Identifier les acteurs, les actions et révéler les liens
Module 4.4 du Mooc « Acteurs, leviers, outils pour mener les transitions du système alimentaire »
Dominique BERNIER, 2018
Le premier panorama de l’écosystème territorial en matière alimentaire peut être affiné une fois la commande politique obtenu. Ce premier panorama a le plus souvent révéler une multiplicité d’acteurs qui parfois se méconnaissent entre eux et dont les actions peuvent être redondantes ou contradictoires, qui peuvent gagner à être davantage articulées. Le rôle de l’agent territorial sera de faciliter le dialogue entre ces acteurs pour permettre à chacun de sortir de ses représentations et d’imaginer collectivement une vision du système alimentaire territorial souhaitable et possible.
La première vision de la réalité territoriale en faveur de l’alimentation doit maintenant être complétée par une identification et une entrée en dialogue avec les parties-prenantes du système alimentaire local et les acteurs locaux de l’alimentation durable.
Reprenons les éléments de définition des projets alimentaires territoriaux posés par l’Etat « Les PAT sont élaborés de manière concertée à l’initiative des acteurs d’un territoire, ils visent à donner un cadre stratégique et opérationnel à des actions partenariales répondant à des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé.”
Il conviendra donc de raisonner et animer une démarche participative – permettant idéalement d’ouvrir sur une vision systémique couvrant les multiples entrées de l’alimentation - pour :
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mobiliser les parties prenantes du système alimentaire local et les rendre acteurs dans une logique de co-construction du projet ;
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partager les constats et déterminer collectivement les enjeux spécifiques du territoire ;
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mettre les acteurs en mouvement et porteurs de projets ou d’action ;
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organiser la ou les gouvernances territoriales.
La multi-dimensionnalité de la question alimentaire conduit à considérer l’étape de la cartographie des acteurs (et de leurs actions !) d’une manière quelque peu renouvelée par rapport aux pratiques habituelles, pour faire face à cette complexité.
Outre la nécessaire revue de la diversité de ces acteurs en fonction des dimensions considérées (économie agricole et alimentaire, environnement, aménagement du territoire et urbanisme, santé, social et démocratie), il s’agira de prendre en considération leurs registres de contrainte, intérêts et modes d’action propres autant que leur stade d’intervention.
Outre la nécessaire revue de la diversité de ces acteurs en fonction des dimensions considérées (économie agricole et alimentaire, environnement, aménagement du territoire et urbanisme, santé, social et démocratie), il s’agira de prendre en considération leurs registres de contrainte, intérêts et modes d’action propres autant que leur stade d’intervention.
Cette cartographie des acteurs participe de la préfiguration de la gouvernance. C’est pourquoi, elle est à mener avec, en tête, les jeux d’acteurs (enjeux, postures, compétences, attentes, contraintes et modes d’action de chacun) pour circonscrire où sont les tensions, les contradictions, les alliances… et révéler les controverses.
Pour vous, agents, des questionnements spécifiques sont donc à avoir.
Ces questionnements commencent bien sûr par vous-même :
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Avec qui travaillez-vous en interne et externe ? Qui est mobilisé ? Qui connaissez-vous ?
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Avec qui ne travaillez-vous pas ? pourquoi ? Savez-vous les mobiliser ? Travailler avec eux ?
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Pour quoi faire ensemble ? Ce qu’ils font dans l’action ?
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Quelles difficultés ? avec les partenaires ? les non-partenaires ?
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De qui avez-vous besoin pour légitimer votre action ?
Puis, pour les acteurs territoriaux identifiés, il s’agit d’identifier pour une démarche territoriale :
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leurs enjeux
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leur connaissance du sujet
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leurs forces et faiblesses
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leur pouvoir d’influence, de nuisance ou de mobilisation d’acteurs
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leur pouvoir et leur légitimité à agir
Comme en fonction de l’évolution du processus, ces positionnements peuvent évoluer, ces questionnements seront à renouveler régulièrement.
Ce repérage des acteurs – tant publics que privés - peut être réalisé via un repérage de leurs actions ou initiatives passées, en cours, prévues en lien avec l’alimentation sur le territoire. Le décryptage des liens entre ces actions, qu’ils soient établis ou non par ceux qui les mènent, que ces liens révèlent des proximités, des concurrences ou des contradictions vient compléter le panorama. Cette analyse contribuera à alimenter la lecture de l’écosystème territorial et participera à l’entrée en dialogue des acteurs.
Elle peut prendre la forme d’une carte mentale comme illustré ici.
Certaines parties prenantes du système alimentaire vont être plus difficiles à mobiliser. Il faut donc bien raisonner comment, quand, pourquoi les approcher et les impliquer et avoir cerné leurs préoccupations et freins pour les intégrer au bon moment et à bon escient dans la démarche. En fonction des catégories d’acteurs, il peut par exemple être nécessaire de s’appuyer sur des personnes ressources, des structures relais, des têtes de réseau, des syndicats ou associations professionnelles…
Pour vous aider, vous pouvez vous établir une grille qui récapitule pour chaque acteur repéré et au regard de la démarche pressentie ses objectifs (explicités ou non), ses enjeux institutionnels ou personnels, ses contraintes ou ressources, son mode d’action.
On distinguera les acteurs institutionnels (en tant que personne morale) et les individus (qui par ailleurs peuvent jouer un rôle clé dans l’institution) et on étudiera les jeux d’acteurs (qui est en relation avec qui ? Quelle est la nature des relations ? Etc.).
En résumé,
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N’est ACTEUR que celui qui agit ! (en faveur de l’alimentation durable)
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Le jeu d’acteurs est évolutif dans le temps
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Pour chaque dimension, phase et action :
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Un système d’acteurs différent et spécifique
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des questions à poser pour identifier et mobiliser
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des acteurs et des fonctions à raisonner pour préciser le qui fait quoi
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Concernant les acteurs, il faut également garder en tête :
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que toutes les parties prenantes du système alimentaire ne s’inscriront pas dans la dynamique territoriale ( par exemple des exploitants agricoles resteront sur les filières longues pour servir les marchés mondiaux);
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qu’il est important d’être pragmatique et d’agir là où l’on peut agir pour construire un réseau local d’acteurs qui peuvent et veulent agir avec en perspective l’élargissement progressif de ce réseau ;
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que les démarches territoriales de transition vers une alimentation durable sont de longue haleine et qu’il y a des marches successives à passer pour informer, sensibiliser, accompagner… et donc des marches à passer pour élargir le cercle des acteurs grâce à une évolution des pratiques de production, de consommation, de transformation, de distribution.