Risque
2017
Définition
Le verbe « risquer » signifie courir un danger. La définition classique du risque correspond à la possibilité d’occurrence d’un phénomène pouvant occasionner des dommages, ce qui sous‐entend que le risque est avant tout une potentialité. Il peut donc être résumé comme étant la conjonction d’un aléa – de nature variable (naturel, environnemental, sanitaire, industriel, etc.) mais toujours hasardeux et plus ou moins prévisible – et de vulnérabilités (fonctionnelles, structurelles, sociales, économiques, etc.). Partant, gérer les risques c’est avant tout gérer une incertitude en limitant l’exposition à l’aléa et en agissant sur la réduction des vulnérabilités.
Le risque ne doit alors pas être assimilé à la catastrophe, laquelle serait alors non plus la probabilité mais plutôt la réalité de l’occurrence d’un phénomène qui occasionne des dommages. Le risque n’est pas non plus le phénomène. Par exemple, toute crue n’est pas une inondation : la crue est un phénomène normal, inhérent au fonctionnement d’un système fluvial quand l’inondation correspond à la crue lorsqu’elle endommage les biens ou les personnes alentour (Cf. Les inondations dans le Var (France) : quelles leçons pour une gestion post-crise ?). Ainsi, s’il y a « risque » c’est parce que « les lieux sont habités. La nature n’est pas une menace en tant que telle. Il convient donc de questionner les relations qui unissent les hommes aux territoires et aux phénomènes » (Cf. 29 – Risques) et, partant, les manière d’appréhender le risque.
Petite histoire des conceptions du risque et de leurs évolutions
Le verbe « se risquer » est employé à partir 1577 et celui de « risquer » depuis 1596. L’emploi du sustantif masculin « risque » apparaît, quant à lui, en 1657, près d’un siècle plus tard (November, 2002). Les risques étaient alors interprétés dans une perspective divine, comme punition venant du Ciel pour prévenir ou guérir les humains de leurs péchés. Ils étaient de fait attribués à la fatalité (Allard et Pailhes, 1999). Le tournant conceptuel du terme de risque date de 1755, lors du grand tremblement de terre de Lisbonne. D’une interprétation sacrée, l’explication devint rationnelle, à une époque où les Lumières profanes prenaient le pas sur celles de la religion (November et al., 2011). Le concept de risque servait alors à définir l’éventualité d’un événement pouvant occasionner des dommages et était beaucoup utilisé dans le domaine assurantiel1. Initialement péjoratif, le terme de « risque » a été souvent victime de mésusage pour définir quelque chose de bénéfique, le fait de jouer. Derrière le risque, se trouvent souvent les enjeux, ce qui est en train de se jouer, mais également ce qui peut être endommagé, ceux susceptibles de subir une perte,mais jamais d’apporter un gain. Cette impropriété est sans doute liée à la captation libérale du concept de risque, elle‐même dérivée du domaine assurantiel qui cherche le gain derrière l’éventualité d’une perte (Lantz et al., 2002). Alors, l’Académie française décida en 1965 de préciser l’emploi du terme de « risque » afin de bannir les impropriétés auxquelles il était sujet. À partir de cette date, le verbe « risquer » se limite donc à courir un danger (November, 2002).
Phase 1 : Se protéger des risques
Si l’on considère les mesures de gestion territoriale des risques que l’on pourrait qualifier de rationnelles ou de profanes, pour le milieu XXe siècle, on note une première phase qui s’étend jusqu’aux années 1970-1980 et qui est celle de la protection. Le positivisme et la technique toute puissante doivent alors permettre d’aménager des territoires protégés des risques. C’est la pleine période des digues, enrochements et autres moyens de protection censés faire disparaître les risques et rendre les territoires habitables.
Phase 2 : Réduire les vulnérabilités
A partir des années 1980-1990, le champs de recherche sur la vulnérabilité, ouvre des perspectives sur la problématique des risques et remet en question l’idéologie du risque zéro. Nous ne serons jamais invulnérables et toutes les mesures de protection ne suffiront pas à dresser une carapace suffisamment étanche et infranchissable contre les phénomènes qui nous menacent(Cf. Nous sommes toujours-déjà vulnérables). Par ailleurs, les travaux sur les vulnérabilités mettent en évidence l’endommagement différentiel de certains territoires, matériels et personnes amenant le débat sur la prévention des risques et la réduction des principales vulnérabilités.
