Témoignage d’une professeure d’anglais
Françoise Astier, enero 2023
Françoise Astier a enseigné l’anglais de 1968 à 1998. L’essentiel de sa carrière, trente ans, s’est déroulé dans un lycée de Toulon. Très attentive à ses élèves et très populaire auprès d’eux, elle n’a cessé de se bagarrer avec l’administration pour qu’on cesse de faire seulement semblant d’enseigner l’anglais.
Son témoignage sur le fonctionnement d’un lycée français, caractérisé par l’ampleur des cloisonnements, entre disciplines, entre enseignants, entre enseignants et administration, entre l’Education nationale et les parents, entre discours et réalité est particulièrement vivant et acéré. Il illustre le chemin immense à parcourir pour créer les conditions de véritables communautés éducatives.
J’ai enseigné l’anglais 2 ans à Paris puis 30 ans à Toulon, d’abord dans un lycée technique commercial puis dans un lycée général quand tout a été regroupé en une seule entité. J’ai enseigné jusqu’en 1998.
En fait, quand dans la vie courante on me demande ce que je faisais comme métier, je réponds « j’ai essayé d’enseigner l’anglais pendant 30 ans mais c’est une affaire quasi impossible », et que si on regroupait des têtes pensantes pour leur demander « comment faire semblant d’enseigner l’anglais, mais que le résultat soit nuls » : ils décriraient exactement ce que l’on fait actuellement !
Mon plus grand mérite n’est pas venu de l’enseignement de l’anglais à proprement parler mais de mes relations avec les élèves.
Je ne suis pas sûre que l’aspect « territoire » change quoi que ce soit aux problèmes que connaît l’enseignement en France, ce qui fait la différence, ce sont les publics qui fréquentent les établissements et la capacité à les intéresser à ce qu’on veut leur faire ingurgiter.
Ce qu’il faudrait faire pour améliorer, tout le monde dans les inspections académiques, rectorats, ministère, forcément (encore que parfois il m’arrive d’en douter tellement ce qui se pense dans des bureaux semble être sans appel et loin des réalités vécues) le sait : toutes sortes de propositions sont en permanence faites par les enseignants, mais jamais suivies d’effet !
Les enseignants
En trente année dans des établissements divers, on peut dire que je n’ai pas connu de tire-aux-flancs (deux), pas connu d’absentéisme (deux), et pas connu de professeurs chahutés (un ou deux, mais en trente ans, c’est peu, dont une pauvre jeune femme qui était sourde … ). Tout le monde enseigne avec plus ou moins de bonheur, mais tout le monde est consciencieux.
Mes relations avec les élèves
Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas la seule. Nombre de collègues cherchent à établir des relations de confiance, à comprendre les jeunes qui leur sont confiés, et c’est un gage de réussite pour la société. Ce que je raconte, c’est comment moi-même j’ai établi et vécu ces relations. Je n’ai pas « campé » sur un sacro-saint programme. Je me suis toujours efforcée de me mettre à leur place, de chercher à les comprendre … Il m’arrive encore de rencontrer d’anciens élèves – ils ont les cheveux blancs – ils me disent qu’ils se souviennent de ces relations : que je connaissais tous les noms, que je n’ai jamais méprisé personne, que j’ai essayé de leur faire aimer le lycée, leur classe et même … l’anglais … et de les faire progresser par tous les moyens possibles en donnant largement de mon temps. J’ai organisé des sorties, des visites, des séjours en Angleterre, des petites fêtes pour Noël dans les classes1. Dans le premier établissement où j’ai enseigné à Toulon, nous organisions chaque semaine des parties de volley à l’heure du déjeuner - profs, élèves, personnel d’entretien, secrétaires - et soit dit en passant, les enseignants qui connaissent souvent le mieux les élèves sont les professeurs d’éducation physique ! J’ai connu une période bénie, je crois sous le ministère de Jospin, où il avait été proposé que pour 10% de leur temps d’enseignement, les enseignants fassent ce qu’il voulaient avec leurs élèves !!! Je crois que je l’ai finalement toujours largement mis en pratique pendant toute ma carrière.
