Une échelle plus grande pour la démocratie ?

L’exemple des quartiers pour la participation à Paris

Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2012

Les quartiers de Paris sont des subdivisions institutionnalisées des arrondissements qui ont été créées en 2002 par la Loi de Démocratie de proximité. Le but de cette loi est de faire participer les usagers de ces quartiers à la décision politique locale. Ce sont donc de nouveaux territoires de la démocratie locale. Leur création, leur périmètre et les critères de choix sont laissés à la discrétion des élus locaux. Le recours à des critères sociaux pour créer un découpage politique pérenne pose la question de l’influence que peut avoir l’existence de ces quartiers, homogènes ou non, sur les disparités socio-spatiales et la ségrégation territoriale qui en découle.

La recherche met en évidence, dans un premier temps, que le flou rhétorique qui entoure la création des quartiers, laisse toute initiative aux élus. La notion de quartier parisien a évolué. Elle représentait au début une simple division technique à laquelle l’urbanisme et l’aménagement urbain se référaient. Mais, dans les années 1990, elle s’enrichit d’une dimension sociale puisque le quartier est l’échelle « à taille humaine » de l’urbanisme, l’échelle qui permet de créer du lien social entre les habitants. Le quartier forme alors une communauté d’habitants. La communauté est une notion qui porte des vertus positives. Ces vertus sont estimées par référence aux solidarités qui naissent d’un groupe social homogène (que l’on retrouve dans les courants de droite) ou selon l’équilibre de la mixité sociale (courants de gauche). Ce flou rhétorique serait un élément explicatif du succès de ces quartiers car chacun peut y faire correspondre son système de valeurs. Néanmoins la notion de « quartier-communauté » définie sur la composition socio-spatiale semble de plus en plus présente. Or la structure socioéconomique a souvent été prise en compte pour la délimitation de ces quartiers, soit pour être contournée dans un objectif de mixité, comme dans le 4e arrondissement, soit pour être reprise plus ou moins fortement dans le maillage des quartiers, comme dans le 20e.

Or ce mode de découpage influence la participation des habitants à la décision publique. Certaines études montrent que la participation serait plus dynamique dans des quartiers relativement mixtes. Mais il apparaît que l’investissement dans des quartiers très populaires et homogènes est aussi manifeste. Les quartiers dont la majeure partie est constituée d’une zone urbaine sensible (ZUS) ou d’ensembles de logements sociaux très homogènes, participent ainsi de manière assez forte au regard de la moyenne parisienne, même si c’est souvent moins que la moyenne de leur arrondissement. C’est le cas des Amandiers dans le 20e arrondissement.

Mais ce découpage local semble influencer la nature des aménagements réalisés, il a donc un impact sur l’environnement local et, plus largement, sur l’arrondissement, voire la ville de Paris. Ces aménagements ne sont pas sans effet sur le reste de la ville. Anne-Lise Humain-Lamoure la qualifie de privatisation par le quartier de l’action publique. Les effets négatifs de ces actions peuvent alors être moins pris en compte et se reporter sur les quartiers voisins. Or lorsque le quartier a été découpé selon des discontinuités socio-spatiales, cette fragmentation de l’action publique ne tend elle pas à renforcer la ségrégation ? Pour l’auteur de cette recherche, « la territorialisation différentielle des quartiers, créée par les élus municipaux, se traduit par une démocratie et une action publique différentielle à cet échelon. Celle-ci dépend assez largement de la volonté politique initiale, mais aussi du type de découpage choisi. S’y ajoutent positivement ou négativement des effets locaux de composition socio-spatiale. Les dynamiques différentielles des conseils pourraient donc déboucher sur une fragmentation territoriale de l’action publique au sein des arrondissements. »

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