Phase 1 : Vivre avec le risque
Actuellement, on pourrait dire que nous sommes à une troisième phase, marquée par l’hégémonie du terme de résilience qui impulse un nouveau changement de paradigme en ce qui concerne les risques. Il faut certes réduire les vulnérabilités mais il faut surtout accepter les risques, accepter de vivre avec l’incertitude et être capable de s’adapter et de rebondir après la catastrophe.
Certains auteurs voient dans ce renouvellement du concept de risque une opportunité pour la fabrique de villes et de territoires durables. (Cf. Quand le « risque » devient levier de développement…). Ce changement paradigmatique permet de transformer le « problème » des risques en support d’un débat démocratique passionnant, et in fine un levier et une aide à la décision, pour des milieux plus « résilients » et mieux habitables.
Changement d’échelle
Par-delà, les évolutions du concept dans le temps, les nouvelles dynamiques territoriales invitent à reconsidérer les échelles de la gestion des risques. Il convient désormais de sortir d’une approche sectorielle des risques par types d’aléas ou par catégories de vulnérabilités, pour voir émerger des débats sur les risques systémiques dans leur rapport à l’espace urbain. Dans un contexte d’urbanisation généralisée, la ville est considérée comme productrice de risques. Les travaux sur la gestion des risques ont alors porté sur une gestion systémique de ces structures spatiales vulnérables mais les risques étaient traités sous forme de monographies. Le champ de recherche sur la métropolisation a permis un renouvellement de cette approche scalaire(Cf. Villes, métropolisation et risques. Nouveaux défis, nouveaux enjeux politiques.).
A aléa constant, les dommages matériels augmentent plus vite que la croissance de ces villes. Les notions d’exposition au risque et de proximité ont été réinterrogées lorsqu’aux dommages « classiques », cantonnés à la zone directement touchée, viennent s’ajouter des dommages indirects, qui mêlent les destructions matérielles et symboliques à des perturbations fonctionnelles qui peuvent se diffuser rapidement sur de grandes superficies. »Les nouveaux territoires du risque ne sont plus continus mais réticulaires« (Cf. Villes, métropolisation et risques. Nouveaux défis, nouveaux enjeux politiques.). Le risque métropolitain vient se surimposer au risque urbain classique. La réflexion sur la gestion des risques devient transcalaire et permet désormais d’envisager le risque comme un des leviers pour un développement territorial vertueux. De contrainte, le risque devient un moyen de penser la ville et ses territoires différemment, sous la forme de systèmes de villes et donc de réfléchir non seulement à la réduction de la vulnérabilité mais surtout à l’émergence de nouveaux modes d’organisation en faisant jouer les solidarités métropolitaines, c’est-à-dire penser le développement urbain en réseaux.
1 Lucien Febvre (1956) explique que l’assurance est la traduction et l’exploitation du besoin de sécurité qu’éprouven les hommes. La notion de risque rapproche assurance et géographie. Pour les assurances, « le risque est la valeur actuelle du dommage possible » (Say et Chailley, 1900, cité par Pico et Amat, 2006). C’est dans cette optique que Laurence Pico réalise sa thèse de géographie, en 2006, afin de simuler les effets d’un aléa naturel sur un portefeuille d’assurance pour évaluer le montant des dommages assurés.
Referencias
ALLARD Paul et PAILHES Sigolène, (1999), «L’évolution de la notion de risque naturel : Le cas de la Camargue au XVIIème et XIXème siècle», in ASPE Chantal et POINT Patrick (eds), L’eau en représentations : gestion des milieux aquatiques et représentations sociales, p. 43‐52
FEBVRE Lucien (1956), «Pour l’histoire d’un sentiment : le besoin de sécurité», Annales : Économies, Sociétés, Civilisations, n° 2, Vol. 1, p. 244‐247
LANTZ et coll. (2002), « À plusieurs voix sur La société du risque », Mouvements, Vol. 3, n° 21-22, p. 162‐177
NOVEMBER Valérie, (2002), Les territoires du risque, Bern : Peter Lang Editions, 332 p.
NOVEMBER Valérie, PENELAS Marion et VIOT Pascal (eds), (2011), Habiter les territoires à risques, Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 252 p.
PICO Laurence et AMAT Jean‐Paul, (2006), « Un modèle de simulation pour la gestion du risque sismique à Beyrouth », Conférence ESRI utilisateurs francophones, Issy les Moulineaux, 11-12 octobre, 8 p.