Quelques éléments de repérage pour situer le système éducatif chinois
Francine Depras, January 2023
L’Occidental qui se rend en Chine, pour quelque affaire que ce soit, doit savoir qu’il sera confronté, aux niveaux supérieurs, à une élite peu nombreuse, mais de très grande qualité, héritière à la fois d’une culture plusieurs fois millénaire et des plus récentes élucubrations imaginées dans les think tanks les plus productifs des universités occidentales, en premier Harvard, le MIT, Stanford, Oxford et autres. Il n’est pas certain que dans cette rencontre, toutes les grandes écoles soient les mieux adaptées. (Pierre Gentelle).
Le système éducatif chinois au XXIème siècle
Il est géré par le Ministère de l’Éducation. La scolarité est obligatoire de 6 à 15 ans (en 1985, le gouvernement a instauré une loi rendant obligatoire un minimum de 9 ans d’éducation).
Une Commission d’Etat pour l’éducation est créée en 1985, qui a pour but de coordonner les politiques d’éducation, de gérer toutes les organisations éducatives (sauf celles relevant de l’armée), de planifier les objectifs éducatifs généraux, de coordonner les programmes de différents départements, de normaliser la réforme, d’universaliser et d’améliorer les études élémentaires, d’augmenter le nombre d’écoles, de qualifier les enseignants et de développer l’éducation technique et professionnelle. Une norme uniforme pour les examens, les cahiers de notes et la qualification des enseignants a été mise en place.
Des commissions scolaires régionalisées assurent une autonomie aux provinces et à certaines villes afin d’adapter leur enseignement aux besoins de leur région et à leurs ressources financières. La Commission d’État sur l’éducation dirige ces commissions scolaires. Le but premier de la création de ces commissions est le développement de l’éducation primaire ; ceci pour donner suite à la loi de 1986 instaurant le principe d’une scolarité obligatoire et gratuite de neuf ans (six ans d’école primaire et trois ans de collège).
Du fait de dotations budgétaires disparates entre zones rurales et zones urbaines, et d’une forte décentralisation dans la gestion de ces budgets, l’éducation primaire est le parent pauvre de l’éducation en Chine. Dans les zones rurales, il est fréquent que les parents payent pour assurer les salaires des enseignants.
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Le primaire : en principe un enseignant par matière : le chinois et les mathématiques sont les matières d’enseignement les plus importantes mais aussi l’art, la musique, les sciences et des cours sur le communisme.
Les 3 valeurs essentielles : la rigueur, le patriotisme et la sélectivité (selon une étude établit par l’Université Laval au Québec qui repose sur l’éducation politique et la culture Han).
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Le collège (école secondaire du début 初中 chūzhōng) le chinois et les mathématiques
restent les matières principales . À la fin du collège, les élèves chinois doivent passer le 中考 zhōngkǎo, concours d’entrée pour le lycée.
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Le lycée : les jeunes chinois doivent s’inscrire dans un lycée (高中 gāozhōng contraction de -> 高等中学 gāoděng zhōngxué).
Ces trois années sont très intenses et difficiles car ils se préparent pour le concours national d’entré à l’université, le 高考 gāokǎo.
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L’université (大学 dàxué), est la dernière étape du système scolaire chinois. Les jeunes chinois peuvent entrer dans une université qu’après obtention du 高考 gāokǎo. En cas d’échec soit ils se tournent vers des formations professionnelles plus courtes, soit ils quittent le système scolaire.
Dans certains lycées et universités, à la rentrée scolaire, les étudiants doivent consacrer leurs premiers jours à un entraînement militaire (entre 3 et 20 jours)
Les examens d’études supérieures
Le système universitaire chinois est coupé en 3 catégories différentes. Et des diplômes qui leurs sont propres.
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Le premier cycle. Il existe deux diplômes différents, mais ils n’ont pas les mêmes débouchés.
- Le 大专 dàzhuān est une formation professionnelle courte qui permet ensuite d’entrer dans le marché du travail. Les étudiants chinois ne peuvent pas aller à l’université après cette formation. C’est une formation niveau bac +2 voir +3.
- Le 本科 běnkē est l’équivalent d’une licence ou d’un bachelor. Après avoir réussi l’examen final, il est ensuite possible de passer des concours pour poursuivre ses études. Le 本科 dure 4 ans.
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Le second cycle. Dans ce cycle, il n’y a qu’un seul diplôme et il n’est disponible qu’après un 本科. Le 硕士 shuòshì est l’équivalent du master. L’entrée se fait sur concours.
