PAP 49 : Les élus locaux, acteurs-clefs des démarches paysagères
Jean-Pierre Thibault, avril 2021
Soucieux d’assurer la transition énergétique et, plus généralement, la transition de nos sociétés vers le développement durable, 60 professionnels de l’aménagement se sont réunis en association afin de promouvoir le rôle central que les démarches de paysage peuvent jouer dans les politiques d’aménagement du territoire. Cet article d’avril, rédigé par Jean-Pierre Thibault, membre fondateur du collectif PAP et inspecteur général de l’administration et du développement, interroge la réalité du statut d’élu dans la démarche paysagère et de son rôle-clef dans le cadre de la requalification des paysages au service du bien-être collectif.
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Après une période d’erreurs et d’incohérences, nombreuses sont les interventions qui requalifient aujourd’hui nos paysages. Concernant aussi bien le grand territoire que la place d’un village, elles résultent de décisions prises par des acteurs locaux qui en ont compris l’intérêt en termes de développement durable comme de bien-être immédiat des citoyens. Un tandem maître d’ouvrage - maître d’œuvre mène ces interventions : il associe le décideur politique qui lance l’opération et les professionnels - concepteurs et techniciens - qui la réalisent. Les compétences de ces deux types d’acteurs se combinent pour donner jour à des opérations souvent réussies.
Celles-ci appellent la détermination, l’agilité et la vision prospective du maître d’ouvrage, l’inspiration, la capacité d’innovation et la maîtrise technique du concepteur. Dans l’état actuel de la profession, il arrive souvent que l’élu local ne réussisse pas à recruter l’intervenant dont l’équipe saurait donner sa meilleure traduction aux ambitions et potentialités dont il pouvait avoir l’intuition 1. A l’inverse, on trouve de trop nombreux concepteurs en manque de commandes pertinentes, faute de porteurs de projets de paysage qui sauraient s’inscrire dans la perspective du développement durable 2.
Du fait d’une évolution conséquente du mode de gouvernance dans nos sociétés, ce duo parfois introuvable partage aujourd’hui l’initiative avec les populations concernées, troisième composante désormais majeure des projets d’aménagement. Les textes internationaux posent de fait une définition du paysage comme « partie de territoire telle que perçue par les populations ». Puissamment relayés par le droit 3, les habitants demandent de plus en plus souvent à être associés aux décisions qui vont transformer leur cadre de vie. Tout projet nécessite donc aujourd’hui une concertation qui peut devenir même sa co-construction avec les habitants ou les riverains. Quoi qu’en pensent encore certains, il est manifeste que cette participation citoyenne vient enrichir et consolider les projets. Elle en alimente le dynamisme et le bien fondé, renforçant par-là la capacité des représentants élus à mener à bien des démarches paysagères issues d’une juste prise en compte des connaissances, des attentes et des usages des populations locales. Encore faut-il que les élus concernés puissent mener ces concertations avec des relais aux compétences techniques requises ; encore faut-il, avant tout, qu’ils en perçoivent l’intérêt et en manifestent la volonté. Dans le trio élu-population-concepteur qui porte les projets, l’élu reste de ce fait le pivot de la relation ainsi construite : rien ne peut se faire sans sa légitimité démocratique, et tout repose sur la vue d’ensemble qu’on attend de lui, sur le territoire dont il a la charge.
Qu’en est-il dans la réalité ?
