La pertinence du vélo en ville.
Le vélo au cœur des politiques de mobilité durable
2011
Bien que l’usage du vélo soit au plan national une pratique relativement marginale (environ 3 % des déplacements quotidiens), l’émergence du concept de développement durable a fait de ce mode de déplacement doux, l’emblème d’une mobilité respectueuse de l’environnement et socialement bénéfique pour l’ensemble de la société.
Ces dernières décennies ont pourtant été synonymes d’une nette diminution de l’utilisation du vélo dans les déplacements domicile-travail, au même titre que la marche à pied. Pour développer ces pratiques parfaitement adaptées aux milieux urbains denses, d’importants investissements de réaménagement de l’espace public sont réalisés afin de réduire l’espace consacré à l’automobile au profit des cyclistes et des piétons. De nombreuses municipalités se sont donc engagées dans une politique prônant un meilleur partage de la voirie entre les différents usages et un développement des offres de transport alternatives comme l’illustre la multiplication des systèmes de vélos en libre-service un peu partout en France.
Malgré les efforts réalisés par certaines communes pour développer leur réseau cyclable, on constate que le développement de l’usage du vélo est encore loin d’être une priorité nationale. La principale politique de l’Etat concerne la planification et le financement des Véloroutes et Voies Vertes (VVV) qui sont de grands itinéraires inter-régionaux et européens s’adressant surtout aux touristes et aux sportifs. L’Etat devrait aussi avoir une politique de sensibilisation, de conseil ou d’incitation, or actuellement, les politiques vélo émergent des seules municipalités. L’augmentation du trafic routier de 30 % entre 1990 et 2005 fait que les autorités publiques préfèrent continuer à développer un réseau arrivé à saturation, plutôt qu’à proposer des offres alternatives à l’usage excessif de l’automobile.
La bicyclette ne doit pas reléguée uniquement aux loisirs et à la détente, il s’agit d’un mode de déplacement dont l’efficacité en milieu urbain est souvent supérieure à la voiture. Si le vélo ne peut évidemment pas remplacer totalement l’automobile, il peut s’insérer dans une chaîne de transport varié, en étant un mode complémentaire aux transports en commun. Les arguments sont nombreux pour faire du vélo un mode de transport d’avenir. Les exemples de grandes villes comme Copenhague ou Amsterdam où le vélo est utilisé pour un déplacement sur deux, sont autant d’illustrations qui doivent pousser les élus et organisateurs des transports urbains à mettre en place des politiques de mobilité favorable à l’usage de la bicyclette.
Pourquoi le vélo ?
Les principaux arguments en faveur du vélo sont à chercher en milieu urbain dense. Quels que soient les modes, les déplacements dans les centres-villes sont majoritairement effectués sur des courtes distances et les vitesses pratiquées y sont faibles. A titre d’exemple, selon le CERTU, un quart des automobilistes en ville parcourt moins d’un kilomètre à une vitesse moyenne excédant rarement les 20 km/h. Ces distances pourraient très bien être effectuées à pied ou en vélo. On estime que pour les distances d’au moins cinq kilomètres, le vélo est plus rapide et plus commode que la voiture, sachant que le cycliste a moins de difficulté à stationner et peut éviter la congestion routière aux heures de pointes. Au-delà de son efficacité en milieu urbain en tant que mode de transport, le vélo participe à apaiser la circulation, à préserver l’espace public, tout en participant activement à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une politique favorable au vélo est donc sur tous les points une politique qui contribue à une meilleure qualité de vie citadine.
Pourtant la part modale du vélo en France est loin d’atteindre les niveaux observés au Danemark ou aux Pays-Bas. Si l’usage du vélo augmente légèrement, c’est principalement grâce à l’augmentation très nette de son utilisation à Paris intra muros (multiplié par 6 ans en 15 ans) et dans des villes comme Strasbourg ou Lille qui mènent depuis plusieurs années une politique active en termes de mobilité durable. Dans ces villes, le développement récent des infrastructures cyclables s’est accompagné d’une politique générale visant à favoriser les transports en commun et les modes doux en limitant la place de la voiture et en créant de nouvelles zones 30.
Les ménages sont pourtant bien équipés en bicyclettes puisqu’un ménage sur deux possède au moins un vélo. C’est notamment en périphérie et en milieux peu denses, que les ménages sont plus équipés, alors que paradoxalement, c’est là où l’usage du vélo baisse le plus. Dans les centres-villes, c’est le raisonnement inverse qui se produit. Les foyers sont peu équipés mais la pratique du vélo se développe de façon significative. Ce paradoxe peut s’expliquer par les conditions de stationnement plus difficiles en ville, notamment à domicile, alors que les conditions de circulation sont plus favorables en milieu urbain dense. De plus, les systèmes de vélos en libre-service permettent aux citadins de s’affranchir des inconvénients de la propriété, donc du problème du stationnement.
