Zéro émissions à Birkenfeld.

Une nouvelle économie circulaire dans le land de Rhénanie-Palatinat

Manuel Marin, 2013

Cette fiche présente un projet d’économie circulaire allemand qui vise à atteindre l’objectif de « zéro émission », en axant le développement industriel sur les architectures passives et les énergies renouvelables.

Le concept de « zéro-émission » introduit par l’écologie industrielle à la fin des années 1990, décrit par l’UNU (United Nations University) comme le prochain pas vers une production industrielle durable et respectueuse de l’environnement, gagne du terrain dans un monde confronté à l’épuisement des ressources et à la croissance soutenue. Dans ce contexte, l’Etat de Rhénanie-Palatinat en Allemagne a mis en œuvre une initiative intéressante : instaurer une économie circulaire (concept-clé de l’écologie industrielle) dans laquelle les déchets d’une industrie constituent la matière première d’une autre industrie dans une chaîne qui traverse le territoire. Ceci inclut la production énergétique libre de CO2. Cette approche permet de protéger l’environnement et, en même temps, d’augmenter l’autonomie de la région concernée, qui devient sa propre source de ressources pour un certain nombre d’applications. Le rôle des municipalités et des gouvernements locaux est essentiel dans ce schéma car ils ont la possibilité d’établir des circuits modernes de production durable à l’intérieur des villes et des quartiers. N’importe quelle structure peut devenir « zéro-émission » et cela dépend des opportunités et du dynamisme des autorités et de la population. Le Campus Environnemental Birkenfeld à l’Université Trier de Sciences appliquées, construit selon les principes de l’architecture passive et, en même temps, producteur d’énergie en est un exemple.

Les efforts pour réduire l’impact de l’activité industrielle sur l’environnement ont débutés dans les années 1970 avec les techniques de « bout de chaîne ». Il s’agissait d’une première approche au problème écologique, cherchant à éliminer les déchets produits par l’activité industrielle en touchant le moins possible au processus productif. Cette approche s’est montrée largement insuffisante. Elle a laissé sa place dans la décennie suivante à l’approche « précautionnaire », qui incorporait des mesures pour réduire les émissions nocives à l’intérieur de la chaîne et constitua ce qu’a été dénommée la « production plus propre », régulée par des instruments de gestion tels que l’ISO14001 et l’EMAS (Eco-Management and Audit Scheme), entre autres. Le concept de « zéro-émission » est venu plus tard, seulement à la fin des années 1990, porté par une discipline émergente connue comme l’écologie industrielle. En observant les cycles de la nature, où les ressources sont entièrement utilisées par un processus, puis entièrement rétablis par un autre, dans un flux continu, cette discipline a proposé l’organisation d’une activité industrielle gouvernée par ces mêmes régulations. Plusieurs acteurs ont essayé de mettre en place des systèmes avec de telles caractéristiques et les résultats, pourtant loin d’atteindre l’efficacité de la nature, ont permis de valider la viabilité des économies dites « circulaires » dans certaines régions du monde. C’est le cas de l’Etat de Rhénanie-Palatinat.

Les économies circulaires, en intégrant des techniques de réutilisation systématique, représentent une innovation par rapport aux économies linéaires qui épuisent les ressources et produisent constamment des déchets. Il s’agit non seulement du recyclage, technique déjà pratiquée par les économies linéaires, qui cherche à réduire au maximum les déchets finaux. L’économie circulaire, cherche à réutiliser les déchets en les transformant en ressource matériel ou énergétique pour les prochains cycles du système. L’accent est mis sur le flux de matière et d’énergie à l’intérieur du système et leur optimisation afin de réduire au minimum la dépendance en ressources et en écoulements externes. Cette stratégie permet le développement de nouvelles pratiques qui produisent des performances améliorées.

L’utilisation de déchets organiques pour la production de biomasse en est un exemple. La biomasse est une manière de stocker l’énergie sous forme de déchets sans les écarter du système. Ultérieurement, ces déchets sont transformés en bioénergie et réintégrés à la boucle. L’économie est double : d’une part, la nécessité d’un écoulement est supprimée par la conservation des déchets à l’intérieur ; d’autre part, la production in situ de la bioénergie permet de réduire l’utilisation de sources externes. Cette économie décuplée est poursuivie à plusieurs niveaux.

