Crépy-en-Valois (60) : mieux gérer l’infiltration des eaux de pluie en cas de développement urbain
Claire Plouy, agosto 2019
Dans l’Oise, à Crépy-en-Valois, la ville gagne en taille chaque année. Lorsqu’une ville se développe, plus d’infrastructures occupent l’espace et conduisent à l’imperméabilisation des sols. Pour protéger la ville contre les inondations, des mesures doivent être prises. Néanmoins, la ville de Crépy-en-Valois ne voulait pas « casser » tout le centre ville et dépenser des millions d’euros pour y installer des plus gros tuyaux. Nous avons demandé à Nicolas Inglebert, Directeur des Services Techniques, de nous dire quelles solutions la ville a décidé de mettre en place.
Mise en place du projet
D’où vous est venue l’idée ?
La gestion des eaux pluviales est une problématique de plus en plus discutée. À Crepy-en-Valois, nous nous penchons sur les eaux de pluie car une partie de celles-ci sont polluantes. Ces eaux viennent surcharger les réseaux et les stations des villes. L’idée nous est venue naturellement, car c’était une nécessité et que c’est un des sujet d’avenir. Nous avons pour obligation dans les milieux urbains de faire des diagnostics tous les 10 ans. Ces diagnostics amènent souvent des redimensionnements de réseau car la ville grandit. Il faut mettre des gros tuyaux, construire des nouveaux bassins de stockage, etc. De notre côté, nous avons abordé la problématique d’une autre manière : au lieu de construire de nouveaux bassins, nous avons décidé de trouver des moyens d’y mettre moins d’eau. Il a donc fallu gérer les eaux pluviales autrement qu’en les collectant et en les laissant s’écouler. Nous avons laissé de côté l’utilisation des eaux de pluie comme nous avions l’habitude de faire. Nous voulions retrouver de l’imperméabilité. Une fois l’idée trouvée, il a fallu savoir comment nous allions mettre moins d’eau dans les tuyaux. Cela voulait dire infiltrer les eaux de voirie en fonction de chaque parcelle, etc. Il fallait aussi inciter les habitants à le faire. Il fallait rendre la ville perméable là où ça pouvait l’être en incitant tout le monde à le faire. La ville seule ne peut pas agir correctement. Nous nous sommes lancés dans ce processus il y a 5 ans à la suite d’une initiative Zéro Phyto. Nous devions déjà être sûrs que nous ne mettions pas de produits offensifs avant de les infiltrer.
Qu’avez-vous entrepris pour répondre à vos objectifs ?
Nous avons souhaité agir dans plusieurs domaines : la construction des nouvelles voiries, la restauration des voiries, la construction des nouveaux lotissements et l’installation des espaces verts. Il y avait un même objectif : la réduction de la collecte des eaux pluviales à la source. Nous avons pris une série d’initiatives. C’est dans la multiplicité des petits travaux que nous arrivons à avoir un gros résultat. C’est assez facile à obtenir avec des efforts de construction quand nous travaillons sur du neuf. Néanmoins, c’est beaucoup plus difficile sur l’existant. Nous faisons donc des petites modifications qui, bout à bout, font qu’il y a un nombre important de mètres carrés de surface qui permettent à l’eau de s’y infiltrer.
Quelle politique avez-vous mis en place ?
Nous nous sommes dotés d’un changement réglementaire sur le zonage pluvial. Nous découpons la ville selon les bassins-versants. Dans chaque quartier, nous donnons une limite de rejet. Il définit sur toute la surface de la ville ce nous pouvons rejeter comme quantité d’eau par surface. Ça varie entre 0,5 et 2 litres par seconde à l’hectare, ce qui est très restrictif sur le neuf. Pour ce qui est de l’ancien, nous avons dit que s’il y a un agrandissement ou des travaux de prévu, il ne fallait pas rejeter davantage d’eau. Il faut donc retrouver de l’infiltration dans la parcelle existante.
Le projet aujourd’hui
Qu’avez-vous fait comme travaux concrètement ?
