Concepts innovants dans les transports en commun : 4 exemples innovants
2005
Conseil National des Transports (CNT)
Elle présente 4 exemples :
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Eindhoven, le bus-train « Phileas »
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Madrid, voies axiales réversibles pour bus et HOV
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Manchester et Istanbul, du marasme au succès commercial
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Californie : la co-mobilité, un transport en commun par voiture
1. Eindhoven, le bus-train « Phileas » (Rédaction mai 2005)1
Phileas est un véhicule articulé et guidé sur pneus2. Sa capacité est flexible et se situe entre le bus et le tramway ou le tram-train. C’est un mode de transport intermédiaire, adapté aux villes de taille moyenne. Il fonctionne comme un tramway en ayant les caractéristiques d’un bus fonctionnant en site propre. Le système de guidage est un élément fondamental. La conduite peut être manuelle, comme dans un bus normal, semi-automatique comme un tramway (guidage latéral) ou automatique (guidages latéral et longitudinal). La vitesse maximale pour le véhicule guidé est de 80 km/h.
Un attelage électronique en mode automatique permet d’augmenter la capacité du bus et le transformer en « bus-train » sans conducteur supplémentaire, avec trois parties articulées et plus, comme pour un véhicule sur rails. Toutes les roues sont dirigées et permettent à Phileas de rouler dans un couloir aussi étroit que celui d’un tram, les roues arrière suivant les roues avant, même sur une chicane.
Phileas a été mis en service en juillet 2004 à Eindhoven avec 11 véhicules de 18 m et un de 24 m à trois parties articulées. L’optimisation du développement a été prévue sur une période test d’une année.
2. Madrid, voies axiales réversibles pour bus et HOV (Rédaction juin 2003)3
L’exemple madrilène de partage de la voirie dans l’espace et dans le temps, en instaurant sur les terre-pleins centraux d’autoroutes urbaines une voie axiale réservée aux bus et, dans certains cas, aux véhicules comportant au moins deux passagers (HOV)4, est un exemple particulièrement intéressant pour la création de Bus à Haut Niveau de Service et pour la subsidiarité du service de bus par les HOV. C’est un exemple aussi intéressant pour l’aspect temporel de la ligne, puisqu’il s’agit d’une ligne circulant dans le sens entrant le matin puis dans le sens sortant de l’agglomération le soir.
Par ailleurs, un autre aspect intéressant est le fait qu’en direction du centre-ville, les HOV quittent à un moment cette voie réservée. Les bus poursuivent alors leur chemin seuls, sur une voie en site propre, reliée directement à une station de métro par un lieu d’échanges bus–métro.
La création de ces voies s’est faite sur les pénétrantes existantes sans augmentation des emprises en utilisant les terre-pleins centraux. Son avantage est de faire fonctionner les bus en mode « métro », pour relier au centre-ville les extensions périurbaines les plus lointaines et en utilisant à grande vitesse les voies rapides, tout en s’affranchissant de la problématique des nombreux échangeurs urbains. Le « décrochage » des bus s’effectue au moment voulu par une trémie souterraine de la largeur d’une voie unique (même si elle est parfois à double sens, grâce à un système d’affectation variable)5 permettant aux bus d’effectuer un passage du mode « métro » au mode « rabattement » ou vice-versa.
3. Manchester et Istanbul, du marasme au succès commercial (Rédaction mai 2005)6
Ville ayant particulièrement souffert de la politique thatchérienne, avec des transports en commun complètement sinistrés, Manchester a recréé un système de transports en commun à Haut Niveau de Service avec un tram-train entièrement confié au privé. Financièrement exsangue, la ville n’avait pas d’autre choix que de mettre en place un service de transports en commun reliant les deux gares qui soit performant économiquement et qui puisse fonctionner sans aucune subvention publique.
Le projet de « métro-train » de Manchester fut donc lancé dans la période 1990 / 1992 par un appel d’offres aux exploitants privés basé sur un cahier des charges relativement simple : une plage horaire pour l’exploitation (de telle heure à telle heure), un cadencement (toutes les 6 minutes) et une obligation d’accessibilité aux handicapés. L’exploitant bénéficiait en revanche d’une liberté tarifaire totale, à l’exception de ceux appliqués aux « ayants droit sociaux » dont la prise en charge se fait dans le cadre des politiques sociales du royaume.
Mis en service en 1992, le tram-train de surface reliant les deux gares a rapidement connu un succès faramineux. Le bénéfice a été de 20 millions de livres au lieu des 7 escomptées. Ce projet a permis d’éviter la création de voies nouvelles pour un montant de 3 millions. Il a créé 200 emplois et fait accroître le Produit Intérieur Brut par habitant de Manchester de 70 £.
Que peut-on transposer de cette expérience de Manchester ? La mise en place d’un transport de type « métro » tout en surface, mais ayant le cadencement, les horaires et l’accessibilité d’un métro, a permis de réduire les coûts d’investissement et de fonctionnement tout en résolvant un certain nombre de problèmes de sécurité et de sûreté, et en optimisant les coûts d’exploitation.