Le Campus Environnemental Birkenfeld a initié ses activités en octobre 1996. Destiné à accueillir la formation en matières environnementales, il a été appelé à matérialiser les principes de l’écologie industrielle : vision d’ensemble, enchaînement des processus, utilisation de sources renouvelables, efficacité énergétique et décentralisation de sources d’approvisionnement d’énergie. L’approche de « zéro-émission », notamment, adoptée comme ligne directrice principale du projet a permis de développer plusieurs instruments d’action, lesquels peuvent se regrouper en quatre grands domaines : la construction écologique ; la récupération et le traitement de l’eau de pluie ; l’approvisionnement d’énergie libre de CO2 ; la climatisation écologique. Les limites entre les domaines ne sont pas rigides, ils peuvent se juxtaposer et se complémentent les uns aux autres. Les travaux de recherche sont encadrés et diffusés vers le milieu industriel par l’entreprise de service OPËM, intégrée au Campus Environnemental Birkenfeld.

L’espace entre les bâtiments est aussi pertinent que l’espace construit pour chaque bâtiment. L’écologie industrielle pose son regard sur la totalité du territoire. Au Campus Environnemental Birkenfeld l’espace non construit est planté de végétation et permet le filtrage et la récupération de l’eau de pluie à travers le sol. Ceci contribue également à la conservation du sol. Les matériaux sont choisis en tenant compte des aspects liés à leur fabrication - l’énergie consommée et les émissions générées -, ainsi que leur disponibilité dans la région et leur recyclabilité. Ce qui caractérise le style de construction du Campus est l’économie de l’espace.

L’eau de pluie coule par 2000 mètres carrés environ de toiture partiellement végétale et elle est collectée dans deux réservoirs d’accumulation. L’excédent, dirigé vers une surface de rétention entre les bâtiments est filtré au réseau. Après un processus de purification, l’eau récupérée est destinée au rinçage et aux tâches de nettoyage. Elle sert également de réfrigérant pour le système de ventilation, en permettant d’importantes économies d’approvisionnement. Des projets sont en cours, encadrés par la même Université Trier, pour mettre en place un système de séparation de l’eau selon sa couleur (gris, marron ou jaune, selon leur niveau de substances nutritives).

L’approvisionnement énergétique libre de CO2 est assuré par l’usine à biogaz de Neubrük, située dans le quartier voisin. Cette installation utilise des combustibles renouvelables tels que le bois abîmé, les déchets forestiers et des rémanents agricoles pour alimenter deux centrales à biogaz qui produisent de l’électricité et de la chaleur. Le biogaz est obtenu à partir de la fermentation des déchets organiques produits par les foyers locaux. L’électricité générée est injectée directement au réseau et elle dépasse largement les besoins du campus. Des panneaux photovoltaïques (370 m2) sont distribués sur la façade de l’un des bâtiments pour la production additionnelle d’électricité. Ils aident également à réduire l’excès de luminosité et de chaleur en été. L’efficacité énergétique des bâtiments est augmentée par des structures qui canalisent la lumière naturelle.

De l’air frais est intégré aux bâtiments par trois canaux souterrains, ce qui permet de le préchauffer ou de le pré-refroidir à une température constante de 12 degrés. L’air sortant de ces canaux peut être préchauffé à nouveau si besoin par un absorbeur qui récupère la chaleur de l’air utilisé. Après ces processus la température souhaitée dans chaque salle peut être atteinte avec très peu de consommation énergétique. Des panneaux solaires thermiques (260 m2) servent au système de chauffage, en hiver, et au système de ventilation qui utilise de l’eau de pluie en tant que réfrigérant, en été.

L’économie circulaire peut être appliquée à de multiples échelles et elle constitue une alternative à la croissance continue et non-durable. Le concept de croissance doit être repensé pour considérer l’interaction entre différentes activités et processus industriels. Il s’agit d’un enjeu fondamental. La mise en place de circuits d’approvisionnement cyclique comme décrit ci-dessus, là où c’est possible, permettrait d’aider à rendre plus durables les ressources naturelles présentes dans l’environnement. La conversion de systèmes linéaires en circulaires est abordée comme sujet d’intérêt prioritaire par l’Université Trier de Sciences appliquées.