Des élus motivés, mais souvent démunis
A quelques exceptions près, on peut présumer que l’engagement des élus se fonde sur leur attachement profond aux territoires qu’ils représentent. Le non-cumul des mandats leur permet de centrer leur intérêt et leur temps sur le mandat local. Par ailleurs, l’évolution récente de leur sociologie les induit à se (re)positionner au centre du processus de décision en privilégiant désormais les solutions intégratrices et ancrées dans le caractère singulier de ces territoires. On peut aussi constater - ils sont les premiers à le faire - la faiblesse de leur formation aux techniques que requiert, de plus en plus souvent, la polyvalence de leur fonction. Quand ils sont peu instruits en matière d’aménagement, ils sont amenés à s’en remettre, dans bien des cas, à une ingénierie publique ou privée dont les propositions peuvent s’avérer partielles, tronçonnées ou formatées. Au bout du compte, la seule décision qui revient souvent à l’élu local est d’entériner l’unique solution proposée par le bureau d’études : une station d’épuration sera à tel endroit, et configurée de telle façon; un ouvrage routier obéira à des gabarits spécifiques qui justifieront de sacrifier, par exemple, les quelques arbres qui signalaient depuis longtemps l’entrée du village… Un peu partout en France peut s’observer une certaine standardisation des solutions d’aménagement adoptées. Relevant d’un souci d’efficacité normé par des consignes tatillonnes, leur technicité pauvre en qualités spatiales équipe ainsi les carrefours de ces innombrables ronds-points, devenus en quelques décennies une spécialité nationale dispendieuse mais indiscutée pour les services techniques obsédés de fonctionnalité. La généralisation d’un étalement urbain dédaigneux de la valeur des espaces réputés « vides 4 » relève, elle aussi, du même déficit de connaissance et de prise en compte des singularités territoriales. Quelques organismes peu nombreux et inégalement répartis dans les départements tentent de proposer des solutions répondant aux exigences d’une approche paysagère, c’est à dire à la fois globales et ancrées dans la spécificité de ces territoires. Mais, parmi ces appuis potentiels à une approche paysagère de l’aménagement, les CAUE se bornent au conseil en amont, les agences d’urbanisme investissent encore peu « la campagne », et les Parcs Naturels Régionaux ne sont présents que sur un sixième de la surface du pays. Rompant avec la banalité et aiguisant leur volonté d’action et leur exigence de qualité du fait notamment des orientations données par ces organismes d’appui et de conseil, bon nombre de maires et présidents d’intercommunalités s’impliquent à présent dans des démarches paysagères locales. Il serait important qu’ils puissent échanger entre eux pour conforter leurs pratiques et s’organisent pour en faire connaître l’intérêt à ceux de leurs collègues qui n’en sont pas encore conscients. Sans que des enquêtes aient encore été menées à cet égard, on sent monter en puissance une demande des élus de se poser en « chefs de projet 5 »disposant d’une vision d’ensemble pour organiser les opérations fragmentaires - aux effets parfois contradictoires - qui leur sont trop souvent proposées.
Mettre le paysage en politique…
Dans une interview à la Revue « Interco » éditée par l’Association des communautés de France (AdCF), la géographe Anne Sgard rappelait en 2014 que l’émergence de cette dimension politique du paysage tient au fait qu’avec une vision d’ensemble, les contradictions et conflits inhérents à l’action publique peuvent trouver un apaisement. Quand il reprend en main l’ensemble de ces enjeux pour leur trouver une solution inventive, l’arbitrage politique peut se révéler un indispensable levier : « L’entrée paysagère peut être un outil de concertation et de mise en cohérence. Nombre d’expériences ont montré l’intérêt des démarches participatives autour du paysage, exploité [ses] ressources en tant qu’outil de médiation, justement parce qu’il s’adresse à la subjectivité, aux sens, à l’attachement, à la mémoire, et permet de faire parler du territoire, de partager son histoire et de débattre de son devenir 6 ».
Ingénieure-paysagiste alors doctorante à l’Ecole de la nature et du paysage de Blois dont elle est depuis devenue la directrice, Lolita Voisin développait la même analyse en 2011 dans un article de la revue « Projets de paysage ». Il s’agissait de montrer « en quoi le paysage, plus qu’une énième responsabilité des élus locaux, peut être employé par les acteurs politiques comme un outil de conception du territoire ». Dans un premier temps, les élus avaient eu tendance à prioriser des critères d’actions sectorisées apparemment plus maniables que le paysage : « l’environnement (la mise en place de réseaux écologiques par exemple), le patrimoine (l’image patrimoniale de Blois développée depuis l’inscription du Val de Loire au patrimoine mondial), l’agriculture plus récemment ». Cette tendance, déplorait-elle, fait méconnaître le « potentiel de projet multiscalaire » du paysage. De fait, « l’argument (apparemment) particulier du paysage » se révèle apte à définir « le « bon territoire » économique, social ou esthétique de l’agglomération 7 ».
