Fiche de lecture : Quelques enseignements du rapport de l’OCDE « Regards sur l’éducation 2022 »
Pierre Calame, 2022
Ce rapport extrêmement détaillé permet de comparer les systèmes éducatifs dans les différents pays de l’OCDE. Je ne retiendrai ici que ce qui concerne l’enseignement primaire et secondaire.
Les auteurs reconnaissent une limite à leur travail, résultant de l’absence de données sur la scolarisation non conventionnelle. Il note que le confinement du Covid a fait naître des modèles novateurs d’enseignement à distance montrant l’enjeu d’acquisition par les enseignants de ces méthodes. Enfin, comme la Cour des comptes, l’OCDE souligne qu’il faut descendre au niveau de l’établissement pour être en mesure de comprendre la performance d’un système.
Le Covid a accéléré la mutation vers le numérique et l’hybride et l’on a pu constater que les plateformes numériques facilitent l’accès à l’éducation et réduisent les inégalités, notamment dans la formation des enseignants. L’aide aux enseignants doit porter sur les méthodes et la pédagogie structurée bien plus que sur les enseignements disciplinaires.
Ils notent également l’importance de ce qu’ils appelle les micro qualifications sanctionnées par des attestations non académiques de compétence.
To download : ocde_eag2022-resume-fr.pdf (2 MiB)
Le rôle de l’éducation préscolaire
L’enjeu essentiel n’est pas la scolarisation à plein temps à partir de trois ans, mais l’offre de services favorisant le développement cognitif, affectif et social des petits, avant même un an mais dans le cadre de classes de petite taille et avec des personnels qualifiés, le temps journalier consacré à ces activités éducatives pouvant être de l’ordre de 2 h par jour, jusqu’à 4 h par jour s’il inclut des jeux libres et des exercices d’exploration de son environnement. On n’aura du personnel très qualifié que s’il y a reconnaissance financière et sociale. Or, dans la plupart des pays, les enseignants du préscolaire gagnent beaucoup moins que les enseignants du supérieur. Est également décisif à ce très jeune âge, le taux d’encadrement, or, il est très variable d’un pays à l’autre : inférieur à dix élèves par classe en Allemagne ou Finlande, supérieur à 20 élèves en France, où l’on a de surcroît beaucoup recours à des auxiliaires d’éducation. On note aussi que dans tous les pays performants, l’essentiel du financement dans le préscolaire est local ou régional.
Comparaison des efforts financiers consentis en faveur de l’éducation de 6 à 15 ans
Le rapport analyse les dépenses unitaires totales par élève cumulé entre six et quinze ans. Évaluation d’autant plus intéressante que tous les chiffres du rapport sont établis en dollar à parité de pouvoir d’achat (PPA) ce qui corrige les effets de niveaux de prix. En moyenne de l’OCDE, cet investissement sur les enfants de 6 à 15 ans représente 105 000 USD. Les dépenses par élève sont comparables dans le public et dans le privé. Simplement, dans l’enseignement privé, une part est prise en charge par les parents, de sorte que rapporté en moyenne annuelle, un enfant représente des dépenses publiques de 10 300 € dans l’enseignement public et 6 500 dans l’enseignement privé.
La comparaison entre la France et la Finlande
Dans la suite de cette synthèse, je me concentre sur la comparaison entre la France et la Finlande, dont les dépenses par élève entre six et quinze ans sont extrêmement comparables. Une première grande différence vient de la hiérarchie des dépenses entre les différents cycles.
Si, en pourcentage du produit intérieur brut, Finlande et France se situent exactement au même niveau d’effort avec 3,7 % du PIB, dans les deux cas, la répartition entre les niveaux de formation est très différente. En France, un enfant du primaire représente un investissement 9 000 € par an et en Finlande 10 600. Au premier cycle ces chiffres deviennent respectivement 11 800 et 16 800 et au second cycle 15 000 et 8900. Pour la moyenne du secondaire, la Finlande se situe donc à 11 900 et la France à 13 500.
On voit tout l’enjeu d’un débat territorialisé sur les secteurs de l’enseignement sur lesquels faire porter l’effort, en particulier parce que c’est dans le second cycle du secondaire qu’il devient possible en France de réduire les coûts d’investissement par élève en utilisant plus extensivement les outils numériques ce qui permettrait de réinvestir cet d’argent dans le pré-primaire et le primaire.
