Les nouvelles formes de mobilité urbaine.

Étude des tendances et des parts modales des transport selon les territoires

Frédéric Larose, 2011

La prédominance de la voiture en milieu périurbain rend difficile toute politique de déplacements alternatifs. Le report modal y est particulièrement limité. Les transports en commun ne sont pas suffisamment performants pour desservir des quartiers peu denses, leur faible vitesse commerciale et leur coût élevé étant des freins majeurs à leur développement. Les déplacements à pied ou en vélo sont également limités par le manque d’espace qui leur est réservé sur la voirie, et par l’absence de commerces ou de services à proximité. Un territoire uniquement accessible en voiture est un territoire qui exclut d’office tous ceux qui n’en possèdent pas. Le fait de simplement permettre de nouvelles formes de mobilité, par un réaménagement de la voirie ou par la mise en place de services de transports peu coûteux (comme une plate-forme de covoiturage par exemple), peut avoir des effets particulièrement bénéfiques pour l’ensemble d’un quartier.

Les formes de mobilité individuelle dépendent des positions sociales et spatiales des ménages. Comme nous l’avons vu, à certains modes de vie sont associés des modes de déplacements spécifiques, qui correspondent à des usages différenciés des territoires. Cependant, l’évolution de la mobilité suit des grandes tendances qui tendent à dépasser les clivages entre les différents modes de vie étudiés auparavant, ce que démontrent les récentes enquêtes nationales de l’INSEE ou du CERTU. Nous retiendrons de ces travaux quelques points fondamentaux.

1- Les déplacement sont de plus en plus complexes

Il est de plus en plus difficile d’étudier les déplacements quotidiens des individus. Un déplacement est souvent compris comme un le fait de se rendre d’un point à un autre. Or, l’éloignement et la diffusion des sphères d’activités, notamment entre le domicile et le lieu de travail, poussent les ménages à optimiser leur de déplacements en effectuant différentes tâches à la suite : faire un détour sur le chemin du travail pour déposer son enfant à l’école, profiter de sa pause déjeuner pour faire des courses, etc. Nos déplacements sont de plus dépendants les uns des autres et se greffent principalement sur les trajets domicile-travail qui constituent la colonne vertébrale de notre mobilité quotidienne.

2- Les rythmes urbains évoluent

Avec l’individualisation des modes de vie, la demande de mobilité tend à s’étaler au-delà des plages horaires traditionnelles. Certaines infrastructures de transports font désormais face à des flux réguliers quelle que soit l’heure de la journée, aussi bien en semaine que le week-end. Les phénomènes de congestion deviennent de plus en plus fréquents et difficile à prévoir. La désynchronisation des modes de vie questionne la capacité des transporteurs publics ou privés à offrir un service qui soit en phase les nouveaux rythmes urbains.

3- L’âge n’est plus un déterminant essentiel de la mobilité

Les personnes traditionnellement les plus mobiles (salariés, élèves, étudiants) tendent à se déplacer un peu moins alors que les moins mobiles, notamment les jeunes retraités, voient leur mobilité progresser fortement. Les retraités se rapprochent également des actifs pour ce qui est des voyages à longue distance. Si la mobilité en termes de kilomètres parcourus a progressé dans pratiquement tous les groupes d’âge, la croissance a été particulièrement soutenue pour personnes âgée de 55 à 74 ans. L’âge est donc de moins en moins un facteur pertinent pour l’étude de la mobilité.

4- L’usage de la voiture tend à se modifier

La hausse du prix des carburants, la prise de conscience collective des enjeux environnementaux et les politiques publiques visant à limiter le recours à la voiture individuelle ont une incidence notable sur l’usage de l’automobile. Une étude du CERTU montre que l’usage de la voiture tend à se modifier. Longtemps, la hausse des ventes automobiles s’accompagnait d’une hausse de son utilisation. La mobilité automobile était donc proportionnelle à la taille du parc automobile. Depuis quelques années, on s’aperçoit que cela n’est plus vrai. Il n’existe plus de corrélation aussi nette entre propriété et usage. Cela signifie deux choses. D’une part, le fait d’être propriétaire d’un véhicule n’implique pas un usage exclusif. De l’autre, le développement des systèmes de voiture partagée autorise une utilisation sans les inconvénients de la propriété.