Christophe Degruelle, président de Blois-Agglopolys, a été pendant dix-sept ans enseignant à l’école du paysage : ces responsabilités conjointes l’ont conduit depuis longtemps à s’engager en matière de paysage. Par ailleurs, comme vice-président de l’association des communautés de France (AdCF), il côtoie nombre d’élus de toutes origines et sensibilités. Il en tire des enseignements sur la capacité de ces derniers à s’emparer ou non de l’approche paysagère.
« Turner et son brouillard »
Pour Christophe Degruelle, l’approche paysagère donne corps au projet de l’élu. Loin d’être un ornement ou un ensemble de vignettes visant le seul agrément visuel, elle permet à l’élu d’incarner un projet de territoire, de rendre sensible son identité, socle de l’appartenance sociale : « il est crucial que les élus élaborent et portent politiquement une vision paysagère. Oscar Wilde avait dit : « Avant Turner, il n’y avait pas de brouillard à Londres ». Et bien l’élu doit être Turner avec son brouillard : il doit donner à voir le paysage quotidien qu’il souhaite porter par son projet politique 8». Joignant les actes aux principes, Christophe Degruelle a fait recruter une paysagiste par l’agglomération et l’a positionnée « directement auprès du directeur général des services, ce qui lui garantit une place et un rôle transversal dans l’organigramme ». En décideur politique avisé, il a en outre engagé deux projets symboliques et peu coûteux : l’acquisition et la démolition d’une station-service qui formait un point noir sur la route entre Blois et Chambord, et une opération « Fenêtres sur Loire » créant des ouvertures dans la végétation qui masquait le fleuve, le long du chemin cyclable des bords de Loire. Ces deux opérations ont contribué à une prise de conscience autour de cet enjeu. Il a dès lors été possible de se montrer plus ambitieux : un projet de « parc agricole et nature urbain » a ainsi été mis en œuvre pour rendre à l’ancien « déversoir » de la Bouillie la fonction d’atténuateur de crues de la Loire que l’implantation malencontreuse de multiples constructions et équipements lui avaient fait perdre au fil des décennies. Enfin, un projet alimentaire territorial est à l’étude à l’échelle du « Pays des Châteaux » pour régénérer le lien fonctionnel et humain entre Blois et les terres agricoles qui l’environnent. Christophe Degruelle analyse néanmoins, et avec lucidité, que « le paysage n’est pas encore une préoccupation des élus ». Il avance trois raisons :
1. « D’abord, c’est un concept que l’on peine à rendre concret. Il n’existe pas de « code du paysage », mais on le retrouve dans cinq codes : urbanisme, environnement, patrimoine, agriculture et forestier. C’est donc une notion très diffuse, que les élus n’identifient pas.
2. [Ensuite], lorsque l’on parle de politique publique du paysage, on pense trop souvent à la protection de paysages remarquables : tous les élus ne se sentent pas concernés.
3. Nous sommes, enfin, confrontés à un problème de compréhension du métier de paysagiste, trop souvent associé au travail du végétal ». Degruelle ajoute que « les collectivités manquent de compétences paysagères dans leurs équipes, et ne sont donc pas à même d’organiser un dialogue de qualité avec les professionnels du paysage (bureaux d’études), etc. ».
Comment dépasser cette contradiction entre l’intérêt objectif qu’il y a à savoir utiliser l’approche paysagère pour donner corps à un projet de territoire, et l’insuffisante clarté des propositions formulées jusqu’ici dans ce but ? A notre sens, deux leviers complémentaires devraient pouvoir être actionnés.
Le paysage au Congrès des maires ?
