Déplacements non motorisés et modes doux
2005
Conseil National des Transports (CNT)
Cette fiche liste les différents modes de déplacement des personnes et des objets. Elle met en avant la nécessité de développer les modes doux, considérés comme une composante essentielle d’un développement urbain durable et d’un développement rural durable. La marche à pied est, dans ce cas, l’unité de base des déplacements.
Modes doux, modes lents, modes non motorisés : ces termes recouvrent une problématique complexe, concernant des modes de déplacements extrêmement divers et quotidiennement pratiqués par l’ensemble des habitants de la planète, ne serait-ce que via la marche à pied.
Des modes de déplacement de personnes et de transport des objets
Généralement assimilés aux seuls vélos par l’opinion publique, mais encore aussi par certains techniciens ou décideurs, ces modes sont en fait très variés et font appel à une gamme étendue de matériels et de véhicules permettant aux enfants, aux personnes à mobilité réduite, aux personne âgées, aux personnes chargées, aux livreurs, aux professionnels, aux touristes et finalement à chacun d’entre nous, selon les moments et les circonstances, d’effectuer des déplacements de proximité ainsi que de transporter des objets.
Ces déplacements de proximité et ces transports d’objets s’effectuent avec l’aide d’engins de plus en plus nombreux, plus ou moins encombrants et circulant à des allures très variables, intermédiaires entre celles des piétons et celles des véhicules, ce qui pose un véritable problème de sécurité publique et de circulation, aggravé par le vide juridique de notre code de la route obsolète, qui ne distinguait jusqu’à récemment que deux types d’espaces : les trottoirs destinés aux piétons et les chaussées destinées aux véhicules.
Il devient de plus en plus difficile aujourd’hui de classifier les différents modes utilisés pour effectuer des déplacements de proximité :
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Les modes doux sont en principe des modes qui n’utilisent pas d’énergies polluantes, et qui peuvent englober des véhicules non motorisés à assistance électronique ou électrique, des véhicules électriques ou au gaz naturel, sans qu’il n’y ait trop de référence à leur vitesse maximale de circulation.
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Les modes lents sont en principe des modes qui ne peuvent circuler qu’à faible vitesse, mais cette vitesse est très variable : moins de 15 à 20 km/h pour certains mini-scooters électriques, 30 à 35 km/h pour des véhicules que l’on pourrait appeler « semi-lents ». La réglementation française définit une vitesse nettement supérieure, 45 km/h, référence pour distinguer les cyclomoteurs des motos et pour exiger le permis de conduire.
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Les modes non motorisés sont constitués des modes de déplacement mus uniquement par l’énergie humaine, animale ou éolienne. La marche à pied est le plus répandu d’entre eux. Mais là aussi les allures différentes ne permettent pas d’en faire une catégorie homogène constituant un mode de déplacement à part.
Plus que le type de mode, ce sont les questions d’allure et d’encombrement qui posent problème. Un patineur rapide, assimilé légalement à un piéton, est un véritable danger sur un trottoir. Un gros quadricycle motorisé pour personne à mobilité réduite, assimilé légalement à un véhicule, n’a guère sa place sur la chaussée dès que l’on sait que sa vitesse maximale est de 6,8 km/h et qu’il ne peut pratiquement circuler qu’à l’allure d’un piéton. Et une fois à l’arrêt, le problème du stationnement se pose dès que l’engin utilisé est tant soit peu encombrant.
Des matériels et véhicules appropriés
Parmi les matériels et véhicules utilisés pour les déplacements de proximité, on trouve des aides déambulatoires, des poussettes, des assistants pour personnes âgées, des rolls, des fauteuils roulants, des scooters tricycles, des « segways », des mini scooters, des modules Chronocity, des fauteuils élévateurs, des fauteuils biplaces, des chariots de livraisons, des vélos pliables, des tricycles de services, des « Distri-units », des fauteuils- valises pour handicapés, des tricycles pliables, des scooters pour handicapés, des caddies, des caisses et châssis roulants, des charrettes à bras, des diables, des patins, des planches, des quadricycles familiaux, des rollers, des transpalettes, des triporteurs, des trottinettes, des véhicules de promenade et de loisirs, et, bien sûr, des vélos.
Cette présentation de divers véhicules « roulant lentement » a mixé, de façon volontaire et provocatrice, des véhicules non motorisés, d’autres assistés électroniquement, à motorisation d’appoint, semi-motorisés ou électriquement motorisés.
