Document produit par
Le Collectif Paysages de l’Après-Pétrole (PAP)

www.paysages-apres-petrole.org

Logo de Citego

Traduit en page HTML
et hébergé par Citego

www.citego.org

PAP 43 : Paysages de terrasses

Patrimoine culturel, développement durable et rechauffement climatique

Régis Ambroise, octobre 2020

Soucieux d’assurer la transition énergétique et, plus généralement, la transition de nos sociétés vers le développement durable, 50 professionnels de l’aménagement se sont réunis en association afin de promouvoir le rôle central que les démarches de paysage peuvent jouer dans les politiques d’aménagement du territoire.

En novembre 2019, ICOMOS international a invité le Collectif PAP à faire un exposé sur le thème “Patrimoine rural et lutte contre le réchauffement climatique” lors de son assemblée générale à Marrakech. Cet article détaille les principales idées développées à cette occasion.

À télécharger : article-43-collectif-pap-ra_.pdf (6,8 Mio)

Le réchauffement climatique est dû pour l’essentiel aux émissions de CO² provoquées par l’usage des matières fossiles telles que le pétrole et le gaz. Ces matières sont par ailleurs responsables de la pollution des sols, de l’eau, de l’air comme de la perte de biodiversité. La mise en oeuvre de cette entreprise repose sur les citoyens, les décideurs et les spécialistes de l’aménagement par le paysage.

« Limiter le changement climatique et s’adapter aux effets qu’il engendre ».

Ce mot d’ordre est aujourd’hui défendu par de nombreuses instances internationales et notamment par le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) qui déclare dans sa résolution19GA 2017/30: « La 19° Assemblée générale de l’ICOMOS… salue l’adoption de l’accord de Paris et encourage tous ses membres à renforcer leurs efforts pour appuyer sa mise en oeuvre et identifier les réponses qui s’appuient sur le patrimoine ou les paysages culturels ».

Comment le patrimoine et les paysages culturels peuvent-ils donc contribuer à limiter le changement climatique et à s’adapter à ses effets? Cette question interpelle les gestionnaires en charge de ces territoires qui vont devoir argumenter de l’intérêt de maintenir des politiques de protection. Elle concerne plus généralement les aménageurs en recherche de solutions pour mener à bien les transitions des territoires. En quoi les solutions du passé peuvent-elles se trouver à l’origine d’initiatives novatrices?

L’exemple des paysages de terrasses donne des réponses intéressantes. Ce système agricole a été mis au point dans toutes les parties du monde pour aménager des surfaces horizontales dans les régions en pente, et les rendre ainsi cultivables. Les cultures en terrasses contribuent encore à nourrir des populations nombreuses qui en vivent tout en y perpétuant leurs identités et modes de vie traditionnels. Ces systèmes ont été en grande partie abandonnés dans les pays industrialisés

car concurrencés par l’agriculture moderne. Parce qu’ils constituent des paysages culturels remarquables, plusieurs sites de terrasses ont été inscrits au patrimoine mondial de l’humanité en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique comme en Europe. De la même façon, suite à une proposition

de plusieurs pays méditerranéens dont la France, la technique de la pierre sèche qui fonde la construction des terrasses a été inscrite elle aussi au patrimoine immatériel de l’humanité1. Comment la connaissance des savoir-faire du passé peut-elle ouvrir la voie à une diversité de solutions?

Maintenir vivants les paysages de terrasses dans le contexte du réchauffement climatique : le cas de la Chine.

Dans le Guizhou, une région montagneuse du Sud-ouest du pays, différentes minorités et notamment les Miao et les Dong ont réussi à maintenir vivants de magnifiques paysages de rizières en terrasses irriguées. Une famille peut vivre en exploitant environ un tiers d’hectare, sur lequel elle utilise plus d’une centaine de plantes différentes qui lui permettent de se nourrir, de s’habiller, de se soigner et de se loger. Pour pouvoir acheter le reste – médicaments, casseroles, motocyclettes, radio, téléphones portables… - de plus en plus nombreux sont les habitants, hommes et femmes, qui partent construire les villes modernes situées sur la côte est du pays. Les enfants restent dans les villages, gardés par les grands-parents, tandis que les paysages commencent à se dégrader par manque d’entretien. Les responsables favorisent un développement touristique de masse dans les plus beaux villages de ces régions dont ils vantent la qualité de l’architecture et des paysages. Ils proposent des candidatures au patrimoine mondial de l’UNESCO et se préparent à attirer les foules sur les sites retenus. Ce type de développement risque de détourner les paysans encore présents vers les emplois touristiques, ce qui accentuera l’abandon des terrasses. Comme en France au début du XX° siècle, alors qu’un exode rural particulièrement brutal chassait des montagnes de très nombreuses familles de paysans, ces régions vont perdre leur fonction nourricière si disparaissent les cultures traditionnelles qui permettent de mettre en valeur la richesse de ces terrasses fertiles.