Une seconde différence essentielle tient au rôle respectif des gouvernements central, régional et local
Au niveau de la moyenne de l’OCDE, 57 % du financement de l’école vient du niveau central, mais une part significative est redistribuée entre les niveaux régionaux, de sorte que l’action directe du niveau central ne représente en moyenne que 44 % du total des financements. Le rapport de l’OCDE souligne à plusieurs reprises les avantages d’un système décentralisé qui permet d’accélérer la prise de décision et renforce la corrélation entre autonomie et responsabilisation des établissements et amélioration des résultats scolaires.
Or, dans ce domaine, France et Finlande se situent aux antipodes. Quand on regarde le financement initial avant transfert, l’État central représente en France 73 %, la région 16 % et le niveau local 11 % des parts régionales et locales recouvrant la prise en charge des établissements scolaires. Au contraire, en Finlande, le financement initial central est de 32 % et le financement local de 68 %. En Suisse, pays confédéral, le financement initial par l’Etat est seulement de 3 %, la part cantonale est de 61 %, et la part locale de 36 %.
Après transferts de l’État aux collectivités territoriales, le paysage se trouve radicalement modifié. En France, l’État ne transfère rien de ses financements au niveau régional et local, de sorte qu’on retrouve dans le financement final exactement la même répartition que dans le financement initial. Au contraire, en Finlande, après transfert, le financement central ne représente plus que 8 % et le financement local 92 %. En Suisse, après transfert, le financement fédéral représente 0 %, le financement cantonal 60 et le financement local 40. C’est là la différence majeure que la Cour des comptes évoque, mais dont elle ne tire pas les conséquences. En France, l’Etat ne transfère rien et garde la totalité de l’exercice du pouvoir sur le système éducatif.
Différences dans les profils de rémunération
Les rémunérations présentent également des différences sensibles, essentiellement parce que les profils de carrière sont très différents d’un pays à l’autre. La Finlande finance mieux les débutants. La France créer des profils de carrière, notamment avec la rémunération très forte des professeurs agrégés concentrés dans le deuxième cycle du secondaire.
Des différences significatives dans la répartition des dépenses
Regardons maintenant comment ce budget de l’éducation se répartit entre les différents postes de dépenses au plan global. De nouveau, les deux pays se ressemblent : 90 % des dépenses va au fonctionnement. La différence devient majeure lorsque l’on décompose les coûts de fonctionnement en personnels enseignants, personnels non enseignants, c’est à dire encadrement, services d’appui, services administratifs et autres dépenses de fonctionnement. Le personnel enseignant représente 59 % des dépenses en France et le personnel non enseignant 21 %, soit pratiquement 40 % des dépenses de personnel enseignant. Les autres dépenses de fonctionnement étant de 19 %. En Finlande, le personnel enseignant représente 50 % et le personnel non enseignant 12 %, soit un ratio de 24 % au lieu de 40. Par contre, 38 % des dépenses de fonctionnement vont à d’autres dépenses et il serait important d’analyser plus en détail lesquels, probablement à travers la prise en charge des jeunes en dehors des heures proprement scolaires. Au niveau de l’OCDE, seuls les Etats-Unis représentent un ratio personnel non enseignant sur personnel enseignant plus élevé qu’en France. Ces chiffres demanderaient certainement un approfondissement. La Finlande se signale par les montants très comparables des rémunérations aux différents cycles 45 000 en pré-primaire, 49 000 en primaire, 51 000 en premier cycle du secondaire et 53 000 au deuxième cycle du secondaire. Quand on compare avec les différents pays de l’OCDE, la France se caractérise par un niveau de départ assez bas en salaires, mais un niveau haut en fin de carrière, de nouveau à cause de l’effet notamment des professeurs agrégés.
Comparaison des temps de travail scolaire dans les deux pays.
La France se signale par un nombre de jours de travail sensiblement plus faible que la moyenne. France 162 jours, Finlande 193, Suisse 188 et pourtant un nombre d’heures dans l’année sensiblement supérieur : 900 heures en primaire, 720 au premier cycle du secondaire, 720 h au second cycle du secondaire. Au contraire, en Finlande, 680 en primaire, 595 en premier cycle du secondaire et 567 en second cycle. C’est là un des contrastes majeurs : les heures de cours rapportées au nombre de jours de travail représentent en France, dans le primaire, 5,5 heures de cours par jour et en Finlande seulement 3,5.