Les enseignants encore : l’individualisme
Dans mon lycée Bonaparte à Toulon, (heureusement, j’entends dire par des collègues que ce peut être beaucoup mieux ailleurs …), celui dans lequel j’ai enseigné jusqu’au bout (150 enseignants) j’étais consternée de constater que les professeurs ne se connaissaient pas entre eux et ne cherchaient certainement pas à se connaître ! Il est arrivé fréquemment qu’en période de Noël, donc du premier conseil de classe, des collègues viennent vers moi : »toi, Françoise, qui connais tout le monde, peux-tu me montrer qui est Mme/Mr untel, j’ai une classe en commun avec elle/lui« . A deux ou trois, nous avons tenté de faire un ‘trombinoscope’, ça n’a pas marché, les collègues ne nous donnaient pas leur photo … et un jour, le proviseur m’a convoquée : « je ne crois pas que ce soit très légal ce que vous faites ». A tomber à la renverse : chaque début d’année, tous les profs demandent à leurs élèves une photo, et ça,c’est légal ! Le système français permet cet individualisme : on vient, on assure son cours, on s’en va… Mais pour avoir expérimenté le système britannique, ce n’est pas forcément mieux : on est tenu de rester toute une journée, mais la perte de temps est considérable !
La responsabilité des enseignants - les profs ne se posent pas la question de la finalité de ce qu’ils font au lycée
J’ai souvent discuté avec des collègues, pour la grande majorité ils ne se sentent pas une responsabilité disons, « envers la société » ie. quelle est la finalité de rassembler tous ces jeunes dans des établissements scolaires, chacun enseigne sa matière, un élève est bon dans cette matière, ou il ne l’est pas, un point c’est tout !
Il n’y a pas de temps pour considérer chaque élève comme un ‘tout’ et c’est bien malheureux …
J’ai expérimenté des choses magnifiques en emmenant chaque année des classes marcher toute une journée dans la colline qui domine Toulon de 500 mètres : sac à dos emprunté, ou besace, les jeunes ont découvert ces collines qu’ils ne connaissaient que de loin ; parties de ballon prisonnier sur un grand replat, jubilant quand ils touchaient un des profs accompagnateurs … mais surtout, dans des sentiers un peu escarpés, la gloire que se sont acquise les élèves ‘les plus nuls’ en tendant une main secourable aux forts/fortes en math au pied assez mal assuré … ( je schématise un peu bien sûr) mais les jeunes se sont ‘révélés’ aux yeux de leurs camarades, et la classe n’a plus jamais été la même.
Car on ‘force’ nos élèves à être relativement amorphes, passifs : assis presque huit heures par jour ; toute contestation interdite…
J’avais fait des séjours dans un lycée allemand en 1957, 1958 : les élèves n’hésitaient pas à sortir leur sandwich et à se sustenter pendant un cours, à manifester leur accord ou leur désaccord, il y avait de la ‘vie’ ; peut-être les classes étaient-elles moins chargées que les nôtres … et assurément les groupes plus homogènes.
J’aurais dans ce domaine pas mal d’anecdotes à raconter, par exemple aussi : des visages inquiets au cours de 8 heures … que leur arrive-t-il ? Ils vont avoir contrôle de « sciences nat » et n’ont rien compris au cours ; le professeur n’a pas voulu ré-expliquer. J’ai supputé que rien ne ‘marcherait’ pour l’anglais ce matin là et voilà comment, rassemblant mes souvenirs, je me suis retrouvée à les aider à comprendre le cours de génétique : je peux dire qu’ils m’ont été reconnaissants et que sans l’avoir cherché, je les ai épatés, car pour eux aussi, un prof c’est une chose qui dispense sa matière ; qui penserait qu’un prof d’anglais s’y connaît en maths et en sciences nat !!
Chaque fin d’année, quand on se retrouve avec six ou sept élèves, je leur proposais d’aller faire le cours au soleil à la terrasse du café d’à côté ! Sensation ! C’était formidable : changer de cadre, quel bon travail on fait ! Comme me l’avait dit une élève de Bts : « si j’avais pu imaginer qu’un jour j’aurais un si bon cours à une terrasse de café ?!! ».