Pour compenser cette perte de ressources, la Chine cherche à intensifier ailleurs sa production alimentaire grâce aux méthodes de l’agriculture industrielle. Mais, à la différence de la France qui possède de nombreuses régions de plaine où il a été possible d’augmenter les rendements avec l’apport de la chimie, les zones planes sont rares. Comme on le sait, ce type d’agriculture, grand consommateur en produits issus du gaz et du pétrole, contribue au réchauffement climatique et aux pollutions. Une autre perspective, envisagée en complément, serait d’acheter à d’autres pays l’alimentation manquante, au risque de confrontation avec les populations locales. Le débat n’est pas clos. Certains plaident pour maintenir les paysans et les paysages de terrasses cultivées en liant le développement local à un tourisme plus « doux » et à une meilleure valorisation des produits de l’agriculture de montagne. En limitant le développement d’une agriculture dépendante en matière et énergies fossiles, le soutien aux paysans de montagne pour qu’ils conservent leurs modes de production traditionnels contribuerait à l’objectif de limiter le réchauffement climatique. Le choix est crucial puisqu’au-delà des secteurs en terrasses, les régions de montagne hébergent environ 400 millions de paysans.

Ces agricultures traditionnelles méritent d’être mieux comprises car elles recèlent des trésors d’efficacité agronomique. Dans le cadre d’échanges francochinois2, des étudiants agronomes et paysagistes ont été envoyés dans ces territoires pour analyser comment les paysans encore présents construisent et cultivent ces terrasses extraordinairement productives. La consigne donnée aux étudiants était de considérer ces paysans comme leurs maîtres en agroécologie et en aménagement du territoire. Ils devaient tenter de comprendre les liens qui attachent ces minorités aux formes du vivant et à leurs paysages, points en bonne part laissés en jachère par la recherche agronomique en France.

Les étudiants ont relevé également les expériences menées par certains paysans pour valoriser leurs produits en répondant aux nouvelles demandes des consommateurs des grandes villes. Lors d’une autre mission, des étudiants en architecture sont venus étudier comment les artisans locaux réussissaient à édifier des bâtiments d’habitation et des monuments magnifiques en n’utilisant que le bois et l’eau amenée grâce à des systèmes hydrauliques sophistiqués. Avec les artisans, ils ont cherché des solutions pour améliorer l’isolation des constructions traditionnelles et réduire les risques d’incendie, deux enjeux importants pour que les villageois acceptent de rester habiter leurs maisons en bois plutôt que de voir l’avenir sous la forme de maisons en béton très consommatrices en énergies fossiles. Les rapports et relevés cartographiques réalisés par ces étudiants constituent une mine de connaissances pour tous ceux qui cherchent à mettre au point des solutions pour s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique en imaginant des solutions alternatives aux modèles dominants du développement local mondialisé. Dans ces territoires de montagne, le maintien des techniques de production à l’origine des formes patrimoniales de l’architecture et du paysage et l’ouverture de ces populations vers le reste de la société peuvent seuls assurer une vie digne pour les nouvelles générations et la préservation des ressources nécessaires à la Chine. L’appel de l’Association des Populations des Montagnes du Monde « Des montagnes vivantes pour un monde plus harmonieux » complèterait utilement le mot d’ordre lancé lors de l’exposition de Shanghai en 2010 « BetterCity, BetterLife ».

En France, la compréhension du système des paysages de terrasses a contribué à fonder les principes d’une agriculture durable, économe en ressources fossiles.

Dans les années 1980, un programme intitulé «Paysages de terrasses » est lancé par le ministère de l’Equipement pour raviver l’intérêt pour ces paysages oubliés depuis l’exode rural entamé à la fin du XIX° siècle et devenus invisibles car recouverts par la friche. Pendant toute la période de la modernité, les documents agronomiques ou touristiques n’en parlaient jamais, ils n’étaient plus vus alors qu’on allait les admirer sur d’autres continents où les paysans les entretenaient encore.