La combinaison entre le vélo et les transports collectifs est pertinente pour différentes raisons. Les trajets domicile-gare sont souvent effectués en voiture. Or, ces parcours sont majoritairement inférieurs à trois kilomètres. Pour ces distances, le vélo peut s’avérer plus rapide qu’une voiture. Cette pratique a donc tout intérêt à être encouragée, ce qui passe à la fois par la création d’itinéraires cyclables sécurisés convergeant vers les pôles d’échanges et par l’implantation de places de stationnement près des gares ferroviaires. Il faut également encourager les transports publics à accepter les vélos, comme cela se fait dans certains trains.
Législation et vélo : l’importance de la loi LAURE
Un cadre législatif existe pour favoriser le développement l’usage du vélo. On retiendra surtout la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de 1996, aussi dite loi LAURE qui stipule que « à l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu’il existe ».
Cette loi particulièrement contraignante est néanmoins indispensable pour permettre un meilleur partage de la voirie et répondre aux attentes des populations. Cette obligation légale pose souvent problème de la qualité des aménagements cyclables, trop souvent dangereux. Des organismes d’Etat comme le CERTU ou associatifs comme le Club des Villes et Territoires Cyclables offrent un support technique en matière d’aménagement de la voirie aux collectivités, afin que la loi LAURE soit appliquée dans de bonnes conditions et selon les contextes locaux.
Si les collectivités territoriales de taille importante commencent à appliquer les dispositions de la loi LAURE, nombreuses sont celles qui l’ignorent encore. En particulier, les petites villes au sein desquelles l’absence de relais associatifs ne permet pas le rappel de la loi. De nombreuses communes ont tendance à ne pas prévoir dès l’amont de leurs projets de voirie les aménagements cyclables adaptés. La concertation avec les associations de riverains et de cyclistes est donc indispensable lors de tout nouveau projet d’aménagement concernant la voirie. En cas d’accident impliquant un cycliste, la responsabilité pénale personnelle du maire peut être mise en cause si les aménagements récents de la voirie ne sont pas conformes à la législation.
Des pistes pour un développement du vélo en ville
Comment favoriser le report modal vers le vélo ? Plusieurs points paraissent particulièrement importants.
Premièrement, il est nécessaire de garantir la sécurité et le sentiment de sécurité des cyclistes à travers l’aménagement de pistes cyclables suffisamment larges, sans obstacles, continues afin de permettre un cheminement simple, lisible et rapide. Mais le plus grand danger aux yeux des cyclistes et des potentiels cyclistes est les différentiels de vitesse entre les différents modes de transports urbains. Une piste cyclable, même bien aménagée, paraît dangereuse, si sur la même chaussée, des véhicules roulent à une vitesse de 50 km/h ou plus. Au-delà d’une séparation stricte des modes de déplacement, peut-être serait-il plus urgent d’harmoniser les vitesses dans les centres-villes denses là, où la cohabitation entre piétons, cyclistes et automobilistes est la plus problématique. Dans le cadre d’une ville apaisée, la stricte séparation des flux n’est plus pertinente dans la mesure où, à vitesse égale, la voiture représente un danger bien moindre pour le cycliste. Pour que ce sentiment de sécurité soit encore plus présent, des règles de bonne conduite sont indispensables pour que les usagers les plus vulnérables soient, à tout moment, prioritaires vis-à-vis des autres modes. Si la voiture doit laisser la priorité aux cyclistes, ces derniers sont également priés de respecter les piétons.
Deuxièmement, assurer la continuité et la lisibilité des cheminements cyclistes est une évidence trop souvent oubliée. La planification des pistes cyclables doit permettre aux usagers d’être parfaitement informés sur les différentes destinations qui leur sont proposées et de pouvoir suivre un trajet sans se perdre. Le cheminement cyclable est trop fréquemment interrompu au niveau des croisements et ronds-points. Si aucune indication au sol ne permet aux cyclistes de se repérer, celui-ci agira comme un piéton et empruntera les passages-piétons et les trottoirs pour traverser ces nœuds de circulation pensés uniquement pour l’usage automobile. Il est bon de rappeler que le cycliste, contrairement aux usagers des véhicules motorisés, se déplace à la force de ses muscles. Contrairement aux véhicules qui n’hésitent pas à faire de grands détours pour emprunter des voies rapides, le cycliste cherche à prendre les trajets les plus courts. Tout effet de coupure comme les barrières de trafic infranchissables le contraignant à faire des détours l’incite fortement à adopter un comportement dangereux pour les autres mais surtout pour lui-même. L’exemple des feux rouges, programmés pour la circulation automobile, est un exemple parmi d’autres rendant le parcours du cycliste particulièrement frustrant.