Par ailleurs, pouvant fixer librement l’exploitation et les tarifs, l’exploitant a pu également mettre en place une politique de tarification différenciée selon les horaires. La billettique et un système de « travel cards » a également permis d’optimiser l’exploitation et la tarification.
La ville d’Istanbul a, de son côté, utilisé le concept de « modalité » pour transformer son projet de métro en tramway. Bloqué pour des raisons financières, le projet de métro d’Istanbul n’aurait pas pu voir le jour de façon rapide et performante dans des délais raisonnables inscrits dans le court terme. Aussi Istanbul a décidé de transformer ses 200 wagons de métro en wagons de tramway et d’installer les rails en surface. Accompagné d’un système de « travel card » avec harmonisation billettique sans harmonisation tarifaire, le métro-tram d’Istanbul a rapidement dégagé 240 % de profit.
4. Californie : la co-mobilité, un transport en commun par voiture (Extraits du chapitre « Californie 2002, y a-t-il une ville après l’automobile ?", de l’ouvrage de Georges AMAR[>(note) 7] (mars 2004))
A Los Angeles(en 2002), 15 % des déplacements sont effectués en « ridesharing » (voyage effectué en co-mobilité). Aux États-Unis le couple de base n’est pas Voiture particulière / Transport en commun mais « drive alone (l’automobile avec un occupant unique, son conducteur) / HOV » (High Occupancy Vehicle. Dès qu’il y a, en moyenne, plus d’un occupant par véhicule). La distinction modale essentielle aux États-Unis n’est pas de « nature » (VP ou TC) mais de degré (taux d’occupation égal ou supérieur à 1).
Une observation du fonctionnement du « ridesharing » (processus dont le HOV est le résultat attendu) permet de comprendre que celui-ci est, en Californie, un véritable mode de transport original - même s’il s’effectue (principalement) au moyen de « véhicules particuliers ». Si le co-voiturage ou « carpooling » atteint un niveau si important, c’est qu’il est très activement piloté et géré. Une agence publique (initialement nommée Commuter Computer), gère les imposantes bases de données qui permettent la rencontre entre les candidats au covoiturage.
Parmi les incitations au carpooling, deux sont particulièrement efficaces : toutes les autoroutes du réseau de l’agglomération de L.A. comportent des « HOL » (High Occupancy Lanes), voies de circulation réservées aux véhicules à deux occupants ou plus. De même, les entreprises de L.A. sont tenues de proposer deux types de parkings à leurs salariés : sur place pour les « carpoolers » et à une certaine distance du site pour les « drive alone ».
L’agence Commuter Computer a également pour rôle d’animer le réseau des « coordinateurs transport » que, depuis la Loi sur l’air californienne de 1988, tout employeur de plus de 150 salariés (sur un même site) est tenu de désigner. Le coordinateur transport doit élaborer annuellement le plan de déplacement de son entreprise, à laquelle est fixé à travers ce plan un objectif synthétique : faire en sorte qu’un indicateur nommé AVR (Average Vehicle Ridership ou taux d’occupation moyen) soit supérieur ou égal à 1,5. Cet objectif est parfaitement multimodal. Il est assorti d’incitations, et bien sûr de pénalités lorsque la valeur de 1,5 n’est pas atteinte.
On voit par-là que la politique d’intermodalité s’appuie largement, dans le contexte californien, sur une approche managériale et informationnelle, plus que sur des infrastructures et des dispositifs tarifaires.
1 Rédaction établie avec l’aide de l’article « Phileas, transport en commun de l’avenir » de Ruud BOUWMAN, Directeur de l’Advanced Public Transport System aux Pays-Bas, publié dans TEC - Transport Environnement Circulation - n° 184 d’octobre - décembre 2004.
2 L’allure générale de Phileas est proche de celle du tram-bus Civis, mais avec trois caisses articulées au lieu de deux.
3 Documents « Calzada reversible para autobuses y vehiculos de alta ocupación (VAO) » communiqués par le « Ministerio de Fomento » espagnol.
4 HOV : High Occupancy Vehicle, véhicule à haute (ou à grande) occupation, c’est-à-dire véhicule occupé par au moins deux personnes dont le chauffeur.
5 A noter qu’un système de couloirs bus à signalisation mobile a été mis en place également à Barcelone, intégrant aussi en ville les fonctions de stationnement en heure creuse.
6 Rédaction effectuée à partir d’éléments du projet européen PLUME « Planning Urban Mobility in Europe »
7 « Mobilités urbaines. Éloge de la diversité et devoir d’invention », éditions de l’Aube.
Referencias
Ce texte est extrait d’Une Voirie pour Tous – Sécurité et cohabitation sur la voie publique au-delà des conflits d’usage – Tome 2 : Exemples et Annexes au rapport du groupe de réflexion, Conseil National des Transports (CNT), 2005, publié par le CNT et La Documentation Française en juin 2005.