Agenda 21 Local Tourisme Issu des COmmunautés de BAse (ALTICOBA21), Djibouti

Une démarche de développement durable par le tourisme responsable à l’échelle d’un territoire de mobilisation

Alain LAURENT, agosto 2004

Dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale (DPH)

Cette fiche fait l’état des lieux du tourisme à Djibouti et des problèmes que cela peut engendrer dans le développement des régions concernées. Elle présente ensuite la démarche ALTICOBA21, un agenda 21 local pour un tourisme durable, dont le but est de proposer, à partir des problèmes et des questions du terrain, des solutions suivant les principes fondamentaux du développement durable.

D’où ?…

Le tourisme conventionnel, massif, industriel ou extra-territorial (exemple : un complexe touristique) fait l’objet de critiques qui peuvent se résumer en quelques points forts :

A où ?

L’Agenda 21 Local « Tourisme » « issu des Communautés de Base » (ALTICOBA21) est une forme de réponse au tourisme irresponsable et irrespectueux qui dépasse largement ce seul secteur. C’est une démarche de développement de territoires défavorisés, peu dotés en ressources institutionnelles et/ou économiques, à partir de l’activité structurante qu’est le tourisme responsable. Elle se rattache au courant du développement durable préconisé au plan local sous la forme « d’agenda 21 local » (RIO 92, premier sommet de la planète Terre). Sous cette appellation, ALTICOBA21 est bien lisible au plan institutionnel international (ONU, UE, BM) mais difficilement compréhensible par les acteurs de terrain : pédagogie, suivi, organisation et présence de proximité sont nécessaires.

Les Agendas 21 Locaux « Tourisme » commencent tout juste dans le monde francophone (exemples au Sénégal, via une coopération décentralisée avec la région Nord Pas-de-Calais et à Sainte Anne de la Martinique). Djibouti, avec « ALTICOBA21 », est un pays pionnier depuis 2000, année de démarrage des actions.

Au plan international, ALTICOBA21 a été promu en 2002 à Johannesburg (RIO +10), auprès de la CNUCED (Lisbonne, 2004), de l’UNESCO (Paris, 2002-2004), au cours du premier forum international sur le tourisme solidaire (Marseille, FITS 2003) et auprès des coopérations françaises et italiennes.

Un séminaire d’échanges, de sensibilisation et de promotion au niveau national et régional est prévu en janvier 2005 à Djibouti (co-financement UNESCO acquis).

En 2004, les régions d’Assamo (district d’Ali-Sabieh) au Sud de la République de Djibouti et de Bankoualé-Ardo (district de Tadjoura) au Nord sont les sites de concrétisation. Assamo a déjà 3 ans de durée, Bankoualé-Ardo débute. Un ALTICOBA21 démarre au Portugal à partir de la ville et de l’association intercommunale d’Evora (Alentejo) et des perspectives existent pour le Laos et Madagascar.

Pour quoi ?

L’objectif principal d’ALTICOBA21 est le développement, si possible durable, de populations rurales ou de territoires peu favorisés. On y retrouve les objectifs bien réels de lutte contre la pauvreté relative sociale et économique, la lutte contre l’exode vers les villes, une logique « réponse aux besoins », une organisation de la « société civile » locale (producteurs, associations, coopératives) pour une plus grande capacité à amortir les aléas et les interférences extérieures, des éléments de « démocratie participative » et de gestion coopérative de projets à enjeux collectifs, une éducation au développement responsable, une gestion rationnelle (ou une restauration) des ressources rares (espèces, paysages).

Les « résultats », ou effets perceptibles et significatifs de la démarche, se situent donc autant au niveau matériel qu’immatériel. En presque trois ans, à partir de l’exemple d’Assamo/Djibouti, le tableau ci-dessous en donne un aperçu :

Sites de Djibouti, 2004
Quelques « réalisations » ALTICOBA 21 mises en perspective

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Comment ?

ALTICOBA21 est une démarche ascendante qui part des problèmes et questions exprimés par la communauté, ou ses représentants, pour aborder les causes, les solutions puis les actions à mener. Ces solutions sont classées, hiérarchisées et définies en suivant les principes fondamentaux du développement durable.

Les outils

La demande locale et la mise en perspective systémique de la demande

« Il faut surcreuser l’ensemble des puits de la zone » : puits villageois et puits d’alimentation des jardins familiaux, au sud de la localité en bordure d’oued. Cette demande a conduit à envisager une solution globale qui ne soit pas uniquement réparatrice mais préventive.

Au titre de la réparation, il a été prévu un gel de l’extension des jardins agricoles, la mesure de la consommation de chaque jardin par la création de bassins fermés et la pose de compteurs individuels, une économie de prélèvement d’eau dans la nappe par des techniques d’arrosage type goutte à goutte, un pompage moins agressif, des cultures sous ombre.

