Bordeaux, une nouvelle stratégie pour la mobilité

2013

Cette fiche de cas sur Bordeaux rend compte d’un exercice original « Le Grenelle des mobilités », réalisé en 2012 à l’image du Grenelle de l’environnement (2007) et destiné à produire une nouvelle stratégie pour la gestion des déplacements dans l’agglomération.

I. Prospective 2030 : le Grenelle des mobilités

Le Grenelle des mobilités a été lancé officiellement les 2 et 3 décembre 2011. Vincent Feltesse pour la Communauté urbaine de bordeaux (CUB), Alain Juppé pour la Ville de Bordeaux, le Préfet Patrick Stefanini pour l’État, Alain Rousset pour la Région Aquitaine, Gilles Savary (représentant Philippe Madrelle) pour le Conseil Général de la Gironde, avaient alors souligné leur intérêt pour une démarche originale de « co-production » de réponses innovantes aux problèmes de transport dans l’agglomération et la région bordelaise.

Cet exercice de prospective des mobilités était d’autant plus important que la Communauté urbaine affiche pour 2030 une ambition de population de l’ordre du million, pour 707 000 habitants en 2007, ce qui pourrait entraîner, sans politique adaptée, un véritable blocage du système de déplacement.

Plus de 120 « grenellistes », plus de 30 réunions, plus de 3000 prises de parole, deux plénières, la mobilisation d’une vingtaine d’experts, autant de comptes rendus écrits… La « méthode » Grenelle a, de l’avis des participants et des observateurs (Ausone conseil), été un succès, même si les difficultés n’ont pas manqué. Venant d’horizons très divers, les « grenellistes » ont su, parfois, dépasser leurs positionnements institutionnels ; plus souvent oublier leurs a priori ; toujours surmonter les contradictions, rechercher les convergences. Les Présidents et les rapporteurs des groupes ont en la matière joué un rôle clé. Responsables associatifs, syndicalistes, chefs d’entreprise, agents de l’État et des collectivités territoriales, universitaires, la diversité de leurs préoccupations a été fructueuse. L’a-urba, « cheville ouvrière » du Grenelle des mobilités, a pour sa part fait office de rapporteur général, afin de mettre progressivement de la cohérence dans les orientations et les propositions des « grenellistes » pour aboutir à l’énoncé d’une stratégie précise et lisible.

Le Grenelle de l’environnement a été organisé par le gouvernement français en septembre 2007 (le terme Grenelle a été repris des accords négociés en 1968). Il constitué une plateforme de concertation entre 5 parties prenantes : l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG) et les syndicats. Les deux mois de concertation ont débouché sur 368 propositions. La loi Grenelle I (2009) a défini le cadre de la politique en résultant. La loi Grenelle II (12 juillet 2010) en a précisé les conséquences concrètes.

Agglomération bordelaise : des constats lucides

  • Un sentiment de dégradation des conditions de déplacement au quotidien (notamment sur la rocade et principales pénétrantes)

  • Un fonctionnement économique perturbé et une dimension métropolitaine insuffisamment assumée

  • Un fonctionnement logistique pénalisé

  • La poursuite de l’étalement urbain (population multipliée par 1,3 en 40 ans mais surface urbanisée multipliée par 3)

  • Des résultats décevants pour les transports collectifs (44 km de tramways réalisés entre 1996 et 2008 mais une part modale des TC passée de 9% en 1998 à seulement 11% en 2009)

  • L’automobile vraie fausse oubliée des politiques de déplacement

  • Un usage limité de la régulation par le stationnement (une contravention par place et par mois entre 2000 et 2008).

Les nouveaux principes

Le Grenelle a proposé de changer de modèle de mobilité, parce qu’il n’est plus possible de croire au « tapis volant » : aller partout, à tout moment, à toute allure. A la quête des gains de temps par l’accélération des vitesses, le Grenelle des mobilités substitue l’ambition de fluidité : des déplacements fiables, sans discontinuité, avec une prédictibilité du temps de transport. En échange de cette garantie de fluidité, deux conditions sont à accepter : une fluidité lente, à côté de la fluidité rapide ; une régulation, qui oriente les comportements de déplacements. Aujourd’hui, c’est la congestion qui régule de facto la mobilité, de manière aveugle et nocive. Demain, la régulation sera négociée avec les parties prenantes, dans une responsabilité partagée entre les offreurs (les pouvoirs publics) et les demandeurs (représentants des activités économiques et sociales). Une Agence du temps, une Autorité organisatrice d’exploitation de la voirie, des Contrats employeurs-salariés-collectivités, constitueront ces lieux de négociation.

Le Grenelle des mobilités exprime la volonté de mieux assurer les déplacements métropolitains (liaisons entre grands pôles, bassin d’emplois). Ce changement d’échelle se traduit par un Réseau de transport collectif pour l’aire métropolitaine, par un maillage de Grandes allées métropolitaines, par la promotion du vélo électrique.

Les « grenellistes » ont décidé de rompre avec un traitement homogène des flux, et considéré que la mobilité liée aux activités économiques et à l’emploi devait être prioritaire. Quant à l’efficacité des transports, elle passe par une hiérarchisation des réseaux et des pôles, au détriment d’un égalitarisme spatial qui dégrade l’accessibilité de tous les territoires.

