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Le Collectif Paysages de l’Après-Pétrole (PAP)

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PAP 54 : La redécouverte d’un tourisme culturel et de proximité, un atout bas carbone

En relisant Hassan Zaoual1.

Roger Goudiard, janvier 2022

Soucieux d’assurer la transition énergétique et, plus généralement, la transition de nos sociétés vers le développement durable, 60 professionnels de l’aménagement se sont réunis en association afin de promouvoir le rôle central que les démarches de paysage peuvent jouer dans les politiques d’aménagement du territoire.Retraité de l’Agence française de développement, Roger Goudiard est membre du Conseil scientifique du Parc naturel régional du Morvan, des Conseils d’administration du Grand Site de Bibracte Mont Beuvray et du Réseau national des Grands sites de France, et président de sa Commission de Prospective.

À télécharger : article-54-collectif-pap_rg_.pdf (3,4 Mio)

L’urgence climatique impose de mettre un terme à notre usage des énergies fossiles. Appelant un bouleversement de grande ampleur pour le tourisme mondial, l’heure est à l’après-pétrole pour cette industrie 2. En rupture avec le processus de démocratisation de la fin du 20e siècle, les voyages internationaux de loisir vont-ils redevenir de plus en plus sélectifs du fait de la contraction et du renchérissement de l’offre de transport aérien à l’ère du bas carbone ?

Pour affronter ce choc considérable, l’industrie touristique de la France, première destination mondiale, doit anticiper le travail de réinvention en profondeur qui l’attend. Avec la mise à l’arrêt temporaire de la flotte aérienne mondiale, la pandémie de Covid-19 a donné un avant-goût des transformations qui vont affecter durablement les pratiques de loisir. Pendant cette période, deux tendances ont émergé : le retour à la proximité géographique et l’importance de l’expérience intérieure, la redécouverte du « soi ». Ce registre, essentiel aux démarches paysagères, semble appelé à jouer un rôle-clé, en France comme ailleurs, dans la reconversion du tourisme. Le tourisme par défaut des sorties lors des confinements de 2020 et 2021 a permis de redécouvrir un dépaysement à portée de main. La notion d’un tourisme de proximité en est issue. Elle reste à caractériser car un certain flou demeure quand il s’agit de définir les tourismes alternatifs qui ont fleuri sur les décombres du tourisme de masse privilégiant les destinations lointaines. Ecotourisme, tourisme participatif, tourisme équitable, tourisme solidaire, slow tourism : « A ces différentes notions correspondent plusieurs chartes et codes de conduite établis dans le prolongement du Sommet de la Terre de Rio 1992 », dont « les systèmes de certification ne semblent pas pour l’heure donner entière satisfaction. » remarque l’ONG internationale OXFAM 3 . A ce stade, et sans chercher à élaborer une nième définition, relevons le critère géographique qui commence à faire consensus : “un tourisme à moins de trois heures de route du domicile”. Au lieu de parcourir au pas de charge une liste obligée de monuments exotiques, explorer les alentours des lieux de vie de chacun, c’est aussi redécouvrir une autre proximité, celle, plus intime, de la relation à soi dans l’expérience sensible. Nous poursuivrons l’analyse en relisant les travaux quelque peu oubliés d’Hassan Zaoual, économiste du développement et promoteur d’une théorie des sites et d’un concept, le tourisme de site, au début des années 2000 4 .

Théorie du paysage et théorie des sites

Il existait plusieurs définitions académiques de la notion de paysage, avant que la Convention européenne du paysage ne les réconcilie depuis cette même année 2000. Dans son ouvrage « La nécessité du Paysage », Jean-Marc Besse la commente de façon éclairante 5. Un paysage est à la fois un écosystème naturel, un territoire habité par des hommes et un objet d’attachement de leur part. L’écosystème est composé d’un milieu naturel avec lequel une communauté d’êtres vivants interdépendants – dont les humains – sont en interaction. Ce territoire a été généralement habité par une pluralité d’êtres humains, acteurs sociaux et économiques, qui se sont succédés au fil des générations en laissant les traces d’un patrimoine historique. Les êtres humains entretiennent des liens émotionnels et culturels avec leur milieu de vie. Qu’il soit individuel ou collectif, l’attachement définit donc autant d’ambiances symboliques pour un environnement. A l’opposé de cette notion d’attachement, le catalogue du tourisme international – hautes montagnes, chutes d’eau, panoramas aux vues immenses, couchers de soleil – sélectionne un ensemble de curiosités naturelles sur lesquelles l’emprise humaine n’est pas toujours visible et encore moins valorisée. Sphinx de Giseh, colonnes du Parthénon, profil de la tour Eiffel, le tourisme de masse recherche ainsi des images qu’il collectionne sans beaucoup de curiosité pour les cultures qui les ont façonnées.

