L’Antenne de Prévention des Expulsions Locatives (APEL)

Expérience innovante de prévention des expulsions

2003

Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC)

Cette fiche présente l’Antenne de Prévention des Expulsions Locatives (APEL) qui vise à agir en amont des jugements pour éviter aux personnes précaires d’être expulsées.

L’Antenne de Prévention des Expulsions Locatives (APEL) s’inscrit dans la logique de travail social et de prévention émanant de la Loi contre les exclusions de 1998, qui vise à maintenir dans leur logement les personnes en difficulté et de bonne foi. L’APEL est une association de la Fédération des Associations pour la Promotion et l’Insertion par le Logement (FAPIL).

Fréquemment citée en exemple de bonne pratique à reproduire (intégration dans un partenariat local et résultats encourageants), l’APEL est une expérience innovante en matière de prévention des expulsions domiciliaires locatives. Cette antenne est destinée aux ménages défavorisés touchés par une procédure d’expulsion locative. Ils sont adressés par la préfecture, les travailleurs sociaux et professionnels de la justice.

Elle propose, par une permanence au sein du tribunal, un accompagnement social et juridique à toute personne en situation d’expulsion (soit en situation contentieuse ou pré-contentieuse) qui doit faire face à la complexité des procédures. L’antenne n’a pas vocation à entrer dans le cœur des situations et à faire du traitement, elle développe plutôt un travail de prévention en amont de l’audience. Il s’agit de maintenir ou rétablir les ménages dans leurs droits et de permettre un arbitrage plus juste du rapport propriétaire/locataire. Elle permet d’entrer en contact avec le travailleur social référent des ménages et de s’assurer que chaque personne engagée sur le dossier, à commencer par l’habitant, connaisse le travail effectué par l’autre.

Missions

Un rôle d’information, de médiation et d’orientation auprès des intéressés :

Un rôle d’information et de formation auprès des travailleurs sociaux :

Méthode et dispositif : l’exemple de l’antenne de Marseille

Intervention auprès des ménages

La permanence se tient un après-midi par semaine au Tribunal d’Instance (TI) de Marseille. De manière générale, ce sont des personnes à faibles ressources, bénéficiaires du RMI et/ou de prestations familiales mais aussi des salariés en perte d’emploi et/ou en situation de surendettement qui sont reçus à l’APEL. Les personnes se présentent sur rendez-vous et sont reçues individuellement par un travailleur social, un juriste chargé des questions de médiation locative et un avocat.

Le travailleur social de l’Association Méditerranéenne Pour l’Insertion par le Logement (AMPIL) est chargé du diagnostic et du conseil social ; il fait le lien avec les référents sociaux des différents organismes (Conseil Général, Caisse d’Allocations Familiales-CAF, etc.).

Le conseiller juridique est chargé quant à lui du lien avec les bailleurs, les intermédiaires, la sous-préfecture, les huissiers, les commissariats, afin d’engager des médiations et d’aboutir à des solutions négociées (intervention du Fonds Solidarité Logement (FSL), échelonnement de la dette, plan d’apurement…).

L’avocat, choisi sur une liste de 20 avocats volontaires et formés, prend connaissance de la situation, identifie le stade de la procédure et conseille sur la posture à adopter.

L’enjeu est d’éviter que la situation ne dégénère vers une résiliation de bail et une expulsion effective. Un compte rendu des entretiens réguliers avec les travailleurs sociaux, les coordonnées de l’avocat éventuellement désigné sont ainsi transmises et un échange sur les perspectives de résorption de la situation réalisé.

Intervention auprès des travailleurs sociaux

Les travailleurs sociaux bénéficient d’un appui technique :

Initiée en 1999 par l’AMPIL en lien étroit avec la Préfecture et le CDAJ, l’APEL de Marseille a démontré toute son efficacité quant à la réaffirmation des droits des plus défavorisés (taux de comparution aux audiences plus élevé, autorisations d’expulsion plus faibles…).

Mise en perspective

La difficulté à coordonner l’action des différentes institutions ou administrations ainsi que le décalage entre la lenteur de l’intervention et l’urgence de la situation font que les ménages se retrouvent dans des situations critiques… Il est important d’effectuer les démarches de manière stratégique et ordonnée, de centraliser les informations dans un même dossier et de faire suivre ce dossier par un même intervenant.

Il ressort de l’expérience de l’APEL que les ménages sont mieux informés et donc mieux orientés puisque l’antenne, situant son action en amont de l’audience, vise à démêler avec les ménages la complexité des situations d’expulsion et de procédure.

L’antenne informe : une partie des ménages ne mesure pas l’importance de leurs obligations et de leurs responsabilités (pourquoi les charges de copropriété ? par exemple…), ignorent leurs droits (suspension du paiement du loyer pour contraindre le propriétaire à effectuer des travaux…). D’autre part, l’action menée par l’APEL permet de travailler à la fois sur la procédure et sur la dette, d’expliquer aux ménages la signification de l’acte juridique et de mobiliser les dispositifs permettant de résorber leur dette.

Le partenariat local s’est trouvé dynamisé par cette antenne, reconnue par les associations, les pouvoirs publics et les organismes locaux, l’ANPE, les ASSEDIC… qui orientent les ménages vers l’antenne. Cette action expérimentale est le point de départ pour élaborer une réflexion institutionnelle et partenariale visant à faire de la prévention de l’expulsion une priorité dans ce département. Aucune action n’avait jusqu’à lors était envisagée en amont du jugement, action engageant les acteurs institutionnels et les acteurs associatifs.

L’attention doit être portée sur la légitimité et les limites de l’action menée par l’APEL : le défi est aussi celui de rester fidèle aux principes d’accompagnement-orientation et ne pas basculer dans une logique d’aide dans la durée. Cette problématique renvoie à la question des relais et des réseaux, à la complémentarité des actions menées pour répondre aux besoins divers des populations en situation d’expulsion.