En premier lieu, un travail d’acculturation/formation à grande échelle serait à mener en direction des associations d’élus locaux. Sous l’égide de l’association des maires de France (AMF) ou des associations qui regroupent diverses catégories de communes ou d’intercommunalités (l’AdCF déjà mentionnée, France Urbaine, l’association des maires ruraux de France, etc), on pourrait ainsi imaginer des campagnes de sensibilisation suivies de cycles de formation à l’approche paysagère ou encore, lors du Congrès annuel des maires de la Porte de Versailles à Paris, la présentation d’une offre d’intervention paysagère montrant, du projet global de territoire à la reconquête qualitative des espaces publics, le caractère multiscalaire, plurifonctionnel, et facteur de cohésion sociale de ce type d’approche9. Ces démarches directement adressées aux élus devraient être complétées par une action de sensibilisation et de formation visant le renforcement des compétences paysagères de leurs collaborateurs immédiats. Outre le recrutement de paysagistes-concepteurs auquel le concours d’ingénieur territorial est désormais ouvert, il s’agirait de former à cette approche les équipes locales composées de non-paysagistes en démultipliant fortement les stages ou cursus de formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dans ces domaines 10
En second lieu, il faut jouer en parallèle sur le processus vertueux du mimétisme entre élus. Plus nombreux seront les convaincus parmi ceux-ci, plus l’exemple de leurs initiatives heureuses se généralisera parmi leurs collègues.
Les Grands Sites de France, premier réseau d’élus du paysage
Le Réseau des Grands Sites de France11 est sans aucun doute le vivier le plus riche en « élus du paysage » dans notre pays. Il a publié en 2019 un « document-cadre », « Le paysage au coeur de la démarche des Grands Sites de France », où l’on peut lire que, loin de se limiter à la gestion de leur label d’exception, « les Grands Sites de France souhaitent être, parmi d’autres, des espaces de référence et d’inspiration pour une meilleure prise en compte du paysage dans l’aménagement du territoire ». Pour ce faire, en « s’inscrivant dans une vision dynamique et prospective du paysage, [ils sont] un laboratoire pour l’ensemble des paysages » 12, c’est à dire au profit des paysages du quotidien. Nantis d’un tel accompagnement, les élus du réseau savent parler du paysage de manière à la fois forte et sensible. Les maires de la Vallée de la Vézère, un des derniers sites labellisés, s’expriment ainsi : « notre démarche consiste donc surtout à (…) faire en sorte que le visiteur entrant dans cette magnifique vallée comprenne le lieu qui a relié les hommes à la nature depuis si longtemps » déclare Philippe Lagarde, maire des Eyzies. Anne Roger, maire de Fanlac, évoque le paysage de la vallée en ces termes : « une terre d’équilibre entre plaines et collines, prés et forêts, falaises et cours d’eau. Equilibre aussi des activités : agriculture, artisanat, tourisme qui garde son authenticité. Equilibre aussi dans la population avec une bonne entente entre autochtones et nouveaux venus. En fait, (conclut-elle), si la Vallée est peuplée depuis la période préhistorique, ce n’est sans doute pas un hasard : c’est encore et toujours un territoire où il fait bon vivre 13 ». Autres « élus-du-paysage », les maires de l’estuaire de la Charente-Arsenal de Rochefort lui aussi récemment labellisé, Michel Gaillot, maire d’Echillais et Pierre Chevillon, maire de Saint-Hippolyte 14 livrent une lecture paysagère du Grand Site particulièrement inspirée : « la lecture « archipélique » de notre paysage permet de voir, malgré la faible amplitude des reliefs, l’ancien golfe marin avec les anciennes îles où sont juchés les bourgs et entre lesquelles serpente aujourd’hui la Charente. Notre « archipel », est profondément marqué par une cohabitation fine entre les terres hautes - celles de nos fermes, de nos hameaux, de nos villages et de nos villes - avec les terres basses, celles de nos marais de l’ancien golfe dont les eaux battaient nos rivages il y a 2000 ans 15 ».
De Dunkerque à Nantes, le paysage comme atout
Au-delà des Grands Sites, cette acculturation des élus locaux bénéficie de la relance des appels à projets « Plans de Paysage » multipliés par l’État à partir de 2013 16. On compte désormais par dizaines les maires ou les responsables d’intercommunalités prêts à témoigner d’une expérience positive de l’approche paysagère auprès de leurs collègues encore sceptiques. Bernard Weisbecker, alors vice-président de la communauté urbaine de Dunkerque, déclarait en 2019 : « Ne restez pas avec une vision intellectuelle du paysage : allez le voir pour lutter contre les idées reçues (…) Dunkerque ne se résume pas à une zone industrielle. C’est aussi un polder agricole, des réseaux de canaux, des espaces naturels, une cité balnéaire de grande qualité. Comprendre de manière globale les enjeux du territoire permet de s’affranchir d’une approche sectorielle. La concertation permet de mieux comprendre les attentes des citoyens. Le territoire a une capacité de résilience, les gens n’ont plus peur 17».
