Diagnostic participatif sur les usages de l’espace public
François PROCHASSON, 2005
Conseil National des Transports (CNT)
Elle présente des extraits des textes sur les diagnostics partagés et participatifs du 5 mai 2004 et du 22 février 2005, rédigés par François PROCHASSON, chef de projet déplacements à l’agence de la mobilité de la Ville de Paris.
L’approche présentée ici permet d’établir un diagnostic d’usage d’un espace public1. Ce diagnostic est participatif dans la mesure où il implique les usagers eux-mêmes dans son établissement.
Ce diagnostic d’usage met l’accent sur les pratiques les plus courantes. Il ne remplace pas un diagnostic technique en particulier à partir de données statistiques sur les flux et les accidents. Mais il a l’avantage de révéler les dysfonctionnements les plus fréquents et doit permettre de les garder en ligne de mire dans la conception de l’aménagement. Ce diagnostic est donc un outil de dialogue avec l’usager. C’est aussi l’un des supports des futures évaluations.
Les principes de la méthode
La démarche de diagnostic d’usage veut placer l’usager au cœur de la démarche d’aménagement. Il s’agit d’une approche systémique au sens où elle ne cherche pas à décrire l’objet espace public mais à identifier ses dysfonctionnements. On observe comment l’espace (composant du système) est en interaction avec l’extérieur (les usagers).
L’approche se cantonne dans les usages les plus fréquents et peut, par nature, masquer d’autres enjeux de réhabilitation. Par essence, elle va donc négliger certains aspects comme la qualité esthétique et patrimoniale.
Mais l’approche est pleinement participative au sens où elle ne nécessite aucune compétence particulière pour s’y impliquer. Au contraire, elle utilise l’expertise d’usage, et valorise les témoignages d’utilisateurs quotidiens des lieux. Elle n’impose aucune collecte de données mais ne s’y substitue bien sûr pas. Une telle approche doit permettre d’identifier les enjeux sur la voirie en laissant ouvert le champ des solutions (aménagement, partage, réglementation de la vitesse, exploitation des carrefours).
Elle s’appuie sur une triple vision : celle des services rendus par l’espace aux différents usagers ; celle des règles qui cadrent ces usages ; celle enfin des pratiques constatées chez ces usagers. Le croisement de ces trois approches permet de déceler les dysfonctionnements (respect des règles, difficultés de pratique de certains usages et donc in fine, qualité du service rendu).
Les trois étapes de la méthode
La méthode s’appuie sur trois étapes développées ci-après :
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L’identification des services rendus dans l’espace public, démarche qui marque l’orientation résolue vers l’usager bien qu’étant toujours technique. Les principaux services visés sont la circulation des personnes et des biens selon les modes de déplacements, la chalandise, la promenade, les contacts sociaux.
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L’identification des règles applicables à cet espace, pour l’essentiel les codes de la route et du domaine public, ainsi que des écarts par rapport aux règles.
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L’observation et l’analyse des pratiques au-delà de la règle, sur des critères comme l’assurance, le confort d’usage, la prise de risque, etc.
Les rapports à la règle
Après identification des services et des usagers présents ou potentiellement concernés par l’espace à traiter, la première approche concerne l’analyse du rapport de ces usagers aux règles qui les concernent. Là encore, le but de l’exercice n’est pas de lister ces règles mais d’analyser le rapport de l’usager à ces règles, selon une double logique de constat et d’analyse des règles respectées et des règles systématiquement transgressées.
L’exemple le plus simple et sans doute le plus classique est le respect des phases de traversée par les piétons d’une voie équipée de feux : Quelle part respecte les phases ? Le non-respect est-il dû à l’absence de lisibilité de la règle (absence ou masquage des rappels piétons), de mauvaise interprétation, liée par exemple à des messages contradictoires ou complexes (traversée en deux temps), de méconnaissance de la règle (enfants), ou encore de pertinence de l’aménagement par rapport à l’environnement (voie avec peu de circulation, temps d’attente hors de proportion…) ?
Les pratiques
L’observation des usagers dans leur comportement naturel est un excellent indicateur de qualité du service rendu par l’espace public étudié. Les critères proposés ici sont assez variés pour permettre de juger des postures prises par les différentes catégories, éventuellement déclinées selon la fréquence de leur passage dans les lieux.
Le constat permet de classer les pratiques en 8 grandes catégories : agressives, adaptatives, conviviales, conformes aux règles, maladroites, résignées, inciviles, avec mise en danger pour soi ou pour les autres. L’analyse qui en découle fait apparaître, en décodant les tensions entre usagers, soit des régulations aisées, soit des dangers, qui se traduisent par l’absence de situation de conflit ou au contraire par trop d’usages sur un même espace.
Le bilan : Le niveau de service rendu
La question ultime à traiter est en forme de bilan : Quel est le niveau de satisfaction du service à l’usager dans cet espace ? Cette question ouvre naturellement sur des pistes d’action telles que changer les règles, réduire les trafics, modifier l’exploitation, réduire les vitesses et/ou aménager.
Le débat sur ces pistes est prématuré en phase de diagnostic, mais il importe de montrer que le diagnostic n’a pas enfermé l’aménagement dans une seule solution.
1 Ici, le terme de diagnostic partagé pour la concertation, est utilisé dans le sens de diagnostic consensuel ou au moins établi en commun
Sources
Ce texte est extrait d’Une Voirie pour Tous – Sécurité et cohabitation sur la voie publique au-delà des conflits d’usage – Tome 2 : Exemples et Annexes au rapport du groupe de réflexion, Conseil National des Transports (CNT), 2005, publié par le CNT et La Documentation Française en juin 2005.