Nous enlevons des bordures autour des espaces verts pour laisser l’eau y pénétrer. Nous essayons d’utiliser des revêtements plus perméables. Nous essayons de mettre des allées piétonnes au-dessus des espaces verts et non l’inverse pour y écouler l’eau. Nous inversons la pente des trottoirs : au lieu de la pencher vers la rue, nous la faisons pencher vers les espaces verts quand nous en disposons. Nous mettons des espaces verts entre les trottoirs et les voies. Ce sont des petites choses de ce type sur des infrastructures existantes. Sur le neuf, nous adoptons des systèmes d’infiltration qui existent comme le système de noue. Nous optons pour des matériaux perméables de parking stabilisé ou engazonné. Nous faisons vraiment une différence entre les travaux existants et les travaux neufs.
À chaque projet, nous faisons un effort de conception. Nous demandons des conseils à des experts quand nous en avons besoin ou quand nous prenons contact avec les maîtres d’œuvre. Nous donnons les même consignes : travailler sur la perméabilité des sols et sur la gestion des eaux pluviales à la parcelle. Ça doit aussi être fait pour des travaux privés. Chacun est libre de le faire comme il le souhaite. Il y a des solutions plus ou moins innovantes ou classiques selon les terrains et les promoteurs (ou architectes).
Avez-vous des retours des habitants ?
Quand nous disons aux habitants qu’ils ne peuvent plus rejeter l’eau, beaucoup d’entre eux sont retissant. Ils disent qu’ils n’y arriveront pas. Finalement, quand nous leur proposons des solutions comme arroser le jardin, faire des réserves d’eau ou modifier les espaces verts, ils y trouvent des avantages. C’est pour cela qu’un effort dès la conception est indispensable.
Dupliquer le projet
Quels impacts mesurez-vous ?
Notre méthode permet de prévenir une trop grosse quantité d’eau dans nos villes. C’est un moyen de lutte contre les inondations. Tout ce que nous filtrons sera tout ce que nous n’aurons pas à collecter en cas de pluies trop fortes. Il est très compliqué d’avoir une mesure d’impact précise Sur notre ville, il serait très difficile d’avoir des chiffres exacts, car il ne pleut pas de la même façon partout dans la ville, avec la même intensité. Toutefois, nous notons que malgré l’agrandissement de notre ville, nous ne collectons pas plus d’eau à la station d’épuration tous les ans. Cela peut laisser croire que nous allons dans le bon sens.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Nous passons beaucoup de temps à réfléchir à la conception, particulièrement sur le sujet de la voirie. Il faut avoir l’outil réglementaire de zone pluviale sinon, nous ne faisons le boulot qu’à moitié. Il faut essayer d’emmener tout le monde avec nous. Que ce soit les autres gestionnaires de la voirie comme le conseil départemental, l’État ou les promoteurs privés de logement. Tout ce que nous pouvons faire ne servira à rien si personne ne le fait avec nous. Il faut que toute la ville tire dans le même sens et cela n’est pas simple. Nous essayons de communiquer sur le bien-fondé de notre ville. Nous essayons de le faire aussi dans les villes voisines. Nous faisons des visites avec des élu·e·s, et des techniciens. Nous travaillons beaucoup avec l’agence de l’eau, car c’est un sujet qui la préoccupe. Nous essayons de discuter avec les acteurs concernés pour montrer que c’est viable à chaque nouvelle opération.
Combien avez-vous investi dans ce projet ?
C’est difficile à chiffrer. Ça ne coûte pas forcément plus cher. Ceci dit, il faudrait associer la plus-value de nos actions aux coûts de travaux plus classiques. Je ne pense pas que ré-engazonner un trottoir sur toute sa longueur est plus cher que de refaire un trottoir sur toute sa largeur. Ça peut coûter plus cher en entretien, mais si vous prenez en compte les problèmes de balayage, de collecte de réseau de caniveaux et de tout ce que ça comporte, ça ne revient pas plus cher. Nous tenons notre budget de fonctionnement et il n’augmente pas, ce qui veut dire que nous n’avons pas généré de prix supplémentaire. Il suffit juste de se réorganiser.