L’impasse a été volontairement effectuée sur le vélo pour les raisons suivantes :
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La politique du vélo en France, même si elle rencontre encore de nombreuses difficultés de mise en œuvre, a déjà engendré bon nombre de propositions1, travaux et guides. Elle est fortement poussée par de nombreuses associations, par le Club des Villes Cyclables, ainsi que par d’autres organismes privés ou publics. Elle peut être considérée comme en bonne voie d’appropriation par le grand public, les élus et l’État, ne serait-ce que par ses réalisations et la mise en place de dispositifs législatifs ou réglementaires2. De nombreux guides techniques et ont été publiés et permettent aux décideurs et aux techniciens d’effectuer des aménagements de qualité pour le vélo3.
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Parmi les véhicules présentés ci-dessus, certains sont considérés comme des piétons, certains comme des véhicules pour l’application du code de la route, bien que leur vitesse de déplacement ne soit en aucun cas comparable à celle des piétons ou des véhicules. La plupart roulent entre 6-10 et 15-20 km/h et posent un véritable problème de cohabitation avec les autres modes, dont les modes doux et non motorisés.
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Il paraît trop dangereux d’autoriser ces personnes et ces matériels sur les trottoirs ou sur la chaussée (puisque le code de la route ne reconnaît que les piétons sur les trottoirs et les véhicules sur les chaussées). Il est donc tentant de proposer de les admettre sur les aménagements dédiés aux cycles. Or, ces usagers sont encore plus vulnérables que les cyclistes et leur prise en compte pose un véritable problème de renforcement des mesures de sécurité, pour qu’ils puissent circuler sur la voie publique en harmonie et en homogénéité avec les autres usagers, dont, évidemment, les piétons et les cyclistes.
Des tendances au-delà des modes
Les modes de déplacement présentés ci-dessus sont tous en pleine expansion et touchent des usagers de tous âges et de toutes catégories, notamment pour les parcours terminaux à destination des parcs relais ou des stations de transport en commun, et tout particulièrement les jeunes pour les modes les plus rapides et les plus légers (patinettes, patins, planches, rollers et autres engins souvent dépourvus généralement de freins et de phares), les personnes adultes et âgées (patinettes, mini-scooters, tricycles, quadricycles électriques)4 et les personnes à mobilité réduite, sont trois catégories d’usagers particulièrement vulnérables.
Avec le vieillissement de la population, ces modes assimilables à des modes lents ou doux correspondent à un véritable besoin, actuellement freiné par l’absence d’itinéraires continus et suffisamment sécurisés.
Deux types de matériels et de véhicules répondant à ces besoins connaissent aujourd’hui une forte croissance, que l’on peut considérer comme une tendance forte et durable :
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Les matériels pliables (vélos, tricycles, patinettes avec ou sans moteur, mini-vélos électriques, mini-scooters, fauteuils roulants avec ou sans moteur) qui s’inscrivent dans une logique d’affranchissement vis-à-vis des problèmes de stationnement et de vol.
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Les matériels semi-lents à assistance électrique permettant d’allier aisance et stabilité, (tricycles et quadricycles pour des personnes vulnérables ou à mobilité réduite) qui s’inscrivent dans une logique d’amélioration du confort et de la sécurité.
A cette croissance des matériels et véhicules de la vie quotidienne s’ajoute une autre tendance forte concernant l’achat ou la location de véhicules « doux » individuels ou familiaux pour les déplacements de loisirs et les promenades pendant les week-ends ou les vacances.
L’observation des besoins et l’accompagnement des matériels constituent un des thèmes importants de travail qu’il conviendra de poursuivre dans les années à venir en parallèle avec les travaux concernant les modes doux plus traditionnels tels le vélo ou la marche à pied. Des rencontres et débats sur ce thème, comme la journée « Les transports électriques de proximité. Quelles solutions innovantes pour les collectivités ?", organisée par le CERTU le 21 octobre 2004, méritent d’être suivis par d’autres manifestations concernant les transports électriques de proximité individuels ou familiaux permettant de faciliter la vie quotidienne que ce soit pour le travail, l’école, les courses, la vie familiale, les vacances ou les loisirs.
Il importe avant tout de bien comprendre que se déplacer et transporter des objets par ces modes doux, lents et non motorisés constitue une nécessité vitale pour la société d’aujourd’hui.
