Un service d’insertion en logement individuel supervisé pour personnes présentant un handicap
Le service d’accompagnement La Vague
Pascale Thys, septiembre 2001
Cette fiche s’intéresse à La Vague (Région bruxelloise, Belgique), service d’accompagnement, d’accueil familial et de parrainage pour enfants et adultes handicapés. Elle accompagne notamment les adultes handicapés dans leurs volonté d’autonomie en les aidant à accéder à un logement individuel.
Cette fiche a été réalisée avec le concours de La Vague, à partir de l’interview de cinq personnes : 3 bénéficiaires, l’éducateur et le directeur.
Contexte et origines du projet
La Vague, créée en 1979, offre un service d’accueil familial pour enfants et adultes présentant un handicap mental, physique ou sensoriel. « A cette époque, explique le directeur du service, le placement en famille d’accueil, tant au niveau de l’origine que de la législation, est un sous-ensemble du placement en home ».
En 1984, une personne suivie dans le cadre de l’accueil familial a souhaité prendre davantage d’autonomie et s’installer en appartement avec sa future femme. Les deux personnes cumulent un handicap mental et physique, et ne savent ni lire, ni écrire, ni calculer. L’environnement institutionnel ne cache pas ses craintes par rapport au projet du couple. L’équipe de La Vague accepte la demande de l’intéressé et propose un accompagnement en logement individuel. L’accompagnement s’organise notamment en s’appuyant sur l’aide de bénévoles.
Depuis lors, ce couple vit « comme tout le monde » dans son appartement, en autonomie, moyennant l’accompagnement du service. Après cette première expérience, d’autres demandes d’autonomisation émanant de personnes handicapées ont été adressées au service jusqu’à créer un projet spécifique au sein de la même association.
Objectifs et enjeux du projet
Dans le cadre de l’accompagnement en logement individuel, l’objectif poursuivi est de permettre à une personne adulte, désireuse de quitter un lieu de vie collective ou sa famille, d’apprendre à vivre seul, ou en couple, moyennant un certain encadrement.
Pour l’éducateur du service, les objectifs principaux sont l’autonomisation et la qualité de vie. « Parfois, explique le directeur, la recherche de l’épanouissement de la personne peut amener à faire un chemin inverse et d’opérer un retour vers un lieu de vie collective. C’est le cas d’un monsieur qui, après avoir été accompagné par le service pour vivre seul en appartement et avoir plus d’autonomie, s’est rendu compte qu’il n’était pas heureux en vivant seul et donc voulait retourner dans un milieu de vie collective. »
Population concernée et groupes cibles
Le projet s’adresse à toute personne adulte présentant un handicap mental, physique ou sensoriel, et qui a le souhait ou est en démarche d’autonomisation.
La Vague ne travaille pas avec les personnes souffrant de problèmes d’alcoolisme, de toxicomanie ou de santé mentale.
En 2000, la moyenne d’âge des 22 personnes accompagnées par le service est de 41 ans dont 10 personnes âgées de 45 à 59 ans et 1 située dans la tranche d’âge de 18 à 24 ans. Il y a autant d’hommes que de femmes. Au niveau du type d’occupation, 14 personnes travaillent en Entreprise de Travail Adapté (ETA), 5 sont sans occupation définie, 2 font du bénévolat et 1 personne travaille en milieu ordinaire. En ce qui concerne la résidence, 9 habitent la commune, 10 les communes adjacentes et 3 dans d’autres communes de la Région bruxelloise.
La durée d’accompagnement (en date de l’agrément obtenu en 1997) est de deux ans pour la majorité des personnes, 4 sont accompagnées depuis moins d’un an. La majorité des personnes (20) bénéficie d’une allocation de handicapé, et 9 personnes font l’objet d’une mesure juridique de protection des biens.
Montage financier
Le service est agréé et subventionné par la CoCoF (Commission communautaire française) en tant que Service d’accompagnement et d’accueil familial.
Le projet est également soutenu par la Région Bruxelloise qui, dans le cadre de l’insertion par le logement de population fragilisées, octroie un subside annuel correspondant à un mi-temps.
Le service est dans l’obligation légale de demander à la personne accompagnée une participation financière aux frais du service (de 50 FB à 200 FB par mois au 01.07.2000).
Partenaires du projet
Les partenaires privilégiés sont les autres services d’accompagnement de la Région bruxelloise. Le service collabore avec une série d’autres services dont les services d’aide familiale ou les services ALE (Agences Locales pour l’Emploi).
