La mobilité pour accéder aux ressources et aux opportunités des métropoles

2010

Cette fiche analyse le lien entre l’étalement urbain et l’exclusion sociale. Par-delà, le droit à la ville et à ses aménités, l’auteur réfléchi à un droit au transport, susceptible de corriger les inégalités d’accès aux services et à l’emploi et de mettre fin aux espaces de relégation.

La mobilité est devenue un enjeu essentiel pour accéder aux ressources et aux opportunités offertes par les métropoles. L’étalement urbain de la ville, l’éloignement des lieux de résidences, d’emploi, de culture, et de socialisation, provoquent un accroissement des distances moyennes à parcourir quotidiennement. Dans une fiche précédente, nous avons montré comment les sociétés des pays basés sur une économie de services tendent à exclure les « corps immobiles », nous avons également observé » la nécessité d’une meilleure définition des politiques d’équipements et de transports pour la ville inclusive basé principalement sur des observations réalisées dans les villes du Sud. Ici, nous nous attachons à montrer la nécessaire prise en compte de la mobilité par les politiques publiques liées à la lutte contre l’exclusion et les pistes d’action envisagées pour une plus grande cohésion sociale notamment la revendication du droit au transport pour tous.

On situe généralement les inégalités concernant la capacité à se déplacer à trois niveaux : physiques, pour les personnes à mobilité réduite, sociales, à travers l’inégalité de revenus pour pouvoir se déplacer et géographiques, certains territoires n’étant que très peu desservis par les infrastructures. Eric Le Breton a montré que la difficulté d’accéder à la ville provoque une forme d’insularité qu’il définit par quatre traits principaux :

  1. le déroulement de la vie quotidienne sur les territoires du proche, c’est à dire au sein de territoires géographiquement restreints délimités par la marche à pied,

  2. l’isolement relationnel des personnes,

  3. la représentation et la qualification sociale des territoires,

  4. la limitation, objective et subjective, des programmes d’activités aux territoires du proche.

L’isolement est également l’une des caractéristiques des nouvelles formes de la marginalité avancée. La déconnexion entre les bassins d’emplois et les lieux de résidence, accentuée fortement depuis la désindustrialisation notamment pour les habitants des quartiers d’habitat populaire, et la dégradation des équipements, dès que l’on s’éloigne de la ville centre, a fait émerger le constat que la mobilité favorise l’accès à l’emploi et aux aménités urbaines. De plus, en Europe la pression foncière ont contraint les individus des classes moyennes à habiter de plus en plus loin de la ville centre et des lieux de travail et de consommation.

En France l’accès aux lieux des territoires urbains est globalement organisé autour de la mobilité motorisée, même s’il existe un réseau dense de transport en collectif. Plus de 80 % des kilomètres parcourus par les personnes se font en voiture individuelle. D’une part le coût économique important liée à l’utilisation de la voiture a provoqué le fait que les populations pauvres habitant dans des zones périphériques n’ont que pour seul recours les transports collectifs. D’autre part, la prise en compte du coût environnemental de l’utilisation de la voiture individuelle a été intégré aux politiques publiques à la fin des années 1990. Les volets « mobilité » des politiques urbaines se sont donc concentrés sur le droit au transport pour tous et sur le développement d’une nouvelle offre de transport collectif à de nouvelles échelles notamment l’agglomération et la région.

Le droit au transport pour tous est déterminé par un droit à l’accès, l’accessibilité aux transports se référant à la facilité de rejoindre un lieu et à la qualité des réseaux et services de transport. Des contraintes spécifiques pèsent sur les quartiers populaires et pèsent sur le sentiment d’isolement, particulièrement pour les quartiers construits en périphérie situés en moyenne à 18 kilomètres de Notre Dame pour l’agglomération parisienne (contre 2,3 kilomètres du centre dans les villes de province). L’INSEE constate en 1990 que 83 % des quartiers étudiés sont longés par des voies rapides ou des grandes routes nationales, 13 % sont traversés et 30 % bordés par une autoroute, 40 % sont longés par une voie ferrée. Ces signes physiques de rupture sont vivement ressentis par les populations. Selon des études du CERTU, l’offre en transports publics n’est pas toujours adaptée aux besoins de la population vivant dans les quartiers populaires qualifiés de zones urbaines sensibles (ZUS) notamment pour les jeunes, les familles nombreuses, les inactifs, les chômeurs, les actifs aux emplois peu qualifiés et aux horaires décalés et les femmes. Les personnes aux revenus faibles rencontrent des freins à la mobilité à la fois physiques, économiques et cognitifs. Néanmoins, dans un document récent, JJ Castel observe que contrairement à la croyance établie, le développement des transports en commun pour desservir les quartiers prioritaires produisent également des effets de ségrégation socio-spatiale, notamment à cause de l’augmentation des prix du foncier, et des loyers, générés par l’arrivée d’axes lourds comme les tramways ce qui a été constatée dans certains sites en rénovation urbaine.

Pour le CERTU, il est nécessaire de mettre en place une coordination des politiques publiques portée par les collectivités locales, à travers les autorités organisatrices de transports urbains (AOTU). L’approche doit réunir l’aménagement, l’urbanisme et les transports en commun en articulant les multiples procédures malgré la difficulté liée aux cultures professionnelles particulières et à la diversité des échelles. En France, la loi Solidarité, Renouvellement, Urbain. La coordination des acteurs permet d’optimiser la chaîne des déplacements : diversité et complémentarité entre les modes de déplacement, qualité et performance du service de transports, informations des usagers. Mais il existe également, certains freins d’ordre économique, ce qui nécessite d’apporter une réponse en termes de tarification pouvant aller jusqu’à la gratuité des transports comme le réalise actuellement la politique ambitieuse de la mairie d’Aubagne.

Le Droit au Transport

L’article 2 de la Loi d’orientation des transports intérieurs de 1982 introduit la mobilité comme un droit et un dispositif, le PDU, dont l’une de ses grandes ambitions était de rendre les transports collectifs accessibles aux catégories sociales les plus défavorisées. La loi SRU vient renforcer le droit au transport en luttant contre les ségrégations sociales et urbaines. La loi 2005-102 du 11 février 2005, introduit l’obligation pour les services de transport collectif de les rendre accessible aux personnes gênées par une incapacité permanente ou temporaire ou par des circonstances extérieures. Les autorités organisatrices de transports urbains doivent obligatoirement établir un schéma directeur d’accessibilité des services de transport public.

Depuis de nombreuses années, des collectifs militent dans ce sens à travers des actions pour libérer les transports du secteur marchand. Ces actions permettent d’envisager une participation des individus et collectifs dans la définition des politiques publiques liées à la mobilité.

Referencias

Augé Marc, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Aubier, 1994

Castel Jean Charles, Accessibilité et attractivité des métropoles européennes, La mobilité au coeur des débats, intervention au 24ème congrès international COBATY, 2009

CERTU, La mobilité pour tous, un enjeu de cohésion sociale, fiche 10, mai 2008, ici