Vancouver ou le foisonnement vert
2012
Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV)
A compter de 2009, le maire de Vancouver, Gregor Robertson, apporte un nouvel élan à la politique environnementale de la ville à travers l’initiative « Greenest City 2020 » : désormais les problématiques environnementales sont perçues non plus seulement comme un défi mais également comme sources d’opportunités durables.
Défi, par l’urgence des programmes de réduction d’émission de gaz à effet de serre à mettre en place. Opportunités, car le secteur de l’économie verte, à croissance rapide, est alors considéré comme moteur principal de la croissance économique, du bien-être et de la création de richesses à l’échelle locale.
La municipalité s’inscrit alors résolument dans une logique de compétition saine avec d’autres villes, et use de l’argument « vert » comme facteur d’attractivité du territoire et de rayonnement à l’échelle internationale. Avec éclat.
Para descargar: les_villes_riches_de_leur_environnement3.pdf (3,8 MiB)
Le marketing territorial vert : levier d’attractivité de la ville
Rassembler pour avancer : l’élaboration partagée d’un plan d’action intégré sur 10 ans
En février 2009, à l’initiative du maire, le programme Greenest City 2020 est lancé, outil de planification visant à accorder à la municipalité les moyens de devenir « ville la plus verte au monde » à l’échéance 2020.
Une équipe de coordination (Greenest City Action Team - GCAT), composée de 18 experts représentant différents acteurs (élus et fonctionnaires de la ville, société civile, secteur privé, universitaires), est alors chargée de définir dix sous-objectifs, avec les cibles chiffrées et mesurables et les actions correspondantes à implanter.
Puis elle élabore un plan d’action intégré (Greenest City Action Plan-GCAP) reprenant les actions à mettre en place à court terme (projets prioritaires sur 3 ans) et à moyen terme (stratégies jusqu’en 2020) via dix groupes de travail composés d’une équipe de fonctionnaires de la ville (issus de différents départements) et d’un Comité d’Experts Externes volontaires représentant différents secteurs (privé, société civile, universités).
Au total, quelques 70 fonctionnaires et 170 institutions sont impliqués dans l’élaboration du plan d’action.
Adopté en juillet 2011 par le Conseil Municipal, le CGAP se trouve aujourd’hui dans la phase d’implantation des dizaines de projets priorisés. En juillet 2012, sera publié le premier rapport annuel présentant l’avancée de la mise en œuvre et l’évolution des résultats.
Afin de mener à bien un projet d’une telle envergure, l’approbation par la communauté est primordiale. L’élaboration du plan d’action s’est donc inscrite dans un processus intense de consultation de la population. Selon la municipalité, entre 2010 et 2011, 35 000 personnes (près de 6 % de la population) ont participé aux différentes activités (conférences, plateforme internet « Talk Green to us », ateliers), et 9 500 se seraient activement engagées. Andrea Reimer, Conseillère Municipale chargée du projet, estime qu’en 2009, 50 % de la communauté soutenaient le projet et 10 % s’y opposaient fortement, quand, 3 ans plus tard, le taux d’approbation s’élève à 85 % et la réélection du Maire en décembre 2011 démontre l’adhésion générale à l’initiative.
Pour renforcer l’implication des acteurs locaux, des partenariats ont été établis entre municipalité et ONG locales, entreprises, commerçants, universités et centres de recherche, intégrant non seulement l’expertise de ces différents acteurs, mais relayant aussi l’information vers les réseaux spécifiques et favorisant ainsi l’appropriation du projet. Selon Andrea Reimer, « Les acteurs locaux sont autant propriétaires du plan que nous le sommes, et cela en fait un outil bien vivant au sein de la communauté ». Jennie Moore, chercheuse du British Columbia Institute of Technology, affirme que le programme a contribué à renforcer le dialogue social qui aurait crû de 50 % et note que les activités liées à la durabilité environnementale dans la ville par les différents acteurs auraient augmenté de 20 %.
En parallèle, le programme Greenest City 2020 a insufflé une réorganisation de l’administration en accordant une importance accrue au département environnemental (Sustainability Group), qui, depuis 2009, rend compte directement au Directeur général adjoint des services. La transversalité nécessaire à la mise en œuvre des actions prévues a mobilisé et canalisé tous les départements de la municipalité autour d’objectifs communs, et a renforcé la communication entre eux. Cependant, l’enthousiasme des fonctionnaires, né des leaderships du Maire et du Conseil Municipal, et la recherche de l’efficience dans la gestion des ressources, est à contrebalancer avec le manque d’investissement dans des ressources humaines supplémentaires, entrainant surcharge de travail importante et délaissement d’anciennes activités (notamment dans le département social).
