Malléabilité du terme « Concertation »

Aperçu à partir de ses traductions en anglais

Audrey richard-Ferroudji, 2013

Institut de la Concertation et de la participation citoyenne

La concertation apparaît comme un des termes flous dans les écrits des chercheurs et dans les propositions des décideurs publics, dont la malléabilité a fait le succès. Ce terme n’a pas d’équivalent en anglais. S’il existe bien dans cette langue, venant du latin concertatio (se disputer), il est rarement utilisé de même que l’expression concerted process. Les difficultés de sa traduction reflètent sa polysémie. Ainsi, la traduction du terme concertation a pu donner lieu à un débat intense en août 2012 sur la liste de discussion de l’Institut de la Concertation1 reflétant la diversité des perspectives adoptées, des ancrages normatifs ou de communautés d’appartenance. Cette fiche recense et discute différentes traductions possibles comme autant de facettes de la concertation.

Mettre l’accent sur l’inclusion des personnes concernées : Participation, participatory process, consultation

Les anglo-saxons parlent souvent d’approches participatives à propos des démarches de concertation, en distinguant différents niveaux: implication, consultation, involvement… En particulier, le mot consultation est souvent employé dans le sens de concertation. Il apparait comme proposition à coté du terme dialogue dans plusieurs dictionnaires de traduction. Cependant, les praticiens et les chercheurs français sont pour la plupart réticents à l’emploi de ce terme, considérant qu’il correspond à une démarche limitée à un processus de recueil d’avis, sans garantie de restitution de ces avis ni de leur prise en compte. Les démarches de consultation sont par ailleurs soumises à de nombreuses critiques, en particulier d’éviter la co-construction des décisions. Pour la plupart des professionnels, la concertation vise à une convergence des projets ou des points de vue, l’ambition est donc plus grande que dans la consultation, qui engage moins les décideurs dans un processus de transformation de leur propre pensée. La définition du Petit Robert (2008), pour qui se concerter signifie « s’entendre pour agir de concert » pointe cette exigence de coordination ou de composition de la pluralité, alors que la participation met l’accent sur l’accueil de la pluralité de points de vue. Cependant, « agir de concert » peut revêtir différentes significations : décider d’un commun accord, agir en commun …

Mettre l’accent sur les modalités de cadrage des échanges : dialogue process, deliberation, deliberative process

Pour certains, le processus de dialogue entre parties prenantes où l’échange collectif différencie la concertation de la simple consultation. Dialogue rend alors le sens générique du mot concertation en tant que processus. Il se distingue de debate par la dimension collaborative plutôt qu’oppositionnelle qu’il revêt. Il met l’accent sur l’enjeu de communication. Dans la même perspective, le terme deliberation ou deliberative process est employé, souvent de manière normative. Selon les critères de bonne délibération un débat doit être public, ouvert, c’est-à-dire égalitaire ou au moins équitable dans l’accès au débat. Les interactions doivent prendre la forme d’une discussion argumentée ouverte à tous les points de vue et orientée vers la production d’un accord raisonné. Le modèle délibératif appuie une approche procédurale de la concertation à l’aune de ces critères et préside à la conception ou à l’évaluation de nombreux dispositifs. Dans le même sens, des sociologues ont parlé de forums hybrides (hybrid forum) pour qualifier les espaces de concertation. Il est à noter que ces travaux insistent sur le fait que la participation/concertation (au sens large) est un processus (une suite d’activités) et non pas un évènement ponctuel. Ainsi, le terme de process est souvent employé avec un qualificatif. L’expression concerted process peut être utilisée.

Une critique formulée vis-à-vis des perspectives qui mettent l’accent sur le processus est d’oublier l’enjeu de résolution des problèmes en question. Ainsi, pour mettre l’accent sur la concertation comme résultat, d’autres termes peuvent être mobilisés selon deux perspectives en insistant sur la finalité d’un accord entre les participants ou sur leurs engagements antagonistes pour satisfaire leurs objectifs.

Mettre l’accent sur la finalité d’un accord des participants : consensus-building process, consensus process

Dans le domaine des politiques publiques, les processus de concertation sont souvent désignés dans l’Amérique du Nord anglophone par l’expression consensus-building process. Le terme de consensus qualifie les modalités d’arrêt de la décision telle qu’elle soit acceptée par tous les participants. Le processus de concertation est considéré comme un succès s’il atteint cet objectif d’intercompréhension et d’accord mutuel. La recherche de consensus est un objectif qui fonde de nombreuses démarches de concertation et qui a représenté le soubassement de nombreux travaux en sciences sociales sur la concertation. Au point que la recherche de consensus puisse se poser comme une définition d’une politique de la concertation et comme sa traduction. Cependant, certains auteurs dénoncent l’univocité du soubassement consensuel au détriment de la critique. Pour ces auteurs, « agir de concert » ne nécessite pas forcément la construction d’un consensus préalable à l’action mais il s’agit alors d’un processus de coopération permettant de se projeter ensemble dans un processus décisionnel.

Mettre l’accent sur l’atteinte des objectifs : negotiation, collaborative problem solving, arrangement, cooperation

On retrouve également dans la littérature de langue anglaise les notions suivantes employées pour qualifier des processus de concertation :negotiation, (participatory) arrangement, collaborative problem solving, collaborative public management, collaborative planning, interorganizational collaboration, alternative dispute resolution, unregulated negotiation. Ces termes apparaissent plutôt dans les travaux de science de gestion, sociologie des organisations ou dans les sciences biophysiques. Ils sont souvent associés à un rappel de l’antagonisme des personnes impliquées ou aux inégalités en présence. Les participants sont qualifiés de stakeholder (partie-prenante) et défendent leurs intérêts. Les analyses prêtent attention à l’atteinte des objectifs portés par chacun des participants, condition d’une réussite de la concertation. Le terme arrangement peut être employé dans le sens d’une mise en ordre (comme lorsque l’on arrange un vêtement) plutôt que dans un sens de passe-droit, souvent sous-entendu par le terme français.

1 Nous remercions les personnes qui ont contribué à la discussion sur la liste de diffusion en août 2012 : Cécile Barnaud, Karim Berthomé, Jean-Michel Fourniau, Pierre-Yves Guihéneuf, Philippe Ker Rault, Chabane Mazri, Laurence Monnoyer-Smith, Françoise Pinteaux-Jones, Daniel Robichaud.

Referencias

Sources consultées : www.linguee.fr, www.larousse.fr

Para ir más allá

Article sur le site de l’Institut de la concertation