Concluons cette série de prises de parole par celle de Johanna Rolland, maire de Nantes interviewée par Laurent Miguet 18. Cette responsable d’une ville de 309 000 habitants et d’une métropole qui en compte plus du double voit dans l’approche paysagère, « la lutte contre l’uniformisation urbaine [qui] rejoint l’urgence écologique ». Elle souhaite que « la participation citoyenne aux politiques paysagères se joue à l’échelle de la ville » pour « préserver ce qui fait la singularité de chaque quartier et lutter contre la standardisation ».
Un plan d’action pour la formation des élus au paysage ?
Cette montée en puissance de la parole des élus locaux au service de l’approche paysagère est encourageante. Mais que pèsent quelques dizaines, voire centaines de maires face aux 35 000 autres qui restent sans doute à convaincre ? Le mimétisme seul ne suffira pas pour atteindre la masse critique susceptible d’enclencher l’adhésion générale des élus. Comme analysé plus haut, ce sont eux, en dernier ressort, qui sont responsables de l’aménagement de leur territoire. L’appel aux grandes associations d’élus précédemment évoquées est donc incontournable. Dans ce but, la ministre de la transition écologique vient de passer commande à son inspection générale d’une « mission d’expertise visant à mesurer le niveau actuel de connaissance des décideurs locaux dans le domaine du paysage, et leur sensibilité vis à vis de l’approche paysagère ». « A partir de cet état des lieux », poursuit la ministre, sont attendues « des propositions pour l’élaboration d’une politique à mener en direction de ce public : formation, sensibilisation, priorités d’action ».
Pour la sensibilisation et la formation des élus locaux, un « plan d’action » est donc attendu par les autorités commanditaires. De telles appellations relèvent parfois de la communication plutôt que de l’action concrète. On peut espérer néanmoins, à l’issue de cette mission, l’accroissement des moyens de programmes et organismes positionnés ou à positionner dans ce domaine 19. On peut aussi en attendre une motivation accrue de la part des associations d’élus comme de ceux des maires et présidents d’intercommunalité qui auront répondu à l’enquête nationale prévue par la mission, une occasion pour eux de réfléchir explicitement aux potentialités de l’approche paysagère et de se les approprier. Le retour du paysage pourrait ainsi signifier celui du politique dans la décision d’aménagement. De plus en plus de décideurs sont prêts à assumer un tel choix responsable. Encore faut-il qu’ils puissent trouver des compétences, en nombre et en qualité, aptes à les accompagner dans ce processus20, mais aussi qu’ils disposent du soutien actif de leurs concitoyens. Les trois acteurs élus-population-concepteurs évoqués au début de ce texte doivent monter en puissance et en compétence : il est impératif qu’ils le fassent au même rythme et dans le même mouvement.
Notes
1 Les paysagistes-concepteurs sont à peine 2000 en France, soit un pour 33 000 habitants. Ils sont un pour 12 000 habitants en Allemagne, un pour 14 000 au Royaume-Uni. Même s’ils n’ont pas le monopole de ces « projets de développement durable et harmonieux des territoires » dont notre Collectif appelle la généralisation, le faible nombre de ces professionnels en France est à interroger. Du fait du défaut en compétences de concepteurs, beaucoup d’interventions restent le fait de bureaux d’étude, voire de géomètres dont les savoir-faire ne sont pas les mêmes.
2 Les projets d’« embellissement » ou de simple végétalisation restent les plus fréquents.
3 Prévue dès 1998 par la Convention d’Aarhus, reprise en 2005 dans la Charte constitutionnelle pour l’Environnement (article 7), on retrouve cette exigence de concertation dans l’article-chapeau L 103-2 introduit en 2015 dans le code de l’urbanisme pour l’ensemble de la planification urbaine et des « opérations d’aménagement ».
