Le Plan de Déplacement d’Entreprise (PDE) de STMicroelectronics.
Une initiative pour diminuer les effets néfastes d’une grosse entreprise sur l’environnement à Grenoble (France)
Thomas CAPELIER, 2011
Il est admis que l’activité d’une entreprise a un impact sur l’environnement. Cet impact n’est toutefois pas limité à ce qui se passe dans l’enceinte de la société. Par exemple, les trajets effectués par les salariés pour venir travailler et les trajets des équipes entre les divers sites de l’entreprise ne sont pas neutres pour l’environnement. Or ces transports, qui sont nécessaires au fonctionnement quotidien d’une entreprise, ont une répercussion d’autant plus forte que les salariés sont nombreux et que le site recourt à des transports polluants.
Le Plan de Déplacement de l’Entreprise (PDE) élaboré par la société STMicroelectronics, à Grenoble, vise à aborder globalement cette problématique. Le PDE a en effet pour objet une diminution de la consommation de l’énergie liée aux transports, de l’émission de polluants liée à l’utilisation des carburants, de l’encombrement des voies de circulation. En France, la loi prévoit que les collectivités locales adoptent un Plan de Déplacements Urbains (PDU), qui fixe la politique publique des déplacements à l’échelle de la ville : axes de transport, modes de transport, enjeux environnementaux, etc. STMicroelectronics conçoit son PDE comme un exemple d’application locale, concrète et globale du PDU de l’agglomération grenobloise. L’élaboration d’un PDE est volontariste, car rien n’y oblige légalement l’entreprise. Et l’originalité de cette démarche tient au fait que l’impact environnemental de l’entreprise est analysé en tenant compte des activités induites par l’activité principale de production.
Ainsi, STMicroelectronics évalue que les déplacements domicile-travail quotidiens de son personnel représentent environ 40 pour cent de la consommation d’énergie globale du site. La société dresse le constat que recruter une personne, c’est, huit à neuf fois sur dix, recruter aussi sa voiture, donc lui fournir un espace de stationnement. Cette contrainte est renforcée par la présence régulière de très nombreux visiteurs, alors même que la société emploie près de 2000 salariés à la fin de l’année 2000. La présence d’espaces de stationnement suffisants est donc une contrainte énorme, qui a nécessairement un coût économique : La croissance des espaces dévolus à la voiture s’avère progressivement préjudiciable au développement même du site, explique Ludovic Tchoulfian, Directeur des ressources humaines. Les espaces disponibles à proximité du site sont en effet rares, le coût de construction de parkings en étages très élevé, et la circulation aux abords du site saturée.
Au cœur de l’agglomération grenobloise, où résident 60 % de ses salariés, STMicroelectronics présente pourtant des atouts en termes d’accessibilité, même si d’importantes contraintes subsistent : l’usine se trouve dans une zone extrêmement dense en entreprises, avec des problèmes de migrations pendulaires, d’encombrement aux heures de pointe, de transit, etc. En outre, la desserte par les transports en commun est insuffisante pour dissuader les salariés de laisser leur voiture.
Forte de ces constats, STMicroelectronics s’est engagée dans la mise en place de solutions originales. Un groupe de travail transports alternatifs a été créé, avec pour objectif d’apporter des éléments de réponse à deux questions cruciales pour l’entreprise : comment réduire les émanations automobiles polluantes ? Et quelles mesures adopter pour faciliter le développement de transports alternatifs ? Une enquête a permis de mettre en évidence les contraintes et attentes des salariés vis-à-vis des modes de transports alternatifs, autour de trois idées complémentaires : le coût, le temps, et le confort. De ce travail ont résulté cinq orientations. En premier lieu, trois axes d’action ont été retenus : l’amélioration de l’accès au site (transports en commun, à vélo, à pied), le développement de modes de transport alternatifs pour les déplacements domicile-travail, l’amélioration des conditions de déplacement des salariés. Ensuite, STMicroelectronics s’est donné deux objectifs en termes d’image : la reconnaissance locale de la société en tant qu’acteur et partenaire innovant sur le thème des transports, et l’affirmation de l’identité citoyenne de l’entreprise.
En 2000-2001, la première campagne d’actions du PDE a vu le jour. Pour le développement des transports en commun, le plan a porté sur la mise en place d’une navette gratuite reliant le site à la gare de Grenoble (en partenariat avec le réseau de transports publics), et d’une aide financière de l’entreprise à ses salariés qui utiliseraient le réseau de transports collectifs. Pour le développement des transports verts, STMicroelectronics encourage le recours au vélo par le raccordement du site au réseau de pistes cyclables, par la distribution de kits de sécurité pour les cyclistes, et par une prise en charge financière du coût occasionné par une intempérie exceptionnelle ou une urgence familiale. En outre, l’entreprise s’engage à prendre en charge à 80 % le surcoût d’acquisition d’un véhicule propre (GNV, GPL, électricité) par ses salariés. Enfin, pour consolider ces deux premiers axes de développement, l’entreprise a établi des services de proximité : de la billetterie pour les transports en commun à l’atelier de réparation des vélos. Le dernier volet du PDE vise les petits déplacements entre les quatre sites de la société : augmentation des véhicules verts, création d’une fonction coordinatrice des transports inter-sites, incitation au covoiturage. En l’espace d’un an, des succès notables ont été observés. En juillet 2001, 15 % des salariés avaient modifié leur comportement, dont environ la moitié privilégiait le vélo et l’autre moitié l’utilisation des transports en commun. Ce résultat porte à 35 % la proportion de salariés recourant aux transports alternatifs. Le PDE vise un objectif de 50 % à l’horizon 2005.
Pour les dirigeants de STMicroelectronics, le succès de l’opération repose essentiellement sur les avantages qu’en retirent individuellement les salariés. L’écoute des salariés, à travers la réalisation d’enquêtes ou l’organisation de réunions, est donc essentielle. Dans cette démarche, on remarque que les intérêts économiques de l’entreprise et des salariés et les intérêts pour l’environnement, loin d’entrer en contradiction, se rejoignent. STMicroelectronics reconnaît d’ailleurs ne pas agir par pure philanthropie et se félicite de ces avancées tant en termes de développement économique qu’en termes d’image.
Sources
Cette fiche a été réalisée lors des Entretiens internationaux de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), à Paris, du 28 au 30 janvier 2002.
Entretien avec Ludovic TCHOULFIAN, Directeur des ressources humaines, STMicroelectronics