Développer ces modes est une nécessité vitale pour la société (Rédaction août 2004)
Si personne ne conteste que les usages et les usagers de l’espace public, et notamment de la voirie, sont de plus en plus nombreux, force est de constater que l’attribution de cet espace est géré en fonction de priorités qui perdurent c’est-à-dire les modes motorisés car, contrairement à d’autres pays d’Europe, la France ne reconnaît pas les modes doux comme des modes alternatifs crédibles. Pourtant, comme ailleurs, les distances parcourues sont le plus souvent inférieures à 3 km, soit 10 minutes en vélo, 20 minutes en mini-scooter, 30 minutes à pied d’un bon pas, et des temps nettement supérieurs en voiture en heure de pointe.
Contrairement à d’autres pays, la France a encore du mal à considérer les déplacements et les transports lents, doux et non motorisés comme une nécessité vitale pour la société civile, alors qu’ils sont une composante essentielle du développement urbain et rural, tant au plan social qu’économique et environnemental.
Une politique forte de développement en toute sécurité des modes lents, doux et non motorisés, pris en compte systématiquement dès l’amont des projets, favorise en particulier 3 aspects.
Au plan social
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La lutte contre la pauvreté et le chômage, particulièrement vis-à-vis des populations captives.
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La lutte contre l’exclusion des « personnes démunies en transport », dont les personnes âgées et les personnes ne disposant pas de véhicule5.
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Les déplacements et l’insertion des personnes âgées, des personnes à mobilité réduite et des personnes handicapées dans la cité ou le territoire.
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Les parcours de liaison, initiaux ou finaux, vers ou depuis les gares et points d’arrêt de transport en commun ou vers ou depuis les parcs de stationnement.
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Les déplacements des jeunes, notamment des enfants, des écoliers, des lycéens, des adolescents et des étudiants pour les liaisons entre leur domicile, leur établissement d’enseignement, leurs lieux d’activités ou de loisirs
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L’accessibilité aux autres modes de transport pour des déplacements intermodaux.
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La lutte contre l’obésité et les maladies cardio-vasculaires6.
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La sûreté et la sécurité de toutes les populations, dans la mesure où ces moyens de déplacement sont pris en compte dans les projets, systématiquement et dès l’amont.
Au plan économique
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L’économie des prestataires de services, des artisans (l’artisanat génère la plus importante partie des emplois d’un pays) et des petits commerçants, lorsqu’on facilite les déplacements et transports de proximité, le chargement et le déchargement.
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La micro-économie, incluant le petit commerce ambulant, l’économie solidaire, les systèmes d’échanges locaux, les partenariats entre producteurs et consommateurs, le maintien des économies locales traditionnelles.
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Tous les parcours initiaux et terminaux concernant la livraison des marchandises.
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Les livraisons à domicile et de nombreux services d’assistance à domicile.
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Les économies d’argent et d’énergie pour les courts trajets non motorisés de personnes, effectués en toute sûreté et sécurité, en lieu et place de trajets motorisés contraints.
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La réduction d’embouteillages et l’amélioration globale de l’efficacité économique.
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La réduction des coûts d’infrastructures, parce que ces modes de déplacement n’ont généralement besoin que d’aménagements peu coûteux s’ils sont pris en compte dès l’amont des projets.
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Le tourisme de découverte des villes, régions et territoires ainsi que la facilitation d’excursions et flâneries touristiques à proximité des lieux de villégiature.
Au plan environnemental
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La limitation des pollutions concernant les villes (pollution atmosphérique) et les territoires ruraux ou naturels (pluies acides ou agressives).
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La préservation des monuments historiques et des plantations par la réduction des poussières et particules agressives.
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La limitation d’émissions de gaz à effet de serre générant le changement climatique.
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La lutte contre le bruit.
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Les économies d’énergie.
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Un environnement urbain moins stressé et moins agressif, se traduisant par des comportements plus apaisés et moins conflictuels.
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L’exercice physique, le sport et les loisirs.
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Les promenades ou déplacements en famille ou en groupes d’amis.
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Les relations de bon voisinage.
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La qualité globale de la vie.