Issue de l’analyse de l’échec d’opérations menées dans les pays en développement, la théorie des sites de Zaoual met l’accent, à l’inverse, sur la construction culturelle qui apporte sa consistance et son sens à un lieu donné, et rend compte des caractéristiques de sa forme visuelle. L’appropriation d’un lieu par ses habitants en a façonné l’identité, fruit d’une histoire et des récits qui en font la substance. Constatant la force de ces liens, Zaoual récuse les approches du développement fondées sur une « croyance en des automatismes économiques universels ». « Que l’on adopte le point de vue du libéralisme ou du marxisme, la culture du développement isole l’économique et le postule déterminant dans l’évolution des sociétés ». « La culture de maîtrise » de la pensée dominante est « programmée à produire des principes, des définitions et des comportements, qui seraient valables une bonne fois pour toute, en tout lieu et en tout temps ». Or, sur le terrain, il est manifeste que « chaque site induit ses propres modes de régulation et de coordination interindividuelles » parce qu’il est inscrit dans une logique de relations sociales et une culture locale qui font sa force et en donnent les clés. Selon Zaoual « l’être humain ne peut fonctionner qu’à partir d’un site symbolique… (fait) de croyances, de pratiques, de sens. À l’échelle de la planète, de tels sites, il y en a des milliards ! Un village, un quartier, une ville, une région peuvent être des sites symboliques. Une entreprise aussi ». D’un point de vue anthropologique, il existe dans chacun de ces sites « des ressources endogènes, des capabilités intrinsèques, des activités rhizomiques, mobilisées dans le cadre de réseaux familiaux et communautaires ». Pour être légitime et fécond, le tourisme doit savoir orienter l’intérêt du visiteur sur cette dimension culturelle locale dont est faite la vie d’un lieu. Pour réussir leur enracinement local et assurer leur légitimité, les projets visant le développement d’une économie du tourisme appellent la prise en compte du « “sens commun“ partagé (par les) acteurs de la situation » dans le territoire en question. Cette notion de sens commun décrit un ensemble de connaissances localement transmises – expériences accumulées, savoirs locaux, questions jugées vitales, valeurs et croyances, représentations symboliques – et les règles qui en découlent pour animer les relations et activités dans les petites communautés humaines. Zaoual met sur un pied d’égalité ce sens commun sur lequel repose le degré de consentement des habitants, et l’expertise des acteurs institutionnels qui y exercent, l’objectif étant d’hybrider le sentir des uns et le savoir des autres pour un comprendre partagé et une montée en compétence collective.

La théorie des sites de Zaoual repose sur trois principes: un site est « une “boîte noire“ faite de valeurs, de singularités, de récits, de trajectoires, d’affects » ; « son développement doit se fonder sur ses ressources locales et ses ressort culturels » ; « et reposer sur une utilisation pragmatique des techniques locales, des savoirs partagés, des savoir-faire collectifs et du patrimoine communautaire ». Cette définition fournit une grille de lecture intéressante et novatrice pour enrichir la compréhension de ce que nous appelons paysage en Europe. Ces principes viennent plus particulièrement éclairer ce que l’on nomme “esprit des lieux“ dans les démarches paysagères, soit un caractère qui tient autant à sa configuration physique qu’à l’impact qu’il a pu avoir sur la sensibilité humaine au cours des siècles, pour les nombreuses générations qui y auront tissé une histoire, l’auront vécue et transmise.

En combinant ces deux systèmes de catégories – les composantes du paysage définies par la convention européenne et les principes de la théorie des sites de Zaoual –, on saisit de façon plus explicite comment un paysage tisse de façon indissociable une réalité objective et la dimension symbolique des représentations sociales qui le singularisent. Cette définition ouvre une palette extrêmement large de paysages possibles, fruits de la multitude d’arrangements de tous ces facteurs. Si l’on y ajoute la pluralité d’échelles – du bout de terrain au territoire pris dans son ensemble – le champ des possibles s’avère immense. Zaoual parle de « site mosaïque », signifiant par là qu’« un territoire, tout en étant un site, est à son tour peuplé de sites imbriqués et singuliers. Ce processus s’étend à l’infini ».

