Habitat « clandestin » ou habitat « populaire » ? De la classification de l’habitat majoritaire
Oujda, MAROC
Marta PAPPALARDO, 2014
Centre Sud - Situations Urbaines de Développement
Cette fiche présente l’habitat populaire marocain et sa complexité. On aurait tort d’assimiler l’habitat populaire à de l’habitat informel : la réalité est moins simpliste, dans un pays où la réussite sociale s’exprime par la propriété foncière et immobilière.
L’habitat oujdi étant très hétérogène, il n’est pas possible de l’appréhender selon une dichotomie « légal »/« illégal ». Néanmoins, des macro-catégories relatives aux processus de production peuvent être identifiées : une première distinction peut être faite entre les immeubles ou maisons construits pour le marché, par des promoteurs immobiliers formels ou informels, ou pour soi-même, à travers l’auto-construction. L’investissement immobilier représente à Oujda un placement très fructueux, car l’espace urbain est en expansion perpétuelle, et les grands projets se multiplient, en transformant ainsi des terrains vagues en des espaces d’urbanisation future très convoités.
D’autre part, la propriété foncière - avoir sa propre maison - constitue au Maroc la promotion sociale par excellence : un achat « informel » est largement préféré à une location « formelle », car il laisse une liberté plus importante dans la gestion de la construction de la maison et représente une valeur sûre pour la famille, présente et future.
L’habitat qui constitue aujourd’hui la ville ne se caractérise donc pas par son caractère illégal et irrégulier ou légal et régulier : l’histoire foncière de la ville fait que cette barrière de la légalité ou de l’illégalité n’est pas perçue par les habitants comme une division fondamentale. Tout simplement, l’habitude a été prise depuis longtemps, par certaines couches sociales modestes, de s’installer là où une offre foncière se développait, sans s’attacher à la qualité juridique de cette offre. Cet habitat, qu’on appellera « populaire », ne s’identifie donc pas en tant que typologie constructive, mais comme démarche d’ensemble, qui commence avec l’achat du terrain, qu’il soit formel ou informel, et se poursuit avec l’auto-construction progressive de la maison par leurs propriétaires et futurs habitants, agissant comme maîtres d’ouvrage, concepteurs et parfois auto-entrepreneurs. C’est un habitat qui se construit au rythme imposé par les ressources familiales et les naissances.
L’appropriation de cet espace et les modes de vie sont aussi spécifiques et pratiquement identiques entre habitat réglementaire et non réglementaire : ils se différencient par rapport aux modes d’habiter propres des villas dans les quartiers résidentiels ou des immeubles collectifs en Nouvelle Médina. La partie la plus importante de l’urbanisation d’Oujda est constituée par cet habitat populaire, formel ou informel. Il est aujourd’hui non seulement la typologie d’habitat la plus répandue, mais aussi celle à laquelle tendent les nouvelles installations périphériques.
Cet habitat populaire s’impose comme contre-modèle face à celui des autorités locales (comme par exemple les modèles d’habitat véhiculés par les professionnels du groupe Al Omrane), imposant à la ville réelle une configuration non conforme à la ville légale, telle que l’a dessinée le plan d’urbanisme ou même empêchant son application.
Cette distance entre ville réelle et ville projetée n’est pas inconnue aux autres villes marocaines ou du monde arabe en général : l’expansion spontanée de la ville dépasse les limites et les temps de la planification institutionnelle, entraînant des problèmes de fragmentation urbaine ou des coûts de « rattrapage » parfois assez élevés.
Referencias
Cette contribution est extraite du Master 2 : “La politique « sociale » au Maroc : levier du développement ou terrain de conflit ? Les quartiers « clandestins » à Oujda, Maroc”, ENSA-PLV, juin 2010
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