Même si les évolutions sont encore peu perceptibles, la voiture commence à devenir un mode de transport de moins en moins exclusif et de plus en plus couplée avec d’autres modes de transports.

Part modale des transports urbains

Une seconde étude du CERTU s’est intéressée aux usages des différents modes de transports en milieu urbain. L’enquête souligne d’importantes disparités entre centres et périphéries concernant l’usage de la voiture individuelle et son poids relatif vis-à-vis des modes de transports alternatifs.

L’automobile dominante

L’automobile est particulièrement plébiscitée en zone périurbaine où les alternatives de transport sont rares et les sphères d’activités dispersées. Le taux de motorisation par ménage y est particulièrement élevé aux alentours 80 %, soit environs un véhicule pour deux habitants. Neuf déplacements sur dix sont réalisés en voiture.

En centre-ville, la densité urbaine joue clairement un rôle modérateur dans l’usage de l’automobile. La qualité des services de transports en commun, le coût du stationnement et les difficultés de circulation expliquent en partie pourquoi son utilisation est moins systématique qu’en milieu peu dense. La part modale de l’automobile dans l’ensemble des déplacements en centres-villes atteint rarement plus de 60 %. La présence de populations plus jeunes et sans enfant fait que le taux de motorisation par ménage est également bien moins important autour de 50 %.

Des transports collectifs performants en centre-ville

Les transports collectifs concernent quant à eux, entre 10 et 15 % des déplacements en milieu urbain. Leur usage ne semble pas adapté aux petites distances ou à l’inverse aux trop longues distances à cause de leur manque de performance en termes de vitesse. En zone périurbaine, les transports en commun qui s’adressent à un public très captif ne disposant pas de voiture, ont une part modale proche de 10 %, ce qui est loin d’être négligeable.

En zone dense et pour des distances moyennes, les transports en commun atteignent dans certaines grandes villes des parts modales aussi importantes, voire plus importantes que la voiture individuelle comme à Paris ou à Lyon. Cela s’explique par un taux de motorisation par ménage beaucoup plus faible en centre-ville qu’en périphérie et par la qualité du service de transport en commun qui s’avère souvent plus pratique.

Si seulement un quart des ménages n’ont pas de voiture, c’est en réalité une personne sur deux, qui est exclue du système automobile. Ainsi, les transports publics sont indispensables au bon fonctionnement de la société, puisque plus de 80 % des usagers ne possèdent pas de voiture.

Les mobilité douces

Le couple vélo et marche constitue le mode de déplacement urbain le plus adapté aux très courtes distances. Plus de 70 % des déplacements de moins d’un kilomètre sont d’ailleurs effectués à pied ou en bicyclette. Ces déplacements, rangés dans la catégorie des « mobilités douces » représentent en moyenne plus d’un tiers des déplacements dans les centres-villes, mais génèrent seulement 10 % des kilomètres parcourus. Ces modes de déplacement sont amenés à se développer dans la mesure où la grande majorité (60 %) des déplacements quotidiens sont compris entre 1 et 3 kilomètres.

Les services de vélopartage ont permis dans de nombreuses villes de voir l’usage du vélo fortement progresser. A Paris par exemple, la mise en place du système Vélib a fait augmenter de 70 % le nombre de déplacements en vélo. Ces fortes augmentations sont remarquables, mais ne doivent pas faire oublier que l’usage du vélo en France reste encore marginal. Des villes comme Strasbourg (où ma part du vélo est de 12 %) montrent que les politiques favorables aux circulations douces s’avèrent efficaces.

Sources

Le site du Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU) où de nombreuses études de recherches sont en accès libre

Une étude de l’INSEE sur les déplacements quotidiens des ménages français (2009)