Les parents
Les parents connaissent mal, pour ne pas dire pas du tout, l’intérieur du lycée et son fonctionnement. Ils viennent la peur au ventre rencontrer les enseignants, matière après matière, pour écouter leur verdict sur leur enfant ; ils sont ‘convoqués’ en cas d’infraction grave… J’avais voulu une année organiser un goûter tardif (18 heures) réunissant pour une classe, les élèves et leurs parents. Cela avait paru tellement farfelu à la direction du lycée que j’avais dû batailler deux mois avant d’obtenir l’autorisation ! Quand celle-ci est enfin arrivée, c’était le début du Ramadan, j’ai tout abandonné…
Et pourtant, je ressens là un besoin, « venir en invité et pas en coupable » en quelque sorte. Peut-être la taille des établissements est-elle à incriminer ?
On se méfie de l’intrusion des parents dans les établissements publics, à juste titre souvent mais aussi de façon trop systématique. Comme m’avait dit le père d’un élève : « vous les emmenez visiter une aciérie, il vaudrait mieux que vous les emmeniez à Disney, cela leur ferait plus plaisir » … ou une maman lorsque nous partions en Angleterre « il faut que vous partiez en avion, c’est ridicule ce long voyage fatigant, train de nuit, bateau et train à nouveau ! » J’avais essayé de lui expliquer, mais en vain, qu’un voyage doit avoir ‘du corps’ et doit se mériter ! Mais quelle réussite ces voyages : aucun n’avait jamais voyagé en train couchette, un certain nombre de ces jeunes de 16 ans n’avaient jamais mis le pied dans un train ; puis la Manche et les marées ; enfin le train pour Londres, le métro en traînant pour certains une valise archi-lourde (!voyagez légers !)
Enfin, il y a sans doute un juste milieu à trouver …
Le chef d’établissement
Sur 30 années dans un lycée, je n’ai connu qu’un proviseur qui « se montre » ! … Classes de seconde, première, terminale et classe prépa, les élèves quittent le lycée sans savoir qui était le proviseur. Il est enfermé dans son bureau à remplir des documents administratifs… J’ai entendu le témoignage d’un Principal de Collège qui disait que la vie de son établissement avait changé du tout au tout depuis que tous les matins il était à l’entrée de son collège, saluant les élèves et exigeant que ceux-ci le saluent. Je suis persuadée que cela vaut pour tous les établissements !
La peur ! peur de tout ! la trouille !
Plutôt que d’envoyer un élève en ‘colle’, pourquoi ne pas lui faire faire, comme je l’ai connu en Angleterre, des ‘travaux d’utilité collective’ ? Ramasser les feuilles dans la cour, nettoyer les bureaux, etc. Impossible, les parents viendraient se plaindre ! Confisquez un téléphone à un élève qui pour la troisième fois écrit ses messages en faisant rire ses copains … les parents vont vous traîner en justice ! Il faut «être bienveillant» ! J’ai récemment rencontré une ancienne élève devenue professeur de lettres. Elle était amère : sur le bulletin d’un élève, elle avait écrit la formule ‘bateau’ « il faudrait te mettre au travail ». Convoquée par le principal de son collège, sommée de modifier cette formulation trop sévère et de la remplacer par une formule « bienveillante »… Passer dans une classe le film d’une pièce de théâtre qui est au programme du bac de français : interdit ! Le proviseur de mon lycée avait fait mettre sous clé toutes les cassettes vidéo que les documentalistes avaient pris la peine d’enregistrer ! On risquait la prison … Et j’en passe …
Pour organiser des sorties, il fallait remplir un document indiquant l’intérêt pédagogique de la sortie ! Un de mes collègues de physique qui m’avait sollicitée pour accompagner une sortie à l’île de Porquerolles, entendant bien faire faire le tour de l’île en vélo, avec pique-nique et jeux sur une plage, ressortait chaque année en riant son ‘joker’ : »analyser la granulométrie du sable !".
J’ai une fois encore été convoquée : une élève de Bts, de 22 ans, vivant en couple, avait terminé son devoir et demandait l’autorisation de sortir un quart d’heure avant midi ; je l’ai autorisée à sortir. Voulant traverser la rue sans précaution pour rejoindre son compagnon, une voiture l’a frôlée : ce compagnon est venu déposer une plainte auprès du proviseur qui mourait de trouille. Je risquais ‘gros’ !
Les classes
On ment sur l’organisation d’une classe !