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Le troisième cycle. Le 博士 bóshì est l’équivalent du doctorat, les places sont très limitées. À la fin du 博士 les étudiants ont un niveau bac +10.
Contraintes et enjeux
Pour pouvoir inscrire son enfant à l’école, la famille doit être titulaire d’un certificat de résidence. Il est impossible de redoubler ou de sauter une classe. La sélection est présente tout au long de la scolarité.
Les parents et les élèves sont sous pression d’où l’importance des cours particuliers (une loi récente a régulé les prestataires privés compte-tenu des abus constatés).
Le savoir et le diplôme sont la promesse d’entrer dans de bonnes universités et obtenir un bon emploi.
Les élèves doivent un grand respect à l’enseignant. Il existe un enseignement préscolaire de 3 à 5 ans.
Les inégalités
Le lieu d’habitation en Chine détermine beaucoup de choses. L’enseignement primaire étant généralement local, le lieu de résidence d’un enfant détermine l’endroit où il est scolarisé. En termes de revenus, il y a une grande différence entre les résidents ruraux et les résidents urbains et cet écart ne cesse de se creuser. Dans les villes, les revenus sont 4 fois plus élevés en moyenne que dans les campagnes.
Sur plus de 180 millions d’élèves du primaire et du secondaire de 1er cycle, plus de 2,3 millions d’élèves arrêtent leurs études avant la fin des neuf années d’enseignement obligatoire. Dans certaines régions rurales, le taux moyen de déscolarisation dans les lycées est de 43%.
Le financement de l’enseignement primaire en ville est assuré par l’État, alors qu’à la campagne, il provient des familles et des collectivités locales.
Lorsqu’un étudiant vient d’une région pauvre, le gouvernement chinois lui accorde des points supplémentaires à son examen final, avant de passer à l’université, afin de lui permettre d’accéder plus facilement à l’université choisie. Mais cette aide n’est pas toujours suffisante.
L’enseignement dans les villes bénéficie de plus d’attention, ainsi que de ressources plus importantes provenant du gouvernement central. A cause de ce manque de financement public, beaucoup d’enfants se voient obligés d’abandonner leur scolarité au collège, voir en primaire, ce qui leur enlève la possibilité de poursuivre des études dans des instituts d’enseignement supérieur.
En 2002, pour 4 enfants scolarisés en ville, 3 seulement l’étaient à la campagne. Ce qui représente 1,1 millions d’enfants ruraux qui n’ont pas pu accéder à l’école primaire.
Les enfants de la campagne sont défavorisés dès le plus jeune âge. Selon l’Institut de recherche en science de l’éducation de Pékin, le nombre d’étudiants venant de la campagne admis à l’université de Pékin, le pourcentage est passé de 30,9 % en 1998 à 22,3% en 2002.
Les urbains suivent des cours dans des classes pourvues d’équipements multimédia, bénéficient d’une salle de sport bien équipée, peuvent entrer dans des écoles privées d’élite (qui coûtent, par an, environ 60 000, 80 000, 100 000 et 160 000 yuans au niveau école, collège, lycée et université), lorsque les ruraux ont à peine de quoi écrire dans des locaux conformes aux normes de sécurité.
Les disparités régionales
En 1980, le rapport du revenu par habitant ville/campagne était de 2,8 contre 1, en 2002, il est de 5 contre 1.
Le taux d’illettrisme, en 2000, était de respectivement 5,22 % et 11,5 %. Le nombre d’années d’instruction des employés non qualifiés de 10,2 dans les villes et de 6,85 à la campagne.
Viennent s’y ajouter les écarts est-ouest : le taux de poursuite des études après la scolarité obligatoire (le collège), est de plus de 70 % dans les six premières provinces, tandis qu’il est inférieur à 53 % (la moyenne nationale) dans la moitié du pays (dix-sept provinces, dont deux ne dépassant pas 40 %).
Le pourcentage des enseignants ayant les qualifications officiellement requises varie entre 50 % et 95 % et les régions (la campagne, l’ouest) qui en ont le plus besoin sont également celles qui en sont le plus dépourvues, en raison de conditions de vie défavorables, voire épouvantables.
La stratégie gouvernementale
Le gouvernement a lancé en 1998 une politique intitulée «Faire prospérer le pays par la science et l’éducation» et élaboré l’année suivante le programme «Promouvoir l’éducation au seuil du XXIeme siècle».