Déroulement du projet
L’équipe est pluridisciplinaire : assistant social, éducateur, psychologue et psychiatre. Elle mise sur un travail sur le long terme, qui s’inscrit dans la relation avec la personne. Parmi les membres de l’équipe, la personne a un référent de façon à assurer une certaine continuité dans le suivi.
L’équipe procède d’abord à une analyse de la demande du candidat et de son entourage. Une convention de collaboration est ensuite élaborée en fonction du projet individuel reprenant les besoins, les objectifs, les modalités et la durée de l’accompagnement.
Parmi les différentes activités et services menés par La Vague, il y a la réalisation d’un plan budgétaire très détaillé, l’aide à l’aménagement et la sécurisation d’un logement pour augmenter la qualité de vie. « Avec mon handicap, explique une femme qui est soutenue par La Vague depuis environ 17 ans, je ne sais pas remplacer une ampoule ou remettre un joint à un robinet. La Vague vient m’aider pour ça aussi. Ils jouent aussi un rôle centralisateur entre différents services ».
Le service accompagne la personne dans la formulation de son projet personnel et dans sa réalisation. Les travailleurs se penchent avec les personnes sur le processus, la manière de réaliser le projet personnel. Le plus souvent, le projet se construit et évolue tout au long de l’accompagnement.
Perception du projet par les acteurs
Résultats quantitatifs
En 2000, au niveau de l’accompagnement en logement individuel, 22 personnes ont été suivies dont 2 ont été nouvellement admises et 2 sont sorties. On peut observer le faible taux de rotation des personnes prises en charge qui est dû à la longueur du suivi. Une des sorties s’explique par un déménagement hors de la zone d’intervention du service.
Résultats qualitatifs
« La Vague, explique une bénéficiaire, c’est une pièce de mon puzzle. Depuis que je suis accompagnée ici, ça va mieux financièrement». Pour une autre bénéficiaire, éducatrice de formation, en chaise roulante, bénévole depuis 22 ans à l’Arche et soutenue par La Vague depuis environ 9 ans, « au moment où j’ai pris mon autonomie, mon indépendance, certaines difficultés financières sont apparues, à cause d’une diminution de mes allocations de 7000FB par mois et à cause de l’importance du budget médical. Avec La Vague, j’ai appris à gérer mon budget mais j’ai aussi fait valoir mes droits à des allocations majorées à cause de l’importance de mon invalidité. »
Dans le parcours du combattant qu’est l’accès aux droits et aux législations sociales, le projet en facilite l’accès et soutient les personnes dans leurs démarches.
Efficacité du projet
Aux dires des bénéficiaires présents lors de la rencontre, le service opère un travail efficace en termes d’autonomisation des personnes handicapées, en les accompagnant et en répondant aux demandes. L’endroit est présenté comme un lieu d’interactions mais aussi de ressources pour les personnes qui sollicitent son intervention.
La participation
Une bénéficiaire insiste sur le fait que « les choses ne sont pas imposées par les travailleurs, il s’agit plus d’une collaboration par rapport à des besoins. Le travail part de la demande de la personne. Il n’y a pas de contrat déterminé, il s’agit d’une collaboration à plein temps, dans les deux sens ». Les personnes rencontrées disent qu’elles se sentent partie prenante et qu’elles peuvent apporter quelque chose au projet et aux travailleurs. Elles se sentent d’égal à égal avec les travailleurs.
Une bénéficiaire explique « que l’on peut venir avec n’importe quel projet quel qu’il soit, il y a toujours un accueil des projets. C’est aussi une aide par rapport à de la peinture, des petits travaux de réparation ou les grosses courses ». « Pour moi, explique une bénéficiaire, La Vague est un lieu où il y a des interactions, c’est chaleureux, et convivial. »
En terme de participation collective, il y en a eu peu dans l’histoire du service. Une exception, en 1996, dans le cadre d’une demande de subsidiation. Les travailleurs ainsi que les bénéficiaires et leurs familles se sont mobilisés pour faire une pétition de soutien au projet et ils ont « assailli » le Cabinet compétent par des envois individuels, ce qui a fortement favorisé l’agrément en 1997.
Avancées au niveau du droit
En juillet 2000, il y a eu une refonte de l’agrément et des subventions accordées aux services d’accompagnement. La Vague a obtenu son agrément pour 5 ans fin juin 2000. « La CoCoF et la Région Bruxelloise ont opéré une évolution favorable », estime le directeur. « Avec cette évolution, le type de service offert s’inscrit clairement dans le travail en « milieu ouvert » et les démarches pour accéder aux services ont été simplifiées. En Wallonie, il faut d’abord une inscription à l’[a(https://www.aviq.be/handicap/) AWIPH] (Agence Wallonne pour l’intégration des Personnes Handicapées) et une reconnaissance délivrée par l’Agence pour avoir accès aux services d’accompagnement. » A Bruxelles, cette démarche est souhaitable mais non obligatoire.
