Accessibilité globale et mobilité durable
2005
Conseil National des Transports (CNT)
La dépendance à la voiture des français est deux fois plus grande que celle des autres européens. Afin de dépasser ce temps des controverses, cette fiche a pour objet de présenter des expériences d’innovations et de stratégies globales pour sortir de cette dépendance.
Le thème de l’accessibilité globale et de la mobilité durable1 est totalement indissociable de la sécurité et de la cohabitation sur la voie publique du fait de la nécessité d’approcher l’espace public de façon globale comme un véritable système.
Mobilités : Dépasser le temps des controverses (Rédaction décembre 2004)
Alors que de nombreux pays d’Europe se sont engagés depuis le début des années 90 dans des politiques de mobilité durable en se dégageant du « tout voiture », les Français font figure de mauvais élèves avec une dépendance automobile près de deux fois plus grande que celle des autres Européens.
Alors qu’à Berne ou à Barcelone 35 % des déplacements s’effectuent en voiture, les villes françaises comptent parmi celles où le recours à la voiture est le plus important en Europe, avec un taux dépassant les 65 %.2
Jean-Pierre ORFEUIL explicite3 ainsi les raisons qui touchent aux problèmes de fond de l’accessibilité et de la mobilité au regard de l’organisation des espaces : « La demande de mobilité n’existe pas en soi. Il s’agit plus d’une demande d’accessibilité commode aux ressources, dont l’archétype extrême est porté par l’image du village urbain. Les politiques suivies depuis plus de trente ans ont privilégié la mobilité et sa composante automobile pour résoudre des problèmes d’ordre supérieur, comme par exemple :
-
La maison sur catalogue (mais sur un terrain lointain) pour alléger les aides publiques au logement, répondre aux tensions inflationnistes des marchés immobiliers, et transformer les Français remuants en propriétaires conservateurs ;
-
Les hypermarchés pour moderniser un secteur et maîtriser l’inflation ;
-
Les campus universitaires par fascination du modèle américain, pour choisir les populations dignes des centres et tenir les étudiants à l’extérieur, etc. » […]
[L’automobile véhicule ainsi] « un sentiment de dépendance, résultant du fait que tous les acteurs du jeu urbain se sont organisés sur l’hypothèse que nous viendrions à eux en voiture. »
Comment dépasser ce temps des controverses ? Les expériences et scénarios présentés ci-après vont apporter quelques éléments de réponse et des pistes qui mériteraient d’être approfondies par des expérimentations évaluées dans la durée.
Mobilités : Expériences d’innovations et de stratégies globales (Rédaction novembre 2004)
Face à cette spécificité française et au retard pris par rapport à nos voisins européens, de nombreuses expériences ont été analysées et des expériences ont été conduites en France par de nombreuses municipalités.
En novembre 1997, le groupe « Gestion des déplacements urbains du PREDIT4 a publié un ouvrage intitulé « Déplacements et Innovations : 25 expériences plus ou moins réussies ». Cet ouvrage montre que l’innovation dans la gestion de déplacements urbains est une question trop sérieuse pour que seuls les ingénieurs s’en chargent. Il faut en effet éviter de créer de belles infrastructures sans en avoir l’utilité. Il s’agit de répondre à un besoin ou une demande, et non de se situer dans une perspective d’offre. Le besoin des populations, bien que difficile à cerner précisément, se focalise néanmoins, en ce changement de millénaire autour de deux thèmes récurrents : un besoin de revivre la ville, d’une part, un besoin de qualité de vie dans une ville durable, d’autre part. Les élus se doivent de garantir l’équité dans la cité et développer les différentes formes de solidarité en apportant des réponses à ces besoins.
L’ouvrage décrit 25 façons de tendre vers ces deux objectifs. Pour chaque thème, un bilan d’expériences existantes a d’abord été effectué en se concentrant ensuite sur un cas particulier.
Les expériences y sont classées dans sept rubriques : « le plaisir de vivre en ville » (ville de proximité, centres ville et quartiers sans voiture, transport et paysage urbain), « la ville durable » (marche à pied, vélos, nouveaux carburants, voitures électriques en libre-service), « une planification renouvelée » (agir en amont et décider au bon niveau), « les solidarités urbaines » (transports à la demande et nouvelles formes de travail), « des transports publics attractifs » (tramways, bus, information, tarification et billettique), « un usage raisonné de la voiture » (auto partage, covoiturage, circulations douces, péage urbain, information en temps réel), « l’essor de la multi modalité » (gestion de la mobilité, parcs relais, stationnement privé).
Ces diverses explorations ont toutes contribué à baliser le cadre de la réflexion pour les villes du nouveau millénaire.
