Implication citoyenne et responsabilité sociale

Le projet SocialXChange dans l’arrondissement 6 de Bucarest (Roumanie)

Pierre Bauby, Mihaela Similie, 2016

La société roumaine connaît l’un des niveaux d’inégalité et de pauvreté parmi les plus élevés de l’Union européenne. En 2014, selon les données publiées par Eurostat, environ 40% de la population du pays était exposée au risque de pauvreté et d’exclusion sociale et un tiers de la population se trouvait dans une situation de privation matérielle sévère. La précarité est plus importante dans le milieu rural, où les analyses statistiques nationales montrent que plus de deux-tiers des familles n’ont pas de revenus suffisants pour faire face aux besoins quotidiens. Selon les données du Ministère des fonds européens, plus de la moitié des enfants roumains se trouvent en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Les informations centralisées par le Ministère du travail montrent que trois quarts des personnes à faibles revenus se trouvent dans cette situation depuis au moins trois ans.

La région de Bucarest-Ilfov, constituée du département Ilfov et de la capitale du pays – Bucarest –, se situe en dessous de la moyenne nationale en ce qui concerne les niveaux de pauvreté et d’exclusion sociale, qui concernent environ un tiers de la population, niveau assez élevé dans une région dont le PIB/habitant se situe à plus de 110% de la moyenne UE. La capitale est composée de six arrondissements, chacun administré par un conseil local et un maire.

Le système national d’assistance sociale s’est construit notamment après la chute du régime communiste. Pour l’essentiel, il est basé sur des allocations monétaires et en moindre mesure sur des services en nature. Cependant, les ressources des services sociaux sont assez limitées.

Par ailleurs, des quantités importantes de produits essentiels sont jetées, alors que de nombreuses personnes en auraient besoin. Certaines autorités publiques ou acteurs sociaux ont commencé à prendre des initiatives pour orienter une partie de ces ressources au service des besoins sociaux des personnes en situation de précarité. Ainsi, pour venir en aide aux personnes en difficulté, la Direction générale de l’assistance sociale de l’arrondissement 6 de la capitale du pays, Bucarest, a lancé en 2015, dans le cadre de l’exercice de son autonomie locale d’agir dans le domaine social au-delà de ce que la loi impose comme action publique, le programme « SocialXChange » visant à stimuler l’implication et la responsabilité sociale des habitants par la mise en place d’un « magasin social/caritatif » permettant un échange de biens et de services.

D’une part, le magasin collecte de la part des habitants et d’autres personnes des objets de première nécessité : produits alimentaires et d’hygiène, vêtements, produits pour les enfants, articles de sport, etc. En échange de leurs dons, les donateurs obtiennent l’accès à une série de services et/ou biens : activités sportives, cours de langues étrangères, services à domicile, vêtements, etc.

D’autre part, les personnes inscrites dans les registres de la Direction générale d’assistance sociale de l’arrondissement 6 de la ville, peuvent assurer le nettoyage, le repassage, le rangement des marchandises dans les magasins, le jardinage dans les espaces publics, etc. Ils travaillent ainsi dans l’intérêt de la communauté de l’arrondissement 6 de la ville et peuvent choisir - contre les points obtenus sur la base de leur travail - des produits alimentaires, d’hygiène et sanitaires et d’autres produits nécessaires à la vie de leur famille (produits alimentaires, jouets, cartables, vêtements, etc.). Cela concerne environ 20 personnes chaque mois.

Le programme vise à augmenter la cohésion sociale, à lutter contre la marginalisation sociale en favorisant l’inclusion des personnes en difficulté. Le système est fondé sur la charité et sur l’accumulation des points de travail qui sont échangés contre des produits ou services. Il intervient en complément des services sociaux classiques pour stimuler la participation active de la communauté et des personnes en difficulté.

Les bénéfices du projet sont reconnus y compris au niveau européen. Il a été sélectionné dans le cadre des meilleures pratiques du Prix européen pour le secteur public / European Public Sector Award 2015 sur la base de huit critères ¹: innovation; implication des parties prenantes; pertinence de l’action; résultats obtenus; durabilité; transposition et capacité d’apprentissage; inclusion sociale; effets sur la viabilité financières la croissance économique.

Il n’en demeure pas moins que le travail effectué dans ce cadre n’offre pas aux personnes en difficulté tous les bénéfices qu’un contrat de travail, même de durée déterminée et à temps partiel, apporte à long terme aux personnes concernées. Mais il est de nature à couvrir des nécessités que le système d’assistance sociale ne peut pas assurer par le système d’allocations. C’est également un programme qui pour l’instant touche un nombre assez restreint de personnes en situation de précarité et qui aurait besoin d’une certaine durabilité pour démontrer ses bénéfices.

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