Avec le nouvel agrément, les deux activités (accueil familial et accompagnement individuel) ont été globalisées alors que précédemment elles étaient distinctes. La mission d’accompagnement en logement individuel d’adulte s’inscrit dans la Mission n°3 décrite à l’article 45, 1°, 2°, 3° et 4° du décret de la Commission communautaire française du 4 mars 1999 relatif à l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées1.
Le projet comme processus
Pour les bénéficiaires, il est clair que le projet est vécu comme un processus. En terme d’autonomisation au niveau du logement, ils sont passés d’un logement en famille ou du home à la famille d’accueil (qui comporte déjà un certain degré d’autonomie) pour arriver aujourd’hui à une vie dans un logement individuel.
De plus, les travailleurs veillent à donner les moyens aux gens de faire eux-mêmes, tout en étant disponibles pour effectuer les démarches avec eux et veiller à ce que les personnes soient actrices dans les démarches menées.
Difficultés rencontrées, blocages et handicaps
Pour les bénéficiaires :
Pour les trois bénéficiaires rencontrés, une difficulté majeure pointée est l’accessibilité, pour les moins valides, d’un point de vue matériel, aux administrations. Ils soulèvent également la difficulté de communiquer avec l’administration. L’une d’elles explique : « Si l’on veut faire valoir ses droits, il faut montrer sa détermination. Et c’est pareil lorsque vous devez aller au CPAS ». En outre se mettre en ordre administrativement nécessite d’effectuer des déplacements importants.
« Avec tous les aller-retour que l’on doit faire, c’est presque un plein temps qu’il faut pour mettre en ordre ses papiers… », s’exclame une participante à la réunion. « Je trouve, exprime l’autre, qu’il manque de documents qui présentent clairement tous les documents nécessaires pour se mettre en ordre. »
Pour le service :
Pour les membres du service, il y a un manque de moyens pour que l’intervention sociale puisse être complétée par une intervention matérielle en ce qui concerne l’aménagement du logement et sa sécurisation. « Mais, c’est aussi intéressant que ce soit fait par un service général, de façon à ne pas fonctionner en vase clos », explique une bénéficiaire. Et le directeur de répondre que La Vague exploite déjà d’autres pistes tel que les ALE, le réseau d’aides familiales, des ouvriers,… mais que l’intervention matérielle reste un point sur lequel l’équipe aimerait travailler pour offrir un meilleur service.
Pour le directeur, « une autre difficulté réside au niveau de la recherche de logement. Il y a un déficit de confiance des propriétaires à l’égard des handicapés et une certaine discrimination. »
Par ailleurs, La Vague est souvent en butte avec la complexité des différentes législations concomitantes. Le service doit jongler avec des dispositions légales émanant des différentes régions et communautés.
Enfin, dans le cadre de l’accompagnement des personnes, le directeur pointe la réticence de certaines structures de vie collective qui se méfient des personnes qui ont voulu s’essayer à l’autonomie et au logement individuel. Selon le directeur, « certaines structures craignent qu’une fois que la personne a goûté à l’autonomie, elle ne puisse plus intégrer une vie collective. Mais, continue-t-il, comme tout un chacun, la personne handicapée peut vivre des expériences qui l’amène à reconsidérer ses choix. »
Atouts du projet et causes de réussite
Lors de la rencontre des bénéficiaires et des travailleurs, on a été frappé par l’ambiance familiale et la chaleur de la relation entre travailleurs et bénéficiaires. Pour une bénéficiaire, « à La Vague, ils sont chaleureux et ils viennent m’aider à domicile. » Mais il s’agit aussi d’un service qui est organisé avec un système de référents et un travail, dès l’entrée de la personne, sur ses objectifs et les moyens à sa disposition (signature d’une « Convention d’accompagnement pour adulte »).
Perspectives de développements futurs du projet
Sans que le projet ne soit préparé ou formalisé, le directeur aimerait pouvoir mettre à la disposition des bénéficiaires du service des appartements qu’ils puissent louer hors des contraintes d’un bail classique (3-6-9) qui ne convient pas bien quand on veut tenter l’expérience de l’autonomie. Dans ce cadre, une collaboration est envisagée avec une AIS (agence immobilière sociale).