Etat des lieux et enjeux du logement social dans l’agglomération toulousaine

En quoi la constitution des agglomérations fait avancer le logement social ?

Daniel Leclerc, 2009

Cette fiche expose la problématique du logement social dans l’agglomération toulousaine et les changements qui s’opèrent depuis la loi SRU de 2000.

Données de cadrage

La construction de logements sociaux a accompagné le développement industriel du Nord et de l’Est de la France depuis 1850. L’agglomération toulousaine n’a pas connu ce processus croisé, elle s’inscrit plutôt dans une tradition rurale et fut marquée par un rôle de centralité administrative. Aujourd’hui, Midi-Pyrénées est la dernière région de France en termes de densité de logements sociaux qui faiblit à mesure que l’on s’éloigne de la ville centre. On constate que la répartition des logements sociaux est de plus très inégale : 80% du parc de l’aire urbaine de Toulouse est concentré sur seulement quatre communes : Toulouse, Colomiers, Blagnac et Muret. Sur un total de 50 000 logements dans l’aire urbaine, la ville centre de Toulouse en regroupe 61 % (30.700).

Densité de logements sociaux

TerritoireNombre de logements sociaux pour 1000 habitations
Moyenne France68
Midi-Pyrénées39
Aire Urbaine de Toulouse52
Toulouse79
Première couronne autour de Toulouse63
Deuxième et troisième couronne autour de Toulouse20 – 25

Un contexte marqué par une tension sur le marché du logement

La croissance démographique de l’agglomération toulousaine est la plus forte de France avec l’arrivée chaque année de 15 000 nouveaux habitants. Cette croissance démographique entraîne une explosion de la demande sociale (pour un peu moins de 10 000 demandes il y a 5 ans, on en compte 25 000 aujourd’hui) et rend très tendu l’ensemble du marché du logement local. Depuis plusieurs années, on relève en effet une forte croissance des coûts de l’immobilier et une insuffisance quantitative de l’offre en logement. Cette tension intervient au moment où s’engage une politique de renouvellement urbain dans les grands quartiers d’habitat social impliquant la démolition de 2000 logements. Pour autant, les chiffres récents de la construction de logements sociaux indiquent, pour les années à venir, un doublement de la production dont l’implantation demeure majoritairement sur le territoire du grand Toulouse.

Production et implantation des logements sociaux

TerritoireLogements livrés en 2004Prévision 2009
Toulouse450970
Grand Toulouse6201500
Aire urbaine9502250
Total20204720

Solidarité intercommunale et logement social

Plusieurs facteurs expliquent la croissance du logement social. La loi SRU du 14 décembre 2000, à travers son article 55, fixe un seuil obligatoire de 20 % de logements sociaux par commune de plus de 3.500 et le paiement de pénalité en cas de seuil inférieur. On observe également la désolvabilisation progressive des couches moyennes pour l’accès au logement privé avec une raréfaction progressive de l’offre locative privé à faible loyers et le développement exponentiel de produits locatifs défiscalisés chers. Enfin, les intercommunalités mettent en place des PLH volontaristes avec des systèmes d’aides financières (surcharge foncière) et d’incitation à la mixité à l’égard des promoteurs.

Pour autant, dans l’agglomération toulousaine, il demeure difficile de constater une augmentation de la solidarité intercommunale à l’égard des populations en difficulté. Des logiques d’évitement ou de retrait sont à l’œuvre frappent certaines catégories de populations immigrés ou d’origine immigrés (Maghreb, Afrique Noire). Les élus peuvent en effet « détourner » la destination de leur parc social au profit des couches moyennes désolvabilisées, c’est-à-dire les jeunes ménages ou les personnes âgées notamment. Le terme de « détourner » est volontairement excessif : d’une part, le parc social cible des populations très larges en, terme de revenus (80 % des ménages salariés français) et d’autre part, dans le respect de l’objectif de mixité, les bailleurs se refusent à trop spécialiser les parcs de logements sociaux avec les populations les plus démunis.

Aujourd’hui, l’enjeu est donc de veiller à assurer un équilibre dans les attributions entre les couches moyennes et les populations (salariées ou non) en grande difficulté. Cet équilibre ne peut pas se réaliser naturellement, la « mise en concurrence » des populations nécessite de mettre en œuvre des mécanismes de régulation. Cette responsabilité incombe à l’Etat au titre de la solidarité nationale mais il se défausse vers les élus locaux dans le cadre de la décentralisation1 de la politique du logement. Il est encore tôt pour mesurer l’impact de cette décentralisation, mais de toute évidence ce n’est pas la commune mais bien l’intercommunalité qui apparaît approprié pour apporter des réponses en termes de régulation.

Les atouts et les faiblesses du dispositif institutionnel : intercommunalité et département dans la mise en œuvre d’une politique de logement social

Il existe un grand décalage entre la logique économique et urbaine à l’œuvre sur l’agglomération et le « millefeuille » institutionnel français. Face à une seule logique de marché et une seule agglomération économique, se présentent 4 départements, 3 à 5 futures communautés d’agglomération et un total de 340 communes. En termes de planification, le système économique local comprend trois territoires de planification (SCOT).

Par ailleurs, la mise en œuvre de la politique de logement social bute sur un découplage préjudiciable entre politique du logement et droit des sols. En effet, si les intercommunalités et les départements sont en charge des politiques de logement, c’est les communes qui demeurent les autorités maîtrisant le droit des sols.

Mais à long terme, la mise en place d’une distance entre autorités de régulation du logement social et population sera très bénéfique. Actuellement, les maires de petites communes sont trop proches de leurs administrés pour gérer sereinement la question du logement social. En effet, il est nécessaire de surmonter les réticences de la population à l’égard du développement. Les notions de populations nouvelles, de constructions publiques ou privées, de logements sociaux, de densité sont rejetées unanimement.

Enfin, pour lever les freins au développement, il s’avère nécessaire de régler la prise en charge financière de la croissance. Avec une fiscalité propre insuffisante et dans un contexte de craintes sur la disparition des subventions de l’Etat, il est difficile de financer le développement des communes « sous perfusion » de l’Etat et du Département.

1 Cette décentralisation engage la délégation des aides à la pierre au profit des agglomérations ou des départements, c’est-à-dire la programmation du financement du logement social. Par ailleurs le contingent préfectoral est aussi délégué aux communes qui peuvent à leur tout le délégué à l’agglomération. Il s’agit d’un quota de logements dont l’attribution relevait jusqu’alors du Préfet.