Sébastien Giorgis et Pierre Frapa, alors responsables de l’Association pour la Participation et l’Action Régionale basée à Avignon, animent ce programme et organisent des chantiers de jeunes pour la restauration de ce patrimoine. Dans ce contexte, ils recensent et analysent les expériences menées par des paysans, des associations, des élus engagés dans la remise en culture de parcelles en terrasses. A contre-courant des modèles d’agriculture intensive alors dominants, sans aides particulières, avec très peu de mécanisation peu ou pas d’engrais ni de traitements chimiques, ces paysans réussissent à produire et à vivre de leur travail en entretenant des portions de paysage de toute beauté. A l’inverse de l’agriculture industrielle spécialisée, ils misent sur des productions diversifiées à forte valeur ajoutée, cultivées de façon naturelle sans intrants, les commercialisent localement en valorisant leur qualité. Souvent multi-actifs, ils font de l’accueil ou d’autres métiers en lien avec leur territoire. Un ouvrage Paysages de Terrasses3 conclut ce programme en 1989, soulignant l’aspect novateur des solutions trouvées par ces agriculteurs au regard des enjeux environnementaux et d’aménagement du territoire qui commençaient à poindre. En 1992, à la conférence de Rio, le terme de développement durable s’impose en effet et remplace celui de protection de la nature, posant qu’il ne s’agit plus seulement de circonscrire des zones protégées gérées par un personnel spécialisé, mais de réformer le modèle économique sur l’ensemble des territoires pour ménager la nature et limiter l’usage des ressources fossiles polluantes. La même année, la Politique Agricole Commune se réforme avec, pour la première fois, un volet environnemental. En France, l’expérimentation nationale des Plans de Développement Durable4 est impulsée par le ministère de l’agriculture. Dans soixante petites régions agricoles réparties sur l’ensemble du territoire, cette expérimentation regroupe chaque fois une vingtaine d’agriculteurs volontaires qui entendent faire évoluer leurs systèmes d’exploitation dans le sens du développement durable. Cette notion était nouvelle à l’époque. Pour la définir, on s’inspira de l’exemple de ce que faisaient déjà, ou encore, dans diverses régions, des paysans qui produisaient des aliments de qualité avec peu d’intrants chimiques, créaient de l’emploi et étaient bien intégrés socialement à l’échelle locale. Parmi ceux-ci, on retrouva certains des agriculteurs identifiés quelques années plus tôt dans le programme Paysages de Terrasses. Ceux-ci n’avaient pu, ou pas voulu, engager leur exploitation dans un modèle d’agriculture industrielle : la mécanisation lourde ou l’usage des engrais chimiques ne pouvaient pas trouver leur place sur de petites parcelles en pente et aux sols fragiles. Pour pouvoir continuer à vivre en travaillant leurs terres, ces agriculteurs amendaient les savoirs et savoir-faire des anciens pour imaginer des systèmes de production et de commercialisation mieux adaptés aux conditions contemporaines.

En utilisant du petit matériel agricole, sur des parcelles aménagées mais de faible taille, cultivées avec peu ou pas d’engrais ni de phytosanitaires, sans labour profond, et en combinant une diversité de cultures, ces agriculteurs misaient sur une agriculture très faiblement dépendante en intrants issus du pétrole et autres énergies fossiles. Pour cela, ils s’appuyaient sur des équilibres naturels pour se protéger des infestations de prédateurs et sélectionnaient des plantes et animaux capables de prospérer dans les conditions pédoclimatiques locales. Valorisant leurs produits dans des filières de qualité (bio, produits d’appellation d’origine protégée, marchés locaux), créant de l’emploi pour un travail en grande partie manuel ou lié à l’accueil et à la transformation, améliorant l’environnement et restructurant le paysage, ils ont trouvé des consommateurs, un public et des élus disposés à soutenir leurs projets. Grâce à leur connaissance des atouts et contraintes de leur territoire et en utilisant la ressource des savoirs anciens en matière de dynamique du vivant, ils ont mis au point des façons de faire plus sobres et économes en matières comme en énergies fossiles. Ces principes empiriquement explorés par les agriculteurs sont venus inspirer les réflexions et projets menés ailleurs, dans le cadre de l’expérience des plans de développement durable. Ces mêmes principes soutiennent aujourd’hui, dans des conditions très variées, les travaux des agriculteurs qui s’engagent à leur tour dans l’agroécologie, orientation donnée par le ministère de l’agriculture pour aller vers une agriculture durable intégrant l’objectif plus récent de limiter/s’adapter au réchauffement climatique. L’exemple de la redécouverte des terrasses de culture en France et de la façon dont elle a inspiré les démarches et recherches de l’agroécologie fait comprendre l’utilité de préserver le patrimoine. Au-delà d’une approche visant la conservation par principe d’un passé révolu, il s’agit de promouvoir des éléments de connaissances du vivant qu’ont négligé les démarches agronomiques modernistes, et qu’il s’agit de savoir exploiter aujourd’hui avec des moyens parfois différents. Les solutions innovantes utiles à notre époque reposent sur la complexité de l’écosystème, approchée peu à peu par les sciences du vivant. C’est cette même complexité qui assure le bon fonctionnement des structures paysagères traditionnelles telles que les bocages ou les marais, dont la fertilité est issue d’une bonne organisation dans l’espace des ressources naturelles, l’eau, les sols et la biodiversité animale et végétale. Ces systèmes mis en place sans recourir aux énergies fossiles constituent des modèles qui peuvent continuer à inspirer les recherches en agroécologie, en intégrant notamment les rôles qu’ils jouent en termes d’aménagement du territoire. Le maintien de terrasses cultivées dans les zones en pente joue un rôle important pour lutter contre les catastrophes naturelles qui vont s’accentuer du fait du réchauffement climatique. On a pu ainsi observer qu’elles contribuent à freiner la propagation des incendies en période de sécheresse et les départs d’érosion lors de fortes précipitations.