Tourisme de site, tourisme de paysage

L’auteur avance une proposition de “tourisme situé“ articulée sur le fait que cette « variété souvent invisible d’un site est susceptible d’améliorer son attractivité touristique ». Un tourisme situé épouse la richesse et la subtilité des territoires, leur diversité intime qui tient à la fois à leur configuration et à la façon dont ils sont vécus localement. Cette complexité permet d’organiser une « offre touristique diffuse » incluant des recoins mineurs et des parcours secrets qui se révèlent peu à peu. La “mise en tourisme“ de lieux qui aujourd’hui ne le sont pas ou peu permet aux visiteurs de varier leur approche et d’enrichir leur accès au grand patrimoine lui-même. La dispersion des flux permet l’accueil d’un plus grand nombre de visiteurs sans l’effet de masse ou de foule dense qui peut rebuter. De plus, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle permet de gérer l’injonction de distanciation sociale. Une telle diversification permet aussi de garder les visiteurs plus longtemps sur le territoire et d’en augmenter ainsi les retombées économiques.

La théorie des sites souligne que le tourisme repose sur une économie de l’expérience, un vécu dont il importe de comprendre la nature en termes de service, tout en le situant dans une histoire sociale 6. Au moment où le tourisme entre dans l’ère de la consommation de masse, Zaoual, économiste du développement, pose l’importance de la dimension interculturelle, au fondement de l’échange marchand : « Le service touristique est un des services les plus relationnels. La relation, c’est l’échange et l’échange est ici symbolique avant d’être monétaire. C’est cet “incalculable“ qui est au cœur de la valeur économique des nouveaux services touristiques ». Cet incalculable du paysage est à la fois naturel et culturel : « Concrètement, la clientèle recherche des sites “vrais“ combinant l’authenticité et la profondeur de l’échange interculturel d’une part, et l’harmonie avec la nature et la mémoire des lieux ». Cette demande est donc une vraie demande de paysage, liée à des enjeux humains fondamentaux : « La nouvelle demande touristique est une demande existentielle, dont le contenu “civilisationnel“ n’est pas encore décrypté dans toute sa profondeur ».

A la recherche d’une authenticité et d’une légitimité interculturelle, les nouvelles pratiques touristiques tendent à s’ouvrir à la dimension anthropologique et existentielle de l’échange et à s’enfoncer dans les replis des paysages visités : « Même si, de l’extérieur, un territoire, si petit qu’il soit, nous paraît relativement homogène dans sa culture, son histoire et ses structures économiques, plus on y pratique l’immersion ou toute forme de connaissance du dedans, plus on se rendra compte qu’il recèle sa propre diversité endogène ». Le socle doctrinal du tourisme situé permet de renouveler son offre à partir du constat que « la diversité est omniprésente et même proliférante à la condition de changer de regard ». « Chaque territoire possède une grande variété de sites, donc de références imaginaires, d’histoires et de mémoires ». Cette approche éclaire ce qui peut nourrir la relation du visiteur à un paysage qu’il découvre. Réciproquement, le travail de construction de l’offre doit tenir compte du fait que « les ressources touristiques dépendent des systèmes de représentation qu’ont les acteurs du site ».

Comment établir une relation vivante entre habitants et visiteurs ? Le tourisme situé que préconise Zaoual part du constat que « les touristes veulent être acteurs de leurs échanges avec d’autres mondes » et que « les acteurs locaux des sites veulent participer ». Pour la cohérence et la robustesse de l’offre touristique, il est donc indispensable de travailler simultanément avec ces deux communautés afin de déceler et activer leurs synergies latentes. Le gestionnaire de site doit favoriser les « capacité d’auto-repérage des acteurs du territoire. Ce n’est qu’à ce prix que ce qui est non-ressource peut devenir ressource ». Du côté des visiteurs, le besoin d’être acteur « fonde la nécessité d’une gouvernance touristique valorisant non seulement les acteurs du site touristique, mais aussi les touristes en les impliquant. De ce fait, le “tourisme situé“ organise l’échange interculturel et assure les durabilités sociales et écologiques ». Ainsi définie, l’offre touristique située est convergente avec la nécessité de prendre soin du paysage, les deux se trouvant facilitées par le fait que les ressorts de l’attractivité touristique sont assez souvent les mêmes que ceux des attachements des habitants aux lieux et aux paysages.