Financer la transition
Si le programme a été financé en grande partie par les ressources existantes de la ville (budget opérationnel du département Environnement) et a bénéficié du soutien en nature des divers acteurs locaux, le processus d’engagement public et l’ample travail de communication ont représenté un coût important et nécessité un financement externe, via une subvention de 207 000 € du Gouvernement Fédéral à travers le Green Municipal Fund de la Federation of Canadian Municipalities.
Quant aux interventions proposées dans le plan d’action, elles ont vocation à être financées par les budgets opérationnels de chaque département responsable, après approbation du Conseil Municipal.
Selon Andrea Reimer, « Agir « vert », c’est penser usage efficient des ressources. » Un travail resserré avec le département financier pour garantir la faisabilité de chaque action et cette recherche de l’efficience, assure la durabilité financière du projet. L’initiative connaît déjà un retour sur investissement perceptible puisque la municipalité estime que pour la fin 2012 les investissements fléchés vers le secteur vert approcheront les 320 millions d’euros.
« L’économie verte » : moteur de croissance de Vancouver
La Stratégie de Développement Economique de la ville élaborée en 2011, accorde une place centrale à l’économie verte (3 à 6 % de croissance par an). Afin de positionner la ville comme la « Mecque de l’entrepreneuriat vert », le plan d’action se donne comme objectifs chiffrés de doubler le nombre d’emplois verts en 2020 (base 2010) et de doubler le nombre d’entreprises engagées dans un processus de verdissement de leurs activités (base 2011).
La Commission Economique de Vancouver (VEC), agence municipale chargée du développement économique de la ville, a intégré ces deux objectifs dans sa stratégie d’action interne et est responsable de la définition et du suivi de la mise en place des actions y afférant. Pour cela, des partenariats ont été établis avec des universitaires, chargés de réaliser l’état des lieux des initiatives existantes, de présenter les bonnes pratiques d’autres villes, et d’établir des recommandations sur la stratégie et les actions prioritaires à implanter jusqu’en 2020.
Des secteurs verts à fort potentiel
Selon la VEC, cinq secteurs industriels verts ont le plus grand potentiel de croissance :
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technologies propres,
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bâtiments verts,
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gestion de matériaux et recyclage,
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production locale d’aliments,
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services durables et éducation
(70 % de la croissance proviennent du secteur des technologies propres et des bâtiments verts).
Parmi les activités stratégiques de la VEC, le soutien aux entreprises du secteur des technologies propres est substantiel : non seulement la VEC encadre les entreprises locales en apportant des conseils de développement à l’international mais elle soutient aussi les entreprises internationales souhaitant s’installer à Vancouver (2 grandes entreprises s’y sont implantées en 2011 générant près de 20 millions d’euros d’emplois et investissements directs pour la ville, et entre 5 et 8 entreprises sont attendues en 2012).
D’autres actions visent à soutenir le développement d’entreprises vertes locales et à encourager l’innovation : mise en place de programmes d’incubateurs (soutien technique et financier), développement d’activités de démonstration (showcasing) offrant l’opportunité à ces entreprises d’être prioritaires sur l’approvisionnement de la ville en produits verts à travers un système de pré-achats.
Par ailleurs, deux Zones d’Entreprises Vertes (GEZ), concentrant entreprises vertes innovantes et centres de recherche réunis autour de « hubs verts » sectoriels, ont été créées par la VEC pour instaurer un climat favorable à la croissance et à l’attraction d’entreprises vertes locales et internationales ainsi que d’une main d’œuvre qualifiée. Une première GEZ se situe dans le quartier de Southeast False Creek, village Olympique des jeux de 2010, quartier modèle en matière de durabilité environnementale ; une deuxième dans le Downtown Eastside, quartier où se concentrent les problèmes urbains (pauvreté, exclusion sociale, crime, etc.). Selon James Raymond, chercheur de la VEC, « l’objectif est de faire des GEZ les lieux de travail les plus verts au monde ».