« Il faut dix ans pour cultiver un arbre et cent ans un homme », dit un dicton chinois
Pour les Chinois, l’administration et la gestion ont la signification suivante : si l’on centralise, c’est l’uniformisation et lorsqu’on accorde plus de souplesse, c’est le désordre…une réalité : l’anarchie dans la rigidité (KECHAO XING)1
Sur le plan administratif
Un système de gestion dit «sectorisation et régionalisation» à deux niveaux, central et provincial, se substitue désormais à l’ancien croisement horizontal et vertical., il s’agit de mettre fin au cloisonnement et aux doubles investissements et de laisser aux établissements une autonomie plus grande dans leur organisation administrative et pédagogique.
Les affaires relevant des compétences du ministère ont diminué de 42 %. Ainsi, l’enseignement obligatoire dans les régions rurales, l’enseignement professionnel et la formation des adultes bénéficient d’une plus grande autonomie et sont la plupart du temps gérés par les autorités locales et les établissements eux-mêmes.
La recherche de qualité globale, vise à doter l’élève de qualités morales, créatives et pratiques. Dans l’enseignement obligatoire, un nouveau programme national a été défini, de nouveaux manuels publiés et expérimentés, de nombreux enseignants formés et/ou recyclés.
Dans l’enseignement supérieur, l’examen d’entrée avec cinq matières obligatoires est remplacé par le module « 3+X », c’est-à-dire les trois matières obligatoires au plan national (chinois, mathématiques, anglais) et une, deux, parfois trois matières laissées au choix de la province, voire de l’établissement. Le français et l’allemand sont le deux langues qui permettent de se distinguer et faire la différence sur les CV professionnels.
Les établissements sont évalués par le ministère tous les cinq ans.
Pénurie d’enseignants
Elle est à la fois qualitative et quantitative. Bien que la stabilité du statut,l’élévation de la qualification ainsi que l’augmentation de la rémunération rendent le métier plus attrayant qu’autrefois, le développement harmonieux entre les différentes régions du pays et les différentes compétences de l’élève nécessite un plus grand nombre d’enseignants aux compétences plus élevées.
Construire un système d’apprentissage tout au long de la vie
Abolition de la limite d’âge au concours d’entrée à l’université, promotion de l’auto-formation et de la certification professionnelle, développement de l’enseignement en ligne et de la formation communautaire (du quartier).
Promouvoir et mettre en place l’égalité et l’équité en éducation
Trois grands programmes de soutien pour promouvoir et mettre en place l’égalité et l’équité en éducation ont été lancés par l’État dans les régions pauvres, de l’est à l’ouest, des villes à la campagne.
Les influences pédagogiques
Poursuivre l’éducation sélective et l’adaptation, fondements de la culture millénaire de la Chine. Il s’agit d’apprendre des autres (on pourrait dire : de prendre aux autres). Cette capacité rend facile l’assimilation sélective et l’adaptation à de nouveaux défis, et leur reproduction presque instantanée. Il n’y a ni pillage ni plagiat, seulement appropriation pour restitution au peuple. (Pierre Gentelle2)
Depuis le début des années 1990, il semble que Dieu se souvienne de la Chine et soit favorable au grand dragon oriental. Actuellement, l’économie chinoise se développe rapidement. Toutes les recherches, pratiques ou théoriques, doivent servir le développement de l’économie et de la société. Cet objectif est devenu un impératif pour tous les intellectuels, qui ne peuvent échapper aux rapides mutations culturelles, sociales et économiques du pays. (HUO Yiping3).
CAI Yuanpei (1868-1940) est le pédagogue qui a joué le rôle le plus important dans l’histoire moderne de la Chine. C’est lui qui fut le premier ministre de l’Éducation nationale de la République chinoise (1912). Il fut Président de l’Université de Beijing, première université moderne en Chine. Pendant le mandat de CAI, la mission de cette université passa de la formation traditionnelle des mandarins à une fonction de recherche scientifique. CAI fut le premier à introduire les notions de « Liberté, Égalité, Fraternité » - inspirées de la Révolution,française - dans le système éducatif chinois.
TAO Xingzhi (1891-1946) était, lui aussi,un théoricien et un responsable de l’éducation. Il fit ses études dans des universités américaines pendant les années 1914-1917. Il fut le fondateur de l’Éducation dans les Campagnes. Pour lui, la réforme de l’éducation devait en effet commencer par les campagnes, car la Chine était un pays agricole. L’école publique devait «entrer dans les campagnes» et offrir au plus grand nombre des connaissances scientifiques de base, et pas seulement littéraires et classiques, ainsi que des compétences techniques, afin de développer et moderniser la Chine. Comme il avait été étudiant de John Dewey, TAO fut l’objet de vives critiques après1949. Ce n’est que depuis 1978 que sa place est reconnue dans l’histoire de l’éducation de la Chine moderne.
