La ville de Tartu préserve l’avenir en protégeant son patrimoine

Ina Ranson, diciembre 2000

Réseau d’information et de documentation pour le développement durable et la solidarité internationale (RITIMO)

Dans la ville de Tartu, en Estonie, la mise au point de l’Agenda 21 permet de renouer avec une longue tradition de respect de la nature et du patrimoine.

Située au sud-est de l’Estonie, Tartu est, avec ses 101 300 habitants, la deuxième plus grande ville du pays. Pour cette vieille ville universitaire, la mise au point d’un processus de développement durable est un moyen de s’enraciner dans l’histoire et d’unir les habitants autour d’un projet commun.

Tartu dispose d’un patrimoine architectural et naturel intéressant, en grande partie soigneusement répertorié. La municipalité est consciente qu’il s’agit de protéger ces richesses face aux tendances d’un libéralisme économique peu respectueux de ces trésors.

L’écroulement de l’économie planifiée a conduit une grande partie de la population à la pauvreté. « Face à l’arrière-plan de l’Europe occidentale, la Ville de Tartu doit être caractérisée par un manque considérable de ressources matérielles nécessaires pour le développement de la société, face aux besoins et aux aptitudes des habitants », écrivent les auteurs de l’Agenda 21. Les mêmes constats valent pour les problèmes liés à l’état de l’environnement et à la situation de l’habitat. Et pourtant, les efforts développés à Tartu pourraient impressionner maintes municipalités dans la partie privilégiée de l’Europe.

Il est vrai qu’à Tartu la protection de la nature s’enracine dans une longue tradition qui remonte au 19e siècle et qui n’était pas oubliée pendant l’époque soviétique où, dans les années 70, la ville était connue pour ces nombreuses initiatives en ce domaine.

En 1994, Tartu fut la seule ville estonienne à signer la Charte d’Aalborg.

Pour faire avancer ses projets de développement, Tartu profite pleinement des échanges et des soutiens offerts par différents réseaux de villes, en premier lieu par celui de l’Agenda 21 de la région autour de la Mer Baltique.

Une vaste prise de conscience des enjeux

En novembre 1997, la municipalité décida de faire élaborer un document qui, tout en présentant les principes du développement durable, devait montrer, de façon méthodique, leurs applications dans la Ville de Tartu.

L’organisation générale de ce travail fut confiée à un adjoint du maire, qui devait surtout veiller à ce que soient impliquées des personnes travaillant dans tous les secteurs de l’administration, et à une responsable du Service de la planification urbaine, coordinatrice de toutes les enquêtes et travaux liés à la mise au point du document.

Un travail patient de concertation

L’étape de préparation du document a été très importante pour la lente maturation des idées et des projets. Elle permit à un grand nombre de personnes de prendre conscience des enjeux de l’avenir.

Afin de disposer d’un diagnostic aussi précis que possible de la situation présente, la municipalité s’adressa à divers consultants et elle obtint surtout le soutien actif de l’université de Tartu. Des sociologues aidaient à dresser un tableau des opinions et des attitudes de la population par rapport à leur environnement ; pour des chimistes et des physiciens la préparation du document fut l’occasion d’expérimenter de nouvelles méthodes de mesures et de recherches en laboratoire.

De nombreux groupes de travail se réunirent plus de 40 fois. Les membres venaient de l’administration, des universités, des entreprises et des associations des citoyens. Deux grands forums furent l’occasion d’élaborer des rapports synthétiques sur les travaux en cours : sur les méthodes et les moyens de la protection de l’environnement à Tartu, en décembre 1997 ; sur l’exclusion et l’injustice sociale, en mai 1999. Une journée d’information générale, en 1998, était destinée au grand public.

Les travaux furent accompagnés par des articles dans la presse locale et par diverses publications s’adressant aux différents acteurs. L’équipe de préparation de l’Agenda 21 prit grand soin d’identifier les groupes et les personnes susceptibles de faire avancer les principes du développement durable dans la pratique.

Le texte de l’Agenda 21 de Tartu, fut approuvé par le Conseil municipal en décembre 1998.

Le projet dans son ensemble reçut un premier prix de « l’Union des Cités Baltiques »

Le document informe sur la situation existante et propose des solutions ou des pistes de solutions aux problèmes. Pour tous les domaines, tels par exemple les déchets, l’eau, l’éducation et la formation au développement durable, il y a d’abord une description des problèmes, une esquisse de l’état des lieux, une présentation des objectifs à atteindre à court, à moyen et à long terme, une présentation des actions planifiées et des initiatives en cours, avec toujours l’indication des responsables et sans jamais oublier le rôle que peuvent jouer les résidents locaux. Toute présentation d’un domaine spécifique est suivie par une série d’indicateurs permettant d’évaluer le processus en cours.

Le document précise que l’objectif de la protection des écosystèmes doit primer, même avec les problèmes économiques actuels, et doit être rangée au-dessus des querelles des partis. Présentement, il est urgent de tout faire pour que la prise de conscience des problèmes et des responsabilités partagées soit générale et pour que soient introduites des technologies durables.

Tout au long des préparations du document, il y eut des contacts et parfois une coopération étroite avec les responsables de projets parallèles, notamment le projet « Tartu - ville Santé » et Tartu 2012, plan d’urbanisme qui, approuvé fin 1999, se réfère expressément à l’Agenda 21.

Enfin, les auteurs de l’Agenda 21 ne dissimulent pas qu’il s’agit parfois de lutter contre des pressions fortes qui vont dans le sens inverse. Dans le contexte de l’économie libérale, il n’est, par exemple, pas facile de faire respecter partout les espaces verts le long de la rivière d’Emajögi. L’idée est de les relier à des corridors verts traversant la ville et d’imposer une planification favorable aux liaisons douces. La défense de ces objectifs demande un engagement continuel.

Les changements en cours impliquent la population entière

La mise au point de l’Agenda 21 a inspiré de nombreux projets concrets : par exemple, la municipalité décida d’introduire, au sein de l’administration, un système de gestion environnemental. Le Conseil de l’Université de Tartu prit une résolution analogue. Et les étudiants ainsi que les enseignants de toutes les écoles furent priés d’exprimer leurs idées et de participer à la conception de documents pédagogiques (un projet sur 3 ans). Enfin, les préparations pour la construction d’une Maison d’éducation à la nature et à l’environnement ont bien avancé.

Comme dans toutes les villes participant à l’Agenda 21 de la Mer Baltique, des efforts particuliers furent déployés pour protéger les ressources en eau. La qualité de l’eau potable s’est beaucoup améliorée depuis la détection des sources de pollution (par exemples des anciens objets militaires ou industriels, mais aussi certaines entreprises existantes), la fermeture de plusieurs captages et la construction de deux stations d’épuration. Aujourd’hui, environ 80 pour cent des eaux usées sont traitées. Bientôt se seront 100 pour cent, la construction de nouvelles canalisations étant en cours. Et grâce à des campagnes d’information, la population est très sensibilisée aux problèmes du gaspillage et fait réparer les installations défectueuses.

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