Pour une dynamique collective d’intégration verte
Des emplois verts pour tous
Suite à la mise en œuvre d’environ 40 projets prioritaires entre 2011 et 2014, les créations d’emplois verts (intégrant un critère de durabilité sociale) proviendront soit d’emplois déjà existants mais verdis, soit d’emplois créés dans de nouvelles filières. Sont prévus 10 425 emplois verts supplémentaires (contre 14 900 existants en 2010, soit 4 % du total des emplois de Vancouver) dans 7 secteurs (cf. graphique). Environ 45 % des emplois créés seront destinés aux personnes peu qualifiées rencontrant le plus de barrières à l’emploi sur le marché du travail. 15 % seront peu qualifiés ; 15 % nécessiteront un niveau d’études secondaires et 15 % d’études techniques ou d’école professionnelle.
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Dans une stratégie de développement des talents locaux, d’attraction et de rétention du capital humain, et en vue de combler les besoins en emplois verts dus au développement de l’économie verte (selon l’ONG Globe Foundation, Vancouver connaitra un déficit de 60 000 travailleurs qualifiés au cours de la prochaine décennie), la VEC a mis en place en 2009 le programme Campus City Collaborative (C3). Ce partenariat entre la Ville de Vancouver et six instituts universitaires vise à encourager la recherche sur les moyens d’atteindre les objectifs fixés par la Greenest City initiative, à former une main d’œuvre qualifiée et spécialisée, et à accroitre le dialogue entre les universités et le secteur privé pour adapter l’offre de formations à la demande.
Le verdissement incitatif des entreprises locales : l’appropriation de l’objectif par les acteurs privés
Pour promouvoir une croissance propre, la VEC met en place des actions encourageant le verdissement des activités des entreprises. Entre 10 à 15 % des entreprises locales sont activement engagées dans un processus de verdissement et s’engagent publiquement à mesurer et améliorer leur empreinte carbone et leur performance dans les domaines de l’énergie (combustible, bâtiments, déplacements), l’eau, l’usage de papier et les déchets.
La Ville prévoit que 2 700 entreprises supplémentaires soient engagées dans un processus de verdissement d’ici à 2020 et donne l’exemple en ciblant, pour cette même échéance, une neutralité carbone des activités municipales (déplacements, énergie, gestion des déchets, approvisionnement en aliments).
Le programme Corporate Climate Leader, en partenariat avec l’organisation Climate Smart, accorde aux entreprises des subventions fléchées vers des conseils techniques pour verdir leurs pratiques, et ainsi améliorer leur marketing et gagner des parts de marché. En complément, la VEC offre des audits énergétiques gratuits aux entreprises locales (calcul de consommation et identification des moyens de réduction de la consommation) et les guide dans la recherche de subventions. Tablant sur la proximité, la VEC se rapproche également des associations de commerçants et entreprises de quartier pour ancrer la dynamique dans l’environnement direct des acteurs.
La Vancouver Green Capital, marque étendard du territoire
Profitant de l’opportunité des Jeux Olympiques d’hiver de 2010 qui ont fait de Vancouver une « vitrine verte » et attiré plus de 93 M d’euros d’investissements directs, et bénéficiant du leadership du Maire Gregor Robertson, la marque Vancouver Green Capital, déposée en 2009, vise à promouvoir et positionner Vancouver comme la capitale mondiale de l’écologie, une Silicon Valley verte, un hub territorial d’excellence de recherche et innovation sur la technologie et l’économie vertes.
Pour renforcer le marketing territorial vert, la VEC prévoit de soutenir et reconnaître les entreprises vertes locales dans leurs efforts de développement (par ex. des restaurants utilisant des aliments produits localement pourraient afficher le logo Vancouver Green Capital), assister le département Tourisme de la ville dans l’élaboration de sa stratégie de communication pour amplifier le tourisme vert, mener des missions commerciales à l’étranger (notamment en Asie) pour appuyer les entreprises locales dans leur développement et attirer les entreprises étrangères.
La consécration de Vancouver comme troisième ville la plus verte au monde par The Economist en 2011, ainsi que les demandes de conseils en provenance de grandes villes étrangères, démontrent le rayonnement vert de la ville et la pleine réussite de son marketing territorial, gage de son attractivité.