HUANG Yanpei a créée l’Association de l’Éducation professionnelle de la Chine, en 1918 à Shanghai, et fut célèbre jusqu’en 1952. Mais en Chine, l’éducation professionnelle fut pendant longtemps considérée comme d’inspiration capitaliste, parce qu’on estimait qu’elle empêchait les lycéens issus des familles d’ouvriers ou de paysans d’entrer dans l’enseignement supérieur, et trahissait l’esprit d’égalité dans l’éducation.
Après 1983, suite à la réforme de l’enseignement secondaire, qui créa les lycées techniques et professionnels, à côté des lycées ordinaires existants, les idées de HUANG sont revenues en grâce.
CHEN Heging (1892-1982),fondateur de l’enseignement pré-élémentaire moderne en Chine. Diplômé de l’École normale supérieure au sein de l’Université Columbia en 1918, il se consacra pendant soixante ans, après son retour en Chine, à l’enseignement pré-élémentaire. L’éducation devait être vivante, c’est-à-dire s’adapter à la psychologie, à la personnalité et aux demandes de l’enfant. Il insistait surtout sur l’importance des activités ludiques et des leçons des choses, aussi bien dans l’enseignement que dans l’environnement familial de l’enfant. Il créa plusieurs écoles maternelles renommées et trois écoles normales maternelles à Nanjing, Shanghai, et dans la province du Jiangxi.
LIANG Shuming (1893-1988) et YAN Yangchu (1890-1990) furent les fondateurs du Mouvement de la Réforme dans les Campagnes pendant les années 1929-1949. Du fait qu’ils s’opposaient publiquement au Parti Communiste Chinois et préconisaient de sauver la Chine en s’appuyant sur le confucianisme, ils furent longtemps critiqués après 1949.
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1 Directeur du département de français de l’institut des langues étrangères à l’université chercheur à l’Institut d’éducation internationale de l’université normale de Beijing
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2 Geographe et sinologue (1933-2010) - Centre d’Études sur la Chine Moderne et Contemporaine, EHESS/CNRS UMR 8173 (Paris)
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3 Service d’histoire de l’éducation, de l’Institut d’administration pédagogique. École normale supérieure de l’Est de la Chine à Shanghai.
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SOURCES consultées et utilisées
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Yiping Huo Histoire de l’éducation. La recherche en histoire de l’éducation chinoise en Chine In: Histoire de l’éducation, n° 61, 1994. pp. 41-59. doi : 10.3406/hedu.1994.2692 www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1994_num_61_1_2692
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KECHAO XING Directeur du département de français de l’institut des langues étrangères à l’université La Capitale de Beijing, chercheur à l’Institut d’éducation internationale de l’université normale de Beijing.
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Zhen HUANG évolution pour le système éducatif chinois, Vice-président de Shanghai
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Jiaotong University, doyen chinois de ParisTech SJTU Elite Institute of Technology
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Perspectives Chinoises , revue publiée en France diffusée par la librairie Phénix 2015/4 | 2015 Façonner l’Internet chinois
2010/1 | 2010 Le cinéma indépendant chinois Ai Xiaoming, « Mon travail représente une forme d’action participative »
2008/1 | 2008 Gladys Chicharro-Saito Éducation physique et incorporation de la morale dans les écoles élémentaires en République populaire de Chine
2007/3 | 2007 Chunguang Wang En marche vers la société d’harmonie Éducation et inégalités sociales en Chine
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Presse de Scieces-Po | « Autrepart »
Christine Nguyen Tri - L’ÉDUCATION EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ENTRE CONTRÔLE ÉTATIQUE ET ÉCONOMIE DE MARCHÉ 2001/1 n° 17 | pages 69 à 89 - ISSN 1278-3986 ISBN 2876786257 - DOI 10.3917/autr.017.0069 - Article disponible en ligne à l’adresse : www.cairn.info/revue-autrepart-2001-1-page-69.htm
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Revue internationale d’éducation de Sèvres
Kechao Xing. Décrochages et raccrochages scolaires : Le système éducatif chinois, Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 35|avril 2004, mis en ligne le 23 novembre 2011, consulté le 05 juillet 2021. URL : journals.openedition.org/ries/1755 ; DOI : doi.org/10.4000/ries.1755
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Revue Tiers Monde Année 1981 86 pp. 317-329 Fait partie d’un numéro thématique : La Chine. À la recherche d’une stratégie de l’éducation : école et développement économique depuis 1949 Marianne Bastid