Troisièmement, il est nécessaire d’aménager des places de stationnement pour vélos sur l’espace public, mais également inscrire dans les documents d’urbanisme l’obligation de construire des parcs de stationnement pour deux-roues sécurisé et couvert au sein des nouveaux logements et bureaux. Les entreprises peuvent aussi participer à promouvoir l’usage du vélo. De nombreux Plans de Déplacement d’Entreprise sont aidés financièrement par les collectivités locales, lorsque par exemple, une entreprise met en place un système de vélopartage ou plus simplement offre à ses employés des places de stationnement sécurisées pour bicyclettes. La facilité de stationner avec un mode de transport particulier est un déterminant majeur dans son usage. Les politiques visant à réduire l’usage de l’automobile en centre-ville l’ont bien compris comme le montre la diminution continue du nombre de place de stationnement pour voiture. C’est le même raisonnement avec le vélo. Cependant, les trop nombreuses épaves de vélos laissées à l’abandon en ville ne donnent pas une très bonne image du stationnement des deux-roues. Plus fragile, le vélo a besoin d’emplacements sécurisés de qualité pour son stationnement. Une politique de stationnement des vélos favorise également l’intermodalité, permettant au vélo d’être utilisé sur des petites distances au sein d’une chaîne de déplacement faisant intervenir plusieurs modes. La bicyclette est idéale pour connecter les sphères d’activités domestiques et professionnelles à des infrastructures de transports plus lourdes comme une gare ferroviaire ou une station de tramway.
Enfin, il faut sensibiliser la population sur les bienfaits du vélo en ville. Les systèmes de vélopartage permettent à chacun d’essayer ce mode de déplacement et d’avoir une idée rapide de son efficacité en milieu urbain. Bien entendu, le vélo n’est pas toujours un mode « doux » et peut s’avérer particulièrement éprouvant (c’est pour ça que l’on parle souvent de mode actif plutôt que doux). Le risque d’accident est fréquent, bien qu’en réalité le nombre d’accident impliquant des cyclistes soit relativement faible. L’air que l’on respire n’est pas de très bonne qualité à cause des automobiles qui se trouvent devant vous. Pédaler est une activité physique, qui exclut une partie de la population. Bref, il existe de nombreux inconvénients, mais les avantages sont quant à eux nombreux. Tout d’abord, la réduction du nombre de voitures efface une partie des inconvénients cités plus haut. Ensuite, le vélo est un mode de transport bon marché, qui en centre-ville, roule aussi vite qu’une voiture. Se stationner est plus facile. C’est une activité physique excellente pour la santé qui limite les risques cardio-vasculaires et de surcharge pondérale. C’est un mode de déplacement écologique et citoyen qui favorise la renaissance des centres-villes à un usage de l’espace public plus favorables aux interactions sociales.
Quelle place pour le vélo en milieu à faible densité ?
Nous avons dit plus haut que le vélo était particulièrement efficace en milieu urbain dense et qu’il constituait une alternative crédible à l’automobile. Dans les territoires périphériques où les distances et la vitesse sont beaucoup plus importantes, le vélo peut également s’avérer pertinent, à condition de penser les conditions de mobilité par une approche intermodale. En milieu périurbain, la voirie destinée à écouler les flux routiers vers les pôles d’activités a été pensée en grande partie pour le seul usage de la voiture, reléguant la marche à pied et la pratique du vélo au stade de la promenade dominicale. Il n’est pas normal que dans certains territoires, les services urbains de proximité ne soient accessibles uniquement en voiture.
Le passage d’une approche fragmentée des transports à une approche intermodale de la mobilité, permet d’envisager des complémentarités entre différents modes au sein d’une chaîne de déplacement. La faible densité des territoires périurbains oblige les organisateurs des transports à limiter le nombre d’arrêt de desserte afin d’assurer une vitesse commerciale raisonnable des transports collectifs. Pour des raisons de rentabilité, les arrêts sont peu nombreux, très espacés et disposés sur des grands axes centraux, donnant naissance à un réseau au maillage incomplet et difficile d’accès. Pour développer l’usage des transports collectifs en milieu peu dense, il est nécessaire de rendre les stations plus accessibles, non pas en multipliant le nombre de station, mais en les transformant en de véritable centrale de mobilité, offrant places de stationnement pour les cyclistes et le covoiturage, ou encore en affichant des informations sur les temps de trajets en temps réel. Ces stations doivent constituer de véritable lieu de rabattement pour les populations locales à la fois pour faciliter leurs déplacements quotidiens, mais également en leur offrant des services complémentaires de proximité (commerces, écoles, services à la personne). Pour cela, un réaménageant la voirie s’impose afin d’offrir aux piétons et aux cyclistes des cheminements confortables, continus et lisibles des quartiers résidentiels jusqu’aux stations. Le vélo peut être un maillon essentiel de la mobilité périurbaine à condition que son usage soit favorisé à travers des politiques de partage de la voirie et de stationnement, ainsi qu’en offrant la possibilité aux cyclistes de prendre les transports collectifs avec leur vélo, afin que le premier et le dernier kilomètre de leur déplacement soit fait en vélo ou à pied.