Une hétérogénéité totalement invalidante, paralysante ! Le leit motiv habituel servi par les inspecteurs «les forts entraînent les faibles». Mensonge ! Je parle pour la matière que j’ai enseignée, l’anglais (le cas peut être différent dans d’autres matières). Une langue est un outil : et que ce soit un marteau, une gouge, ou des structures grammaticales, il faut apprendre à s’en servir ! Il faut répéter le mouvement, il faut répéter la structure … en petit groupes de trois ou quatre personnes, peut-être que les forts peuvent entraîner les faibles, mais PAS dans une classe hétérogène de 38 élèves (en lycée), car ce sont des classes totalement hétérogènes que l’on est censé animer en lycée : entre ceux qui ne connaissent pas le b.a. ba, un marais de moyens à des niveaux divers et ceux qui voudraient foncer, et qui donc s’ennuient, comment faire ?! Les inspecteurs ont trouvé la solution … organiser plusieurs groupes dans la classe et proposer un travail différent à chacun … en 50 minutes de cours, dans des classes bondées !! et pas de souci, « les forts vont entraîner les faibles! » De Qui se moque-t-on ?!
On vit dans un mensonge permanent : une salle, un prof, des élèves … on ferme la porte et « voilà, tout est bien !". Oui, au niveau administration… Ce qui se passe après dans la classe, tout le monde semble s’en moquer. J’ai récemment rencontré un homme, la cinquantaine, un master de philosophie , qui postule auprès du rectorat pour faire des remplacements. On lui propose derechef du travail, mais il n’a jamais enseigné de sa vie et avec beaucoup de sagesse demande de pouvoir assister à quelques cours dans un lycée avant de se lancer. Mais non, ce n’est pas prévu ! « Une salle, un prof, des élèves, c’est tout bon !".
Le rattrapage - le sacro-saint programme !
Le drame de notre système est qu’il n’y a aucun moyen de se rattraper. Je peux dire que j’aurai essayé toutes sortes de moyens, mais un seul serait utile et facile : des groupes de rattrapage, des groupes de niveaux : des élèves motivés peuvent très vite combler leurs lacunes ! Ce n’est pas prévu et de toutes façons, il n’y a pas de salles pour des groupes de rattrapage … alors des groupes de niveau, mais trop difficile à organiser …. Et puis, sur 15 professeurs d’anglais que nous étions, chacun avait ses bonnes raisons personnelles pour dire que ce n’était pas possible : tel avait peur de « perdre son vendredi », tel autre d’être inspecté avec un groupe de ‘faibles’ auquel cas il n’aurait pas fait « le programme »… pensez un peu « un programme dans une langue comme si l’essentiel n’était pas de progresser : progresser, c’est ça le programme ! »
Le rattrapage, c’est ça le secret !
J’avais pendant quelque temps expérimenté un laboratoire de langues quand j’étais étudiante. C’est formidable un laboratoire de langue ! Des exercices sont proposés, on ‘parle’ la réponse (enfin un peu d’expression orale !) Un professeur peut d’un bureau écouter les uns et les autres et s’assurer que tout se déroule de façon bénéfique.
J’ai à Toulon tenté de persuader la direction d’en créer un pour nos 1200 élèves. Peine perdue, d’ailleurs, les inspecteurs disaient que ça ne servait à rien … la réalité vraie, c’est que c’est un peu cher à installer et qu’il faut une maintenance : mais n’est-ce pas de l’argent mieux investi que des cours qui se succèdent et ne servent à rien ! ?
J’ai tout de même réussi à bidouiller un système d’une vingtaine de magnétophones et à organiser un pseudo laboratoire de langue. c’était extraordinaire, chacun dans son petit micro répétait les exercices proposés à son rythme et j’entendais les soit disant nuls jurer quand ils se trompaient, recommencer et se féliciter quand ils réussissaient : ils étaient actifs ! Ils progressaient à leur rythme !
C’était trop beau, le système est tombé petit à petit en panne et comme l’inspecteur avait dit : on n’a délégué personne à un mini entretien. Je ne pouvais malheureusement pas moi m’en charger2.
Cela amène deux commentaires :
-
on pourrait solliciter des parents compétents pour qu’ils se chargent de cet entretien,
-
même après soixante ans, un enseignant peut animer ce type de séances ! même après soixante dix ans !
