.institutparisregion.fr/cartographies-interactives/energif-rose.html
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InterSanté, état de santé de la population dans un territoire francilien, ORS (département Santé de L’Institut Paris Region) cartoviz.institutparisregion.fr/?id_appli=ors&x=699012.8861788227&y=6834080.690466662&zoom=0
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Chaleur en ville, carte interactive de mesure de l’impact climatique en fonction de la morphologie urbaine de chaque îlot d’Île-de-France cartoviz.institutparisregion.fr/?id_appli=imu&x=650473.205379607&y=6860209.831038&zoom=5
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Cumul des nuisances et pollutions environnementales, carte interactive sur l’identification des zones de multi-exposition, copilotée par l’ORS et la DRIEE cartoviz.institutparisregion.fr/?id_appli=pne&x=650400.1882269992&y=6859206.102771909&zoom=4
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ORS Île-de-France, Profils socio-sanitaires des communes d’Île-de-France (Cartoviz) cartoviz.institutparisregion.fr/?id_appli=monographie&x=653504.4027519634&y=6860122.916962582&zoom=5
OUTILS DE MISE EN OEUVRE DES PLANS ET SCHÉMAS RÉGIONAUX
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Sdrif : le référentiel territorial du projet Île-de-France 2030 (Refter) est un outil d’accompagnement de l’ensemble des acteurs franciliens (élus, associations, habitants, professionnels) à la mise en oeuvre du schéma directeur de la région Île-de-France. Il propose une déclinaison territoriale du projet régional, en termes d’éléments de diagnostics, d’objectifs, d’orientations, de cadrages quantitatifs (refter.iau-idf.fr/).
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SRCE : le schéma régional de cohérence écologique de la région Île- de- France www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/SRCE2013_21oct2013_RNT_cle739945.pdf ; le référentiel du SRCE élaboré par l’ARB, département Biodiversité de L’Institut Paris Region, en partenariat avec la Région Île-de-France et la DRIEE ( refsrce.arb-idf.fr ). Il permet de connaître les enjeux, actions et cartes à la commune.
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PDUIF : fiches pratiques pour la mise en oeuvre du plan de déplacements urbains Île-de- France ( www.pduif.fr/ ).