La marche à pied, unité de base des déplacements (Anne FAURE, Arch’Urba, mars 2005)
Le mode de déplacement doux le plus général et le plus utilisé reste la marche à pied. La pratique piétonne concerne tous les âges. Elle constitue, surtout dans les villes, le mode le plus fréquent de rabattement vers les transports collectifs. Tout automobiliste est à son tour piéton, ne serait-ce que pour se rendre à un parc de stationnement.
Le piéton « inquiète » techniciens et élus. Il a accès à la majeure partie de l’espace public, il peut adopter plusieurs allures de marche, il aligne son itinéraire sur le trajet le plus direct et trace des diagonales à travers les carrefours et les pelouses. Il est difficile de canaliser un piéton dans des cheminements qui ne sont pas conçus en fonction de sa logique. Si ses itinéraires sont trop longs ou se transforment en course d’obstacle, il renoncera à la marche.
Quelques pistes pour retrouver le goût de marcher
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La forme de la ville est un préalable central : au niveau de l’agglomération, la planification spatiale doit tendre vers la mise en réseau des pôles urbains, organisée par les lignes de transport collectif, pour mettre en œuvre « la ville des courtes distances ». Au niveau des pôles de commerces, d’équipements et de services, il est nécessaire de conforter le regroupement des générateurs de flux piétons. Au niveau de l’espace public des centres urbains, c’est la marche à pied qui fixe le niveau d’exigence en matière d’aménagement et de choix des matériaux utilisés.
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Les rabattements sur les points d’arrêt et les pôles d’interconnexion des transports collectifs constituent un maillon important de la chaîne des déplacements. Le soin apporté au traitement des sols, l’éclairage, le rôle du mobilier urbain pour protéger les piétons de la pluie et du vent, les aspects qualitatifs et l’accompagnement végétal dans un rayon de 3 à 400 mètres sont aussi utiles que la mise en œuvre d’un réseau piéton dont la continuité est longue à assurer.
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La communication aide à remettre en cause la nécessité de stationner à proximité immédiate des commerces pour soutenir leur activité : les poches de stationnement à la périphérie d’un pôle, reliées aux commerces par un cheminement agréable et confortable sont bien acceptées. Les enquêtes montrent que les achats réalisés dans les secteurs protégés des nuisances de la circulation, et en particulier du bruit, sont considérés comme relevant des loisirs et qu’on peut marcher longtemps dans un environnement pacifié7.
1 Notamment les propositions pour « Encourager le développement de la bicyclette en France », de Brigitte LE BRETHON, en février 2004
2 Notamment via la Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie du 30 décembre 1996, le CIADT sur les véloroutes et voies vertes du 15 décembre 1998, la circulaire sur la mise en place, les cahiers des charges, les règles techniques, l’entretien et les services des véloroutes et voies vertes du 31 mai 2001, les modifications au code de la route du 27 mars 2003.
3 Le magazine des villes cyclables, « Ville & Vélo », constitue une base documentaire importante, complétée par une série de fiches pratiques « Ville & Vélo » du CERTU, parmi lesquelles on peut citer sur le thème « Une voirie pour tous » la fiche 3 « Vélo et partage de l’espace », la fiche 4 « Faciliter la circulation des cyclistes » et la fiche 6 « Les contresens cyclables »
4 En particulier, les salons de 2004 mentionnés avant ainsi que les foires de 2004 (Foire de Paris, de Marseille, etc.) ont enregistré une forte demande de la part de personnes âgées et de couples de retraités pour les mini-scooters électriques pliables avec une vitesse maximale de 20-25 km/h et, pour les moins mobiles, de tricycles ou quadricycles électriques offrant un meilleur confort.
5 En France, la moitié des gens ne disposent pas et ne disposeront pas de voiture, laissant pour compte jeunes et personnes âgées, même si le taux moyen d’équipement augmente au profit de ménages déjà motorisés.
6 Les déplacements non motorisés favorisent la pratique de la demi-heure d’activité physique quotidienne préconisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
7 « La marche et la pratique à pied de la ville » – Anne FAURE, Arch’Urba, pour le PREDIT – 2000.
Sources
Ce texte est extrait d’Une Voirie pour Tous – Sécurité et cohabitation sur la voie publique au-delà des conflits d’usage – Tome 2 : Exemples et Annexes au rapport du groupe de réflexion, Conseil National des Transports (CNT), 2005, publié par le CNT et La Documentation Française en juin 2005.
To go further
Pour télécharger gratuitement les fiches pratiques Ville et Vélo du CERTU :