Les inspecteurs
J’oserais dire, mais peut-être est-ce iconoclaste, qu’ils ne servent à rien … J’en ai ‘vu’ trois dans toute ma carrière ! Le premier, ma première année d’enseignement, m’a donné quelques conseils ‘bateau’ ; pour les deux autres, chacun est venu avec son « dada » : « circulez dans la classe »… C’était grotesque car les bureaux allaient d’un mur à l’autre tellement la salle était exiguë ; il aurait fallu que j’enjambe les bureaux, j’ai imaginé la scène ! Il était désolé, il n’avait pas remarqué… Le troisième arrivait du ski, tout bronzé, je l’ai interrogé, skiait-il en famille ? non, avec l’école de ski, et bien obligé d’admettre qu’il y a des groupes selon les niveaux… son bronzage a un peu terni… lui qui me soutenait mordicus que les forts entraînent les faibles !
Ils se sentaient obligés de proposer des « sessions de recyclage », mais complètement déconnectées de la réalité des problèmes que rencontraient les enseignants ; « faire semblant et que surtout ça ne coûte rien » ; c’était pitoyable. Certains collègues se sentaient obligés d’y assister régulièrement, et bien sûr, c’était pris sur les jours de liberté.
On aurait aimé qu’ils nous aident à faire des échanges, qu’ils soient en contact avec des établissements au Royaume Uni, mais rien malheureusement.
J’avais été stupéfaite d’apprendre que l’inspecteur d’Education Physique avait interdit dans le Var les sports nautiques comme matière facultative au bac. Motif : il ne faut pas confondre travail et loisir ! Quand on pense que certains en ont fait un métier ! Là le territoire peut entrer en ligne de compte.
Le collège unique !
Ce qui a complètement fait chavirer l’enseignement, c’est cette idée absurde de « collège unique » suivie de la formule délirante de « 80% des élèves au bac » ! Oui mais pour faire quoi ? Et avec quelles compétences ?
On ment sur les compétences !
Une des dernières années où j’ai corrigé l’examen du bac, l’inspecteur d’anglais avait subrepticement, dans ses consignes de notation pour l’examen écrit, « élaboré une notation sur 22 – au lieu des notations habituelles sur 20 » : ça relevait un peu le misérable niveau des notes ! (je me demande si ce n’est pas pire aujourd’hui où - j’ai entendu dire qu’il n’est pas rare qu’ on augmente toutes le notes dans un même jury…).
Suivait l’examen oral, parler sur un des dix textes qu’on avait étudié pendant l’année. Très bien ! Je dirais que la plupart de élèves s’entendaient enchaîner plusieurs phrases en anglais pour la première fois de leur vie scolaire, car, à 38 élèves par classe, comment ‘parler’ ? Nombre de professeurs préparaient pour leurs élèves un résumé adéquat qu’ils apprenaient par cœur et resservaient à l’examinateur ! C’est vraiment ça une langue ?! Quant à indiquer dans la rue à un touriste anglais comment aller à la gare … incapables …
On ment sur l’égalité !
Il est faux de dire « au nom de l’égalité », c’est l’équité qu’il faut considérer, les capacités et l’intérêt de chacun. Comme le disait un de mes amis « ça te dirait d’entendre la météo marine six heures par jour ? » (tout le monde sait que la météo marine, c’est une succession de mots auxquels on ne comprend rien ).
Comme on ne peut pas redoubler à tire larigot, on passe de classe en classe avec des lacunes accumulées. On a mal démarré, on ne s’est pas intéressé et tout à coup, le déclic : on voudrait bien réussir … mais rien n’est prévu … Mauvais en maths, pas non en français, vlan, on est fichu dehors, prié de trouver une place pour préparer un Cap … pour une filière qu’on n’a pas choisie et qui n’attire pas … la triste orientation par la négative … Peut-être que dans les 80% qu’on ‘traîne’ jusqu’au bac, nombre de jeunes auraient fait de très bons artisans… J’espère qu’on ne va pas me traiter de ‘réac’ !