4 Les fameux « blancs de la carte » qui sont en fait des espaces féconds pour la biodiversité, de riches terres agricoles ou des espaces forestiers propices à la détente et à la production ligneuse.
5 Ayant passé vingt années de carrière administrative sur le terrain, l’auteur de ces lignes a constaté une lente mais réelle mutation de la figure du maire, ce « râleur-quémandeur » souvent immobiliste dans les faits, à celle de porteur actif d’un projet de territoire.
6 N° 191, Avril 2014 avec un dossier « Du traitement paysager à la politique paysagère » : www.adcf.org/files/MAG-INTERCO/ADCF-Interco191-140730-WEB.pdf , interview d’Anne Sgard p 8.
7 In Projets de paysage, 11/07/2011, « Le paysage mis en politique Méthodologie et perspectives d’une recherche sur les villes moyennes de la vallée de la Loire » : www.projetsdepaysage.fr/le_paysage_mis_en_politique
8 Interco, n° 149, « Du traitement paysager à la politique paysagère », op. cit., p. 9.
9 Cette formation comporterait plus d’intérêt public que les stands de mobilier urbain qui constituent un pourcentage significatif de la surface d’exposition au Salon des maires, en accompagnement du Congrès.
10 Une recherche sur son catalogue de formation permet certes d’identifier, outre les stages sur le fleurissement et les espaces verts qui apparaissent spontanément dans la rubrique « paysage », un intitulé prometteur : « La reconquête des paysages : démarches et outils de projets », une session animée à Montpellier par Sébastien Giorgis, paysagiste et élu local. Elle rassemble une vingtaine de stagiaires par an mais devrait pouvoir intéresser la plupart des élus et leurs services techniques.
11 Le Réseau des Grands Sites de France rassemble 47 groupements de collectivités locales gestionnaires de sites de grande notoriété et (donc) de forte fréquentation, et qui s’engagent pour développer une gestion des flux touristiques et de la vie économique et sociale locale conforme aux principes du développement durable. Les membres du réseau sont titulaires, pour 21 d’entre eux, du label Grand Site de France délivré par l’État (article L 341-15-1 du Code de l’environnement), soit engagés dans une « Opération grand site » pour obtenir ce label. www.grandsitedefrance.com
12 « Le paysage au coeur de la démarche des Grands Sites de France », brochure téléchargeable sur le site du RGSF : www.grandsitedefrance.com/images/ressources_rgsf/doc_cadre_paysage.pdf
13 Texte intégral de ces « paroles d’élus » sur les site du gestionnaire du Grand Site : www.pole-prehistoire.com/fr/qui-sommes-nous/missions/projet-grand-site/107-historique-et-contexte/810-paroles-d-elus-du-grand-site-vallee-vezere
14 L’un et l’autre, vice-présidents de la Communauté d’agglomération Rochefort-Océan (CARO), attributaire du label.
15 Intervention à l’atelier « La parole aux élus : les patrimoines de l’eau », organisé par Icomos-France à Rochefort, les 26 et 27 septembre 2019. france.icomos.org/fr_FR/Formations/Les-publications/
16 Les collectivités lauréates des appels à projets sont réunies au sein d’un Club plans de paysage qui regroupe une petite centaine de membres. Son effectif de membres actifs est proche de la soixantaine.
17 Ce témoignage peut être consulté sur les Actes des journées « Elus autour des démarches paysagères », 17-18 octobre 2018 : objectif-paysages.developpement-durable.gouv.fr/journees-elus-dunkerque-autour-des-demarches-paysageres-les-17-et-18-octobre-2018-362
18 Hors série Paysages-Actualités-Le Moniteur, « Nantes, métropole nature », juin-juillet 2019.
19 Par exemple, le programme de formation au paysage longtemps porté par Mairie-Conseils, filiale de la Caisse des dépôts, a disparu avec la réorganisation des services de la Caisse. Désormais baptisé « Territoires-conseils », cet organisme pourrait reprendre l’ambition de ce programme, dès lors que la demande en sera ravivée comme évoqué ci-dessus.
20 Ce thème fera l’objet d’un Signé PAP ultérieur.