Les argumentaires économiques en faveur d’une agriculture intensive «pétrolière» largement exportatrice ont été faussés du fait que son soutien par des aides directes et indirectes n’entrait pas dans le calcul de sa rentabilité. A contrario les agricultures «naturelles» qui ne recevaient pas ces aides se voyaient déconsidérées. Dans le même temps, les impacts négatifs sur l’environnement et le climat n’étaient pas pris en compte pour évaluer la performance de cette nouvelle agriculture. L’agriculture intensive a ainsi conduit à faire disparaître une bonne partie des systèmes traditionnels et à laisser en friche tous les espaces impropres à la mécanisation. Le contexte économique et environnemental ayant évolué, la connaissance des systèmes patrimoniaux retrouve aujourd’hui tout son intérêt pour imaginer de nouveaux modèles qui permettraient de faire vivre dans les campagnes une population sans doute moins nombreuse qu’au XIXe siècle, mais sûrement plus qu’au XXe. Ce changement de système crée une continuité inédite entre les agricultures de demain et celles d’hier, toutes deux fondées sur les principes de mise en valeur des ressources du vivant et de leur bonne organisation dans l’espace.

S’appuyer sur les ressources naturelles et humaines d’un territoire pour en définir son avenir : le cas du Priorat

Le Collectif Paysages de l’après-pétrole a mené une enquête dans sept pays européens pour étudier la façon dont des acteurs, à différentes échelles, avaient engagé des politiques de développement durable dans lesquelles le paysage s’était révélé facilitateur et source de solutions5. A cette occasion, une visite a été organisée dans le Priorat, petite région rurale et montagnarde de la Catalogne espagnole. Lors de la seconde moitié du XXème siècle, cette région délaissée par le développement industriel et touristique de la côte méditerranéenne s’est vidée d’une part importante de sa population. Pour survivre, les habitants ne voyaient pas d’autre issue que l’exode vers des régions plus riches.

Dans les années 1990, cinq jeunes viticulteurs amoureux de cette région décident de s’installer pour valoriser le vignoble local en en développant les potentiels. Ils observent les différentes formes d’aménagement traditionnelles, notamment les terrasses de cultures travaillées à la main, et décident de recomposer les paysages pour pouvoir les mécaniser quelque peu. Plutôt que de mettre en place, comme dans d’autres régions, des banquettes très larges avec d’importants talus modifiant les caractéristiques des sols et les rendant sensibles à l’érosion, ils reprennent les formes habituelles soutenues par des murets de pierres sèches qu’ils complètent par des banquettes étroites sur talus enherbés pour les rendre plus facilement mécanisables avec de petits engins. Cette transformation visible du paysage, sans le déstructurer brutalement, surprend les habitants et leur redonne courage. Ils trouvent une raison de croire en l’avenir de leur région, confortés par les très bons résultats économiques des viticulteurs qui ont mené un important travail oenologique pour améliorer la qualité de leur vin, lui faire obtenir des appellations d’origine protégée et le vendre sur le marché international. Les élus, la population, les professionnels prennent conscience progressivement de la qualité de leur territoire. Ils vont s’organiser et définir les principes identitaires sur lesquels fonder leur développement à l’échelle locale dans différents domaines tels que l’amélioration de la diversité de leurs paysages, le maintien du calme dans les villages, le renforcement de leur culture… Ainsi refusent-ils désormais l’organisation d’un rallye automobile qui traversait leur région ou la construction d’établissements hôteliers pour un tourisme de masse. Ils s’engagent au contraire dans le développement d’un tourisme doux chez les habitants. Avec la participation d’associations qui se sont créées localement et le concours de l’observatoire catalan du paysage, les élus engagent des études pour mieux identifier les singularités paysagères de leur région, à partir desquelles définir les cahiers des charges concernant l’urbanisme, l’aménagement des réseaux et la politique énergétique. Ils s’engagent ainsi dans une logique de transition vers un développement local durable et harmonieux, à l’opposé des politiques menées le long de la côte. Aujourd’hui le Priorat postule au classement du patrimoine mondial de l’UNESCO sous le titre «mosaïque méditerranéenne, paysage culturel agricole» en faisant valoir la qualité d’un patrimoine paysager que les habitants font revivre en le transformant de façon réfléchie, en insistant sur la dynamique de mobilisation de la société qu’ils ont su créer autour de la perpétuation des valeurs naturelles et humaines de leur territoire.