En ce qui concerne l’apprentissage de l’anglais plus précisément
Je suis atterrée de la façon dont on cherche à apprendre une langue sans considérer qu’une langue est un outil et que l’urgent est de maîtriser l’outil ! »Décrivez les animaux d’Australie« … Oui mais de quel vocabulaire dispose-t-on pour le faire ? »Faites un selfie de vous et décrivez la situation« … Oui, mais avec quel vocabulaire et quelles constructions de phrases ? En classe de troisième, la majorité des élèves ne savent pas faire une interrogation, ne savent pas faire une négation, comment dire qu’on enseigne une langue ? Comme me l’avait dit un élève de 1° à qui je demandais de raconter l’histoire que je leur avais demandé d’étudier (fiche de vocabulaire et de grammaire fournies !) : »je croyais que vous alliez me demander ce que j’en pensais« … « Non je te demande de raconter l’histoire ! » « En fait, je n’ai pas compris le texte ». (ouais, il ne l’avait pas étudié du tout …), mais il était prêt – comme on le lui avait fait faire précédemment – à baragouiner des considérations quasi philosophiques sur un texte qu’il n’avait pas compris …. Ah ! le labo de langue !!
Encore ce matin, j’ai rencontré une dame qui me surprenant en train de donner quelques explications à une étrangère m’a fait la remarque suivante « comment se fait-il que tu parles anglais ? » Merci pour les 3 heures d’anglais par semaine pendant 7 années !
Le collège est certainement une période délicate où les élèves devraient être bien « tenus », et où l’enseignement devrait absolument être différencié.
Il ne semble pas que ce soit le cas alors les parents ‘avertis’ cherchent des subterfuges : pour tel enfant on postule pour une « classe musique », pour tel autre un « lycée international »… Et comme l’a avoué notre ministre de l’éducation actuel « oui j’ai inscrit mes enfants à l’école alsacienne parce qu’au niveau du collège, c’est un tel bordel » - non, il n’a pas dit ‘bordel’, mais c’était tout comme.
Apprendre à réparer sa mob plutôt que du latin !
Mon mari qui travaillait en collège avait scandalisé certains de ses collègues en affirmant que si on voulait intéresser les élèves au collège – beaucoup d’élèves de ‘cités’ – ce n’était pas en leur faisant faire des heures de latin obligatoires, mais en leur apprenant à réparer leur mobylette. Il n’a jamais eu gain de cause.
Dans le temps, dans les collèges, on pouvait faire des cours de couture, de menuiserie, de cuisine, c’était bien !
Les deux premières années où à Toulon Le Lycée de jeunes filles avait été transformé en lycée généraliste, il y avait encore une salle de cuisine et de temps en temps cela me permettait de proposer à un petit groupe d’élèves de faire « un petit déjeuner à l’anglaise » tout en se parlant anglais bien sûr. C’était vraiment bien, les jeunes adoraient, on se mettait en situation. Cette salle a bien évidemment été rapidement transformée en salle de cours ordinaire3.
1 J’ai un couple de voisins professeurs de maths et physique dans un collège, dans un quartier de hlm ; ils sont assez désespérés. Lui a 11 classes de 28 élèves, 2 heures par semaine pour enseigner la physique. Comment connaître les élèves, comment ne serait-ce que connaître les noms ? Et sans connaître les noms, quel poids a un enseignant ? Quelle maîtrise des élèves ? Elle donc enseigne les maths, son commentaire »non seulement les élèves ne nous respectent pas mais ils se moquent ouvertement de nous« . Quant aux élèves qui maîtrisent mal la langue française, que peuvent-ils faire ? »On n’est plus des enseignants, on passe le temps à faire la police dans les classes« me disaient-ils dépités.
2 Pour lutter contre ce fléau « les élèves qui entrent en 6° ne savent pas lire », j’avais entendu parler de l’expérience qu’avait lancée un principal de collège dans son petit établissement : les trois premiers mois de la classe de 6°, faire des groupes de compétence et apprendre à lire ! Il semblait que cela ait été très bénéfique pour la suite de la scolarité !
3 Quand nos enfants étaient à l’école maternelle, dans les années 1970, beaucoup de temps était consacré aux jeux, à la danse, au chant ; j’ai constaté avec consternation que pour mes petites filles, c’était assis, pas bouger, dessiner… Où est le bon sens ?