Tourisme ordinaire, mise en tourisme du paysage

Tous ces éclairages ouvrent la question de l’ordinaire dans le tourisme, bien problématisée dans un programme de recherche PUCA qui la « resitue dans la sensibilité récente des sciences humaines et sociales à la thématique de l’ordinaire » 7. Depuis les années 90, de nombreuses disciplines s’interrogent sur la place à réserver à l’ordinaire, au quotidien, au familier en géographie, urbanisme, sociologie et anthropologie politique. Cet élargissement « démocratique » s’observe aussi en matière de tourisme dans le champ patrimonial comme dans le domaine du tourisme de nature. L’intérêt s’est ainsi progressivement déplacé du sacré vers le profane et du monumental vers le petit patrimoine. De même la notion de nature ordinaire a-t-elle émergé en se démarquant des approches polarisées sur la conservation des espèces en voie de disparition et des lieux réputés sauvages. Pour l’équipe PUCA, « le terme de “lieu ordinaire“ devient synonyme de “lieu non-touristique“ dans la mesure où il n’est pas marqué par un élément remarquable le rendant attractif. L’ordinaire est donc défini par la négative, par l’opposition ». « Tout lieu en ce sens serait “ordinaire“ avant d’être découvert par les touristes ». Un lieu potentiel de tourisme ordinaire apparaît alors comme un lieu à inventer. « Le terme d’invention est préféré à celui de “découverte“, qui dénote l’exploration d’un lieu inconnu, alors que le terme “invention“ met l’accent sur le changement de regard. Les inventeurs sont ceux qui savent proposer une autre lecture, traduisant l’irruption d’un autre système socio-économique porteur de nouvelles valeurs et la faire connaître à leurs contemporains ». Dans une société de loisir où se développe une économie de services, le territoire devient un objet de consommation culturelle pour les générations qui ont quitté la terre et reviennent sur des lieux désormais ancestraux dont ils redécouvrent l’histoire et les traditions 8 .

Au fondement de l’attachement que lui portent les habitants, la mise en activité touristique d’un territoire a des impacts sur sa singularité ; et aussi, plus prosaïquement, sur leur mode de vie et in fine sur leur bien-être. De ce fait, le développement touristique de lieux ordinaires soulève des problèmes très concrets d’acceptabilité par celles et ceux, qui y ont des usages quotidiens et y mettent souvent une part de leur intimité. L’étude PUCA alerte ainsi sur le fait que « le surgissement de la valeur d’un lieu qui en était dénué auparavant est souvent à l’origine d’un décalage avec la population locale, qui ne prend conscience que progressivement de la valeur nouvelle du lieu ». Ceci peut conduire à des « problèmes de cohabitation liés à l’hybridation et à la diversification des usages des lieux ». Il est donc recommandé de procéder à des « mises en tourisme “par le bas“, par des acteurs qui se situent hors de la sphère touristique » mais sont au fondement de la consistance et de la légitimité de l’accueil de visiteurs extérieurs.

Bibracte - Mont Beuvray, un grand site mosaïque

Avec un musée accueillant près de 50 000 visiteurs par an et des fouilles archéologiques qui en attirent le double, l’attractivité du Mont Beuvray (821m) domine le territoire de Bibracte. Cependant, à côté de ce vaisseau amiral, beaucoup d’autres sites méritent d’être connus et visités. Certains de ces lieux patrimoniaux naturels permettent de comprendre l’histoire longue du territoire, amenant les visiteurs à nuancer la vision souvent fixiste qu’ils ont du paysage actuel. Le Grand Site de France inclut ainsi un site écologique de tourbière dont l’analyse des pollens piégés au fil des millénaires a permis de reconstituer l’évolution du climat et de la végétation forestière sur une longue période, montrant ainsi que les paysages ne sont en rien immuables et peuvent évoluer encore 9 . Autre exemple : suite à son élargissement à l’ensemble du Haut-Morvan dans le cadre du renouvellement de son label, le Grand Site inclut désormais un site de déprise touristique au Haut-Folin (901m), où une petite station de ski a fonctionné entre 1950 et la fin des années 80. La nature ayant repris ses droits depuis la fin de ses activités, cet établissement n’a pas laissé de traces.

De leur côté, certains lieux patrimoniaux actuellement non identifiés ou trop discrètement répertoriés permettent de comprendre la manière dont les générations passées ont habité les lieux. Ainsi trois forteresses de hauteur – Glenne, Touleur et Roussillon – ont-elles structuré le territoire entre le XIe et le XIVe siècles, montrant l’origine médiévale du peuplement du Morvan. La région a exporté du bois de chauffage vers Paris pendant près de quatre siècles, du XVIe au XIXe, ce qui a occasionné une artificialisation importante du haut cours de l’Yonne, perçu aujourd’hui comme sauvage car les infrastructures du flottage sont désormais cachées dans la forêt comme par exemple au Port-les-Lamberts. Enfin le site carcéral militaire du Bagne des Blandins témoigne des horreurs de la première guerre mondiale 10.