Sur cette base, ils intègrent également les enjeux de la transition énergétique en incitant à une plus grande sobriété et en installant des dispositifs d’énergies renouvelables sur des secteurs bien choisis. Ils se positionnent ainsi comme un exemple de développement durable et harmonieux d’un territoire enraciné dans son histoire et sa géographie. Dans ces trois territoires de terrasses, la perpétuation de ressources patrimoniales réinterprétées et mises à jour a inspiré des solutions à même d’assurer leur devenir et celui d’autres régions du monde soumises elles aussi aux défis de la transition énergétique. Ces exemples mettent ainsi en œuvre les préconisations d’ICOMOS International qui invite à «s’appuyer sur le patrimoine ou sur les paysages culturels étant donné la nécessité d’une diminution rapide et massive des émissions, afin de maintenir la hausse des températures bien en deçà de 2° C». Les savoir-faire traditionnels en matière d’habitat pourraient compléter cet argumentaire6.

Depuis sa sédentarisation et avec l’invention de l’agriculture, l’homme a favorisé la capacité productive du vivant en observant sa dynamique complexe. Il s’est organisé avec d’autres, a transformé l’espace et inventé des techniques propres à en favoriser les potentiels. L’aménagement d’un monde libéré du pétrole repose sur la mise en valeur renouvelée de ces mêmes caractéristiques. Dans ce contexte, l’attention portée aux savoir-faire issus des techniques traditionnelles, la connaissance des modes d’organisation sociales et spatiales qui ont permis au patrimoine de traverser les siècles prennent un intérêt nouveau. Ils constituent des ressources pour ceux qui imaginent et mettent en oeuvre les formes d’un futur soumis au réchauffement climatique7.

Notes

  • 1 Signé PAP n° 34, La pierre sèche, contribution au développement durable des territoires, Claire Cornu, novembre 2019. Réédité in Villes et territoires de l’après-pétrole, le paysage au coeur de la transition, Editions su Moniteur, 2020, p 148-156. Cette reconnaissance a couronné en 2018 l’effort des agriculteurs, des professionnels de la pierre sèche, des associations et des chercheurs qui oeuvraient depuis plusieurs années pour faire reconnaître l’intérêt de cette technique

  • 2 Organisés en 2010 à l’initiative de Pierre Calame, alors président de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme www.fph.ch/index_fr.html, et avec le soutien de Jean Bourliaud de l’Association des Populations des Montagnes du Monde, puis en 2013 grâce à Françoise Ged de l’Observatoire de l’architecture de la Chine contemporaine : www.citedelarchitecture.fr/fr/observatoire-de-larchitecture-de-la-chine-contemporaine

  • 3 Paysages de Terrasses, R. Ambroise, P. Frapa, S. Giorgis, Edisud 1989

  • 4 Les Plans de Développement Durable en agriculture (1993-1998) : une expérience de design territorial ? R. Ambroise, F. Kockmann, AES, 2018

  • 5 Paysages et transitions, réponses à travers l’Europe, Mathilde Kempf et Armelle Lagadec, Collectif Paysages de l’après-pétrole, 2019

  • 6 Dans de nombreux pays, l’analyse des formes urbaines traditionnelles révèle une intelligence remarquable dans les agencements des bâtiments, tandis que la fabrication de matériaux « bio-sourcés » (pierre, terre crue, bois, paille…) peut inspirer des façons nouvelles pour construire des villes en réduisant fortement leur dépendance aux énergies fossiles tout en assurant aux habitants un meilleur confort climatique et une qualité de vie.

  • 7 Aménager les paysages de l’après pétrole, R. Ambroise, O. Marcel, ECLM, 2015

Références

www.paysages-apres-petrole.org/