En l’an 2000, l’IAURIF5 a consacré deux de ses cahiers6 aux transports des grandes métropoles, révélant la prise de conscience que seule une stratégie globale peut permettre d’atteindre ces objectifs. Plus globales, plus diversifiées, ces nouvelles stratégies nécessitent une intégration étroite avec les autres politiques urbaines, à toutes les échelles de l’urbanisme : social, sécurité, transport de marchandises. La seconde partie du cahier 128 s’articule autour d’expériences de réduction de la congestion routière : régulation par l’information (Tokyo, Ile de France), logistique du fret (New York, Ile de France), péages urbains (Oslo, New York) avec scénarios d’acceptabilité en Ile-de-France. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail.
Il convient également d’ajouter les expériences et le processus « Design - Transport - Mobilité » mis en œuvre par le PREDIT et l’APCI7 attribuant au design un rôle primordial pour s’intéresser aux usages et à l’utilisateur final dans les questions d’accessibilité et de mobilité. Utilisé comme vecteur d’intégration de la recherche, le design du transport et de la mobilité s’intéresse à la fois au public usager en tant qu’individu et à l’espace public lié à l’esthétique urbaine. Quatre écoles de création industrielle et de design ont élaboré ainsi 127 projets entre 2001 et 2004. Ces projets ont été édités sous forme de 3 CD-Rom et ont été présentés le 25 octobre 2004 dans le cadre d’un colloque PREDIT - APCI « Design - Transport - Mobilité ».
Il convient de noter parmi ces projets les véhicules « mobiliers mobiles » (telle l’extension mobile de trottoir8, l’Ozone, petit tricycle urbain de location avec son garage,…), les livraisons en ville (E-transport par le système FOURMI, livraison des objets en ville, véhicules de livraisons de courses à domicile,…), « l’automobile espace de vie », le « senior mobile », etc.
Ces expériences et bien d’autres se sont développées depuis dans des villes françaises. Elles permettent de dégager des synergies globales possibles pour récupérer de l’espace sur la voie publique et mieux articuler l’espace public avec les besoins de la ville et de ses habitants.
Nous en avons sélectionné deux qui sont particulièrement efficaces dans des villes de toutes tailles et qui s’inscrivent complètement dans une approche globale de l’accessibilité et dans une perspective durable de la mobilité :
-
La première consiste à remplacer une politique de stationnement de proximité par une politique d’arrêts brefs, couplée à une accessibilité restreinte à l’automobile au moyen de Zones à Trafic Limité inspirées du modèle italien.
-
La deuxième, complémentaire à la première, se réfère à la notion de « transport public individuel » s’articulant autour des synergies de « transport individuel à la demande » et de « portage à domicile », déjà expérimentées avec succès dans bon nombre de villes françaises, mais aussi de l’auto-partage, qui s’est surtout développé hors de France.
1 Jean-Pierre ORFEUIL, Directeur de l’Institut d’Urbanisme de l’université Paris-XII et responsable du DEA Transports Paris XII - ENPC, relève l’ambiguïté sur laquelle repose la notion de mobilité durable, concept qu’il juge « fédérateur et mis à toutes les sauces. L’idée directrice est qu’on doit rechercher un équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental. Du point de vue de l’environnement, il vaudrait mieux que l’on se déplace assez peu. Or, du point de vue social, les plus démunis doivent pouvoir se déplacer davantage qu’aujourd’hui. Enfin, du point de vue économique, les échanges doivent être favorisés. La mobilité durable est un compromis entre ces impératifs antagonistes. »
2 Référence à l’étude « Sésame » comparant 57 villes d’Europe, citée par Jean FREBAULT, coordonnateur de la 5ème section du Conseil Général des Ponts et Chaussées, dans son texte « L’urbanisme peut-il contribuer à une mobilité urbaine durable ? », Cahier du Conseil n° 7 « Mobilités, le temps des controverses », janvier 2003.
3 Dans « L’automobilisme, entre autonomie et dépendance », Cahier du Conseil n°7 « Mobilités : le temps des controverses ».
4 Programme de Recherche et d’Innovation dans les Transports terrestres
5 Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile de France
6 Cahier de l’IAURIF n° 127 : Les transports dans les grandes métropoles - Réflexions actuelles - Octobre 2000 et Cahier de l’IAURIF n° 128 : Les transports dans les grandes métropoles - Pour une stratégie globale - Nov 2000.
7 Agence pour la Promotion de la Création Industrielle
8 Nouveau type de moyen de déplacement et de transport, intermédiaire entre le trottoir et le transport en commun de surface
Sources
Ce texte est extrait d’Une Voirie pour Tous – Sécurité et cohabitation sur la voie publique au-delà des conflits d’usage – Tome 2 : Exemples et Annexes au rapport du groupe de réflexion, Conseil National des Transports (CNT), 2005, publié par le CNT et La Documentation Française en juin 2005.