Au titre de la prévention, il a été décidé, puis réalisé techniquement en 2004, de mettre en place des retenues de surface (barrages) sur les affluents de l’oued principal pour augmenter la recharge naturelle de la nappe superficielle durant les épisodes pluvieux, variables mais périodiques.

« Il faut protéger la faune sauvage non nuisible » A partir de la faune sauvage et d’espèces symboles - usage, rareté, urgence de conservation, esthétique, potentiel touristique1…- les liens logiques entre problèmes, causes et solutions sont explicités.

Ils aboutissent à des actions intégrées concernant l’espèce en question, ses habitats, les questions foncières, les usages et la durabilité des usages des ressources et les activités alternatives et complémentaires possibles.

Ce travail est-lui même intégré dans une planification plus générale traitant, par exemple, de l’agriculture, des modes d’élevage et de commercialisation et de la production de fourrages dans le cadre d’une évolution des pratiques non durables à l’origine des problèmes constatés, principalement la surexploitation des ressources pastorales.

« Il faut protéger le village d’Ardo des crues de l’oued Ayboli » Une demande de protection d’un village menacé par des crues violentes de l’oued proche a conduit à envisager une révolution des méthodes d’élevage bovin, initialement transhumant, devenu prédateur des ultimes ressources végétales par une sédentarisation découlant de la scolarisation des enfants.

Considéré par les villageois comme une des causes de la déforestation, avec le bois de feu et le bois de construction selon la logique « moins de végétaux - moins de protection - plus de ruissellement - crues plus fréquentes et violentes », l’élevage bovin familial quitterait son statut d’indicateur de niveau social pour devenir une activité génératrice de revenus par la commercialisation de ses productions : beurre, lait, viande.

Qui, avec quoi ?

ALTICOBA21 est mis en œuvre par des associations locales (ADDLA à Assamo), des personnes ressources (Nicolas Prévot, Daher Obsieh, Houmed Ali Houmed) et un groupe d’appui international (« T2D2 », Tourismes, Territoires et Développement Durable, avec Alain Laurent, Hélène Séguéla, André Dollfus, Martine Théveniaut, Gilles Béville, Geneviève Clastres, Anne Amblès). Mais, pour que ces démarches se concrétisent, il faut deux types de financements : un financement pour assurer le suivi et l’appui organisationnel nécessaire et un autre pour la réalisation des actions/projets.

Quelles perspectives ?

ALTICOBA21 fait de la figuration intelligente à la périphérie. C’est ainsi que, probablement, la démarche est perçue. Elle ne serait pas à la hauteur des enjeux : « Il y a peut-être dans ces initiatives un problème de perception des enjeux et des solutions ? La possibilité d’un développement touristique dans les pays du Sud repose par exemple autant sur des politiques nationales de codification et d’incitation aux investissements, sur des choix d’infrastructures, sur la constitution d’une réelle capacité de promotion et de commercialisation dans ces pays pour contrebalancer l’influence des grands tours-opérateurs du Nord, sur la formation et l’accès aux technologies que sur la mobilisation des acteurs locaux avec l’aide des ONG. »

En guise de conclusion, trois commentaires :

Qui porte, en fin de compte, la parole des territoires et des sociétés dans l’intégralité de leurs composantes et donc de leur cohérence ? Où sont les labels transversaux ? Les ministères horizontaux ? Qui garantit l’intérêt général ? Qui, en fin de compte soutient les tentatives d’inscrire dans les faits les grandes conciliations du développement responsable : court terme-long terme, local-global, individuel-collectif, mono-poly, simplicité-complexité ?

1 Exemples : gazelle endémique régional beira ou palmiers de Bankoualé espèce menacée

Para ir más allá

LAURENT A (dir). 2009. Tourisme responsable : clé d’entrée du développement territorial durable: Guide pour la réflexion et l’action, Lyon : Chronique sociale.

THEVENIAUT M., LAURENT A. 2005. Une économie sociale, solidaire et territorialisée, condition du développement durable. Exemple du tourisme responsable à l’échelle d’un territoire de mobilisation à Djibouti : ALTICOBA21

ALTICOBA 21, Un projet innovant à Djibouti

LAURENT A. 2009. Le tourisme responsable, laboratoire d’une économie territoriale plus solidaire, coopérative et culturelle. LUX’09, Atelier 7, Capitalisation Clermont-Ferrand, Étape Régionale n°2, les 27 et 28 Mai 2008.

Association Adéquations. 2008. Penser et agir de façon systémique par le tourisme responsable

Site de Ecotourisme autochotone : Initiatives d’écotourisme autochtone dans le monde. Djibouti : Sud-Nord : Un itinéraire solidaire entre Issa et Afar par Alain Laurent, Nicolas Prevot - publié le 2006, mis à jour le 3 novembre 2007

Quelques informations sur Djibouti