La gestion des déchets par l’intercommunalité à Nantes ou l’affirmation politique face à un service technique
Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2012
[Lire la fiche analyse : Réformer l’administration locale par la coopération territoriale ?->article79]
La communauté urbaine de Nantes se met en place, à la suite d’un district, au 1er janvier 2001. La communauté urbaine se rebaptise Nantes Métropole pour marquer symboliquement son rayonnement. Nantes Métropole prend en charge l’ensemble du service des déchets ménagers, avec deux modalités de gestion selon les territoires. Les déchets de Nantes ainsi que ceux de trois communes du Sud de la Loire sont gérés en régie, tandis que ceux des autres communes bénéficient des services d’une entreprise privée, Grandjouan/Onyx, filiale de Vivendi. Nantes Métropole comprend environ 260 agents dont environ 70 chauffeurs et un peu plus du double de ripeurs.
Avant le transfert de la compétence à Nantes Métropole, l’ensemble des agents d’exécution qui intervenaient sur la ville de Nantes était employé par la ville-centre. La question du transfert a entraîné de très nombreuses inquiétudes. Pour les agents, la nouvelle dimension territoriale de la communauté, sa nouvelle organisation administrative, la possibilité réelle ou supposée de pouvoir comparer leur efficacité avec le travail proposé par la société Grandjouan, tout ceci était propice à alimenter les suspicions et les résistances au changement. La présence syndicale était historiquement très forte au sein du service et le poids des organisations syndicales renforcé par un management assez faible. Les syndicats avaient une influence importante dans l’organisation quotidienne du travail.
Une fois obtenue la garantie du maintien de la collecte en régie, le transfert s’est réalisé sans oppositions syndicales majeures. Mais le transfert va s’accompagner d’une réaffirmation de la hiérarchie administrative. L’encadrement est renforcé ; il s’agit de réduire les marges de manœuvre laissées antérieurement aux agents dans la définition de leur travail, plus exactement de rompre avec la cogestion observée dans le cadre communal. L’autorité hiérarchique va s’affirmer à la suite d’une grève en 2003. Les agents manifestaient leur désapprobation sur le calcul d’une prime. Après sept jours de grève, les agents n’ont rien obtenu. Tout au contraire, décision particulièrement exceptionnelle pour les agents de la collecte, quatre jours de grève leur ont été décomptés et leur prime de surcharge de travail a été attribuée de manière restrictive. Jusque- là, les agents obtenaient une prime de surcharge correspondant aux heures supplémentaires nécessaires pour compenser les journées non travaillées. Dans le cas de 2003, seules les heures supplémentaires effectives ont été prises en compte. En refusant de céder aux revendications des grévistes, le président de Nantes Métropole, le socialiste Jean-Marc Ayrault, a préféré favoriser le consensus politique communautaire. Les autres maires de la communauté craignent en effet que leurs agents municipaux réclament également une prime plus favorable.
Ce pouvoir hiérarchique réaffirmé a permis ensuite de mettre en œuvre une nouvelle organisation du travail. Après la séparation stricte des chauffeurs et des ripeurs, aux statuts et aux vestiaires différents, une logique territoriale se met en œuvre. Des équipes polyvalentes territoriales sont mises en place.
Cet exemple montre donc comment l’émergence de l’intercommunalité permet à des élus de renouveler l’organisation et les pratiques d’un grand service urbain.
Referencias
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Le Saout Rémi, « Intercommunalité et réorganisation des services urbains, la collecte des déchets ménagers par la communauté urbaine de Nantes », Les annales de la recherche urbaine, n° 99, 2005, pp. 111-117.
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Bachelet Franck, « Les hauts fonctionnaires intercommunaux », Les Annales de la recherche urbaine, n°99, 2005, pp. 119-125.
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Guéranger David, « L’impensé de la réforme intercommunale : la mise en place des administrations des communautés d’agglomération », Revue française d’administration publique, n° 111, 2004, pp. 461-472.