La durabilité sociale… toujours en question
La croissance économique et la durabilité environnementale placées au centre du plan d’action n’interdisent pas la dimension sociale d’être considérée. Si 45 % des emplois verts créés seront destinés aux personnes rencontrant des barrières à l’emploi, de nombreuses autres actions prévoient par exemple de contribuer à l’intégration du Downtown Eastside, quartier sensible de la ville.
Des activités socio-orientées, de type production de nourriture locale (via jardins communautaires, jardins suspendus, coalitions de voisinage, etc.), permettront de créer des emplois verts nécessitant peu de qualification et de renforcer les liens sociaux à travers une plus grande convivialité intergénérationnelle et entre différentes classes sociales.
L’action de l’entreprise sociale EMBERS (Eastside Movement for Business and Economic Renewal Society) et son programme Green Renovations en place depuis septembre 2010, illustre comment des acteurs locaux ont intégré le plan d’action vert à leurs activités. Grâce à un soutien financier de la ville de 120 000 d’euros, EMBERS Green Renovations prévoit de former des travailleurs peu qualifiés du Downtown Eastside et de rénover 5 000 habitats jusqu’en 2020 en offrant des services d’intempérisation des bâtiments (efficience énergétique réduisant entre 15 et 20 % les fuites d’air).
Cependant, selon Mary Clare Zak, directrice du département des Affaires sociales de la ville, et Jennie Moore, du British Columbia Institute of Technology, il est toujours difficile de considérer pleinement la dimension sociale dans l’élaboration de programmes verts tel que s’est défini au départ le Greenest City Action Plan. A l’avenir, une exploration plus approfondie de l’axe social devrait inclure les questions d’accès au logement ou d’intégration à la ville d’autres populations vulnérables que celles du Downtown Eastside.
Des résultats prometteurs pour une ambition durable
Le Greenest City 2020 est un projet de territoire caractérisé par un important travail de planification et structuration sur le long terme autour d’un axe fédérateur de durabilité environnementale promu comme facteur de croissance économique et de création de richesses vertes.
Le volontarisme politique dans le portage de cette orientation renouvelée s’est soldé par un enthousiasme réel des fonctionnaires qui ont vu dans les leaderships du Maire et du Conseil Municipal la possibilité d’(inter)agir rapidement.
L’élaboration d’un plan d’action intégré ambitieux, chiffré et mesurable, permet d’espérer une implantation durable de la transversalité entre départements et secteurs, et de mobiliser et canaliser les intérêts des acteurs locaux autour de visées communes et appropriées, et ce, même si tous les objectifs ne pourront être atteints pour 2020.
Trois ans après le début de l’initiative et un an après l’adoption du plan d’action, de nombreuses opérations ont prolongé la détermination politique affichée, notamment l’adoption de dizaines de réformes législatives et la réorganisation de l’administration municipale.
Des impacts environnementaux (avancées observables à tous les niveaux), sociaux (emplois peu qualifiés, intégration de quartier enclavé, renforcement des associations de quartier) et économiques et financiers (création d’emplois verts, soutien aux entreprises locales et internationales, attraction d’investissements étrangers, marketing territorial vert) sont d’ores et déjà mesurables : outre l’amélioration de la qualité de vie environnementale des habitants, les dimensions économiques et sociales intégrées à la stratégie apparaissent être le fondement d’une révolution verte des pratiques du développement urbain, partagée par les acteurs locaux.
Toutefois, au regard de la complexité des problématiques et des enjeux du Greenest City 2020, plus de moyens devraient être accordés aux ressources humaines nécessaires au pilotage et au suivi des actions lancées ainsi qu’à la dimension sociale du programme, au risque, sinon, d’un essoufflement, voire d’une fragilisation, de la dynamique et du processus inclusif. Pour garantir le succès de l’initiative, la ville devra notamment investir de façon plus nuancée dans la durabilité sociale, pierre angulaire du développement d’un territoire, et le plan d’action être conçu à l’avenir comme un plan de développement durable et non plus seulement comme un plan vert.
Alors la réussite sera totale.
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Referencias
Vancouver 2020, A Bright Green Future, 2010
Greenest City Action Plan, July 2011
The Vancouver Economic Action Strategy: An Economic Development Plan for the City, 2011
Vancouver’s Green Economy, Green Economy Working Paper n° 1, VEC, July 2010
Achieving Vancouver’s Green Goals through Low-Carbon Economic Development Zones, Green Economy Working Paper n° 2, VEC, July 2010
Plateforme internet pour participation public, “Talk green to us”