Très anciens signes de présence humaine dans le paysage, le réseau des chemins du Grand Site de Bibracte, long de 1100 km, constitue une forme paysagère propice à la mise en valeur de tous ces sites dans le site. Reliant villages, hameaux, bois, prés et champs dont ils matérialisaient les complémentarités fonctionnelles, ce réseau de chemins assurait autrefois la circulation des hommes et des ressources rurales. Le parcellaire agricole et les chemins ont été tenus à l’écart des opérations de remembrement des années 60 et 80. Quand on compare les cadastres informatisés actuels au cadastre napoléonien qui évoque les configurations du paysage agraire au sortir de la Révolution, ils apparaissent comme fossilisés. Un inventaire et une cartographie de ces chemins ont été mis à la disposition des douze municipalités du Grand Site sous forme de SIG. Les chemins aujourd’hui déclarés “bien commun“ peuvent ainsi être réappropriés par les habitants, leurs élus et tous ceux qui désirent découvrir ces lieux. En allant plus loin en direction des composantes dites ordinaires du paysage local, bien d’autres potentialités touristiques pourront se révéler dans le périmètre du Grand Site de Bibracte Mont Beuvray, permettant de découvrir une multitude d’approches d’une valeur jusque-là sous-estimée 11 . L’entrée inexorable dans l’ère du bas carbone et de l’après-pétrole va impacter durement les modèles conventionnels du tourisme, contraints de se réinventer en profondeur. L’approche par le paysage offre une voie potentiellement féconde, notamment lorsqu’on l’approfondit à partir des travaux d’Hassan Zaoual sur le tourisme situé. Que vont devenir les échanges mondialisés des croisières et des voyages lointains en temps de transition écologique ? En se relocalisant à l’échelle des territoires proches, le tourisme de paysage peut devenir un tourisme de solidarité de la ville et des campagnes, en attendant de savoir si, à l’échelle des relations nord-sud, va ou non se mettre en place un tourisme éthiquement responsable et durable, capable d’assurer une activité économique viable et équitable, de respecter le patrimoine et d’encourager la tolérance interculturelle tout en préservant les processus écologiques essentiels.

Notes

  • 1 Hassan Zaoual, né à Rabat en 1951, mort en 2011 à Lille, était Docteur d’État en sciences économiques et Maître de conférences à l’Université du Littoral de Dunkerque.

  • 2 Cf sur ce point l’exposé de Guillaume Cromer aux Rencontres annuelles du Réseau GSF 2021 (7-8 octobre 2021).

  • 3 « Tourisme alternatif - définition des concepts », OXFAM, 2010.

  • 4 Hassan Zaoual, « Développement, organisation et territoires : une approche Sud-Nord », revue Innovations, 2006. « Du tourisme de masse au tourisme situé : quelles transitions ? », revue Marché et organisations, 2007

  • 5 « La nécessité du paysage », Jean-Marc Besse, Editions Parenthèses, 2018.

  • 6 La philosophie des Grands sites de France a rejoint cette analyse : « Nous entrons dans une nouvelle économie touristique : l’économie de l’expérience, expérience vécue, sensible, authentique », « Document-cadre sur le tourisme dans les Grands sites de France » adopté en 2014.

  • 7 PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture (www.urbanisme-puca.gouv.fr ), « La mise en tourisme de lieux ordinaires et la déprise touristique – Quelle implication de la société civile ? », Université de Paris 1, Aurélie Condevaux, Francesca Cominelle, Géraldine Djament-Tran, Edith Fagnoni, Marai Gravari-Barbas, Sébastien Jacquot, 2016.

  • 8 Sujet abordé dans l’ouvrage récent de Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely La France sous nos yeux. Economie, paysages, nouveaux modes de vie, Le Seuil 2021.

  • 9 Site classé et label Natura 2000 autour du Mont Préneley (855m) et des Sources de l’Yonne.

  • 10 De nombreux soldats français frappés de sanctions lors de la grande crise d’indiscipline de 1917 y ont notamment été emprisonnés. La base maçonnée des baraquements subsiste seule, dessinant sous la forêt le plan-masse du camp.

  • 11 Cette lecture du caractère mosaïque du site est au cœur du propos de l’exposition temporaire Portrait de territoire : le Pays du Beuvray organisée en 2020 à l’occasion des vingt-cinq ans du Musée de Bibracte. www.bibracte.fr/media/bibracte/163210-catalogue-portraitterritoire-2020.pdf

Références

www.paysages-apres-petrole.org/