Une nouvelle « théorie des tuyaux » s’est également élaborée lors du Grenelle : avant de construire de nouvelles infrastructures, il faut d’abord optimiser l’existant (optimisation/ régulation de la rocade et du réseau routier principal) ; il faut ensuite que des stratégies urbaines, économiques, logistiques (d’où l’idée d’un schéma directeur d’accessibilité logistique) s’élaborent préalablement aux projets d’infrastructure ; il faut enfin que toute nouvelle infrastructure soit accompagnée de l’installation de dispositifs de régulation.

Une dernière rupture consiste à faire évoluer les comportements de déplacement « monomaniaques », structurés par l’usage exclusif d’un moyen de transport, le plus souvent la voiture, vers des comportements « multi-modaux », qui jouent au quotidien avec toute la palette des services de mobilité. Cette « mobilité raisonnée » pourra s’appuyer, outre le futur réseau de transport collectif métropolitain, sur les mesures concernant la mobilité piétonne universelle, à l’école sans voiture et les systèmes de mobilité mutualisés dans les nouveaux quartiers.

Les 20 principes

1. Changer de modèle de mobilité

2. Des fonctionnements plus métropolitains au profit de la performance sociale et économique

3. Une mobilisation partenariale pour un avantage comparatif majeur

4. Plus de fluidité par plus de régulation

5. Priorité aux activités économiques

6. Un double tempo urbain : fluidité lente, fluidité rapide

7. Promouvoir une mobilité raisonnée

8. Réduire les distances

9. Périurbain : pour de nouvelles urbanités et de nouvelles pratique automobiles

10. Partager les temps

11. Des mutations quantitatives du système de mobilité

12. Une indispensable cohérence d’action, de nécessaires ruptures

13. Une nouvelle « théorie des tuyaux » pour un réseau de voirie optimisé

14. Des réseaux à l’échelle métropolitaine

15. Grand contournement routier et transit international : un préalable prospectif

16. Accessibilités logistiques : une stratégie économique à construire

17. Des transports publics plus performants

18. Des espaces publics de qualité pour tous et dans tous les territoires

19. Des instances de gouvernance inédites

20. Une vision plurielle du monde

Les 18 mesures proposées

Six outils de politique de mobilité

Six innovations

Six plans coordonnés

Suites et décisions

Une Charte des mobilités devrait être signée, au-delà des seules institutions commanditaires du Grenelle, par 21 parties prenantes : L’État (Préfet de région Aquitaine), le Conseil régional d’Aquitaine, le Conseil général de la Gironde, la Communauté urbaine de Bordeaux, la ville de Bordeaux, l’Ademe, l’EPA Bordeaux-Euratlantique, la CCI de Bordeaux, Mouvable, La Poste, EDF, l’aéroport de Bordeaux, La Chambre des métiers et de l’artisanat, la Certa, l’a-urba, la FNAUT Aquitaine, le PUMA, Autocool, le réseau Mille-Pattes, l’association Vélo-cité et Droits du piéton en Gironde. Cette Charte, reprenant les 20 principes d’action et les 18 mesures du Grenelle, marquera l’engagement formel des différents acteurs dans la concrétisation des travaux. Un évènement de signature officielle devrait se tenir en 2014, après les élections municipales

II. Autres cadres de politique des transports importants au regard du changement climatique

1. Le Plan de déplacements urbains (PDU) de l’agglomération de Bordeaux

Le Plan de déplacements urbains de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) a été adopté en mai 2000 par le Conseil de communauté. Il propose, en s’appuyant sur le réseau de tramway, de constituer une véritable chaîne de déplacements associant tous les modes de transport. Il est composé de 7 axes thématiques déclinés en 116 actions à mettre en œuvre. Il propose en outre des orientations sur l’aménagement et l’organisation du territoire communautaire afin que les déplacements y soient plus courts, moins polluants et plus « vivables ». En mai 2004 le PDU de la CUB a été mis en conformité avec la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU, décembre 2000) et actualisé par la même occasion au regard des thématiques du stationnement et des transports de marchandises en ville. En juin 2010 le conseil de CUB a décidé d’engager la révision du PDU. D’une part parce que la plupart des actions du PDU 2000 avaient été engagées et avaient produit des effets (notamment hausse de fréquentation des transports collectifs et diminution de la part modale de la voiture), d’autre part en raison des lois Grenelle et d’un nouveau projet métropolitain bordelais. Conformément à la loi Grenelle II (juillet 2010) les orientations des programmations pour l’habitat et les transports doivent être mises en cohérence et le PLU 3.1 regroupera trois documents : PLU, PLH et PDU.

Une version zéro des traductions réglementaires du PLU 3.1 a été fournie par l’aurb’a en juin 2013 et une première version du PLU 3.1 est annoncée en décembre pour une approbation courant 2014, après les élections municipales. Outre les orientations de la Charte des mobilités ce PLU prendra en compte les objectifs du plan Climat (parts modales augmentées des transports collectifs, de la marche et du vélo, circulation apaisée), le projet métropolitain de la CUB (1 million d’habitants en 2030) et le Schéma de déplacement métropolitain 2010 (SDODM) qui prévoit les extensions des transports collectifs. La priorité aux modes légers mais spatialement développés, par rapport aux modes lourds mais concentrés, ainsi que l’objectif d’une part modale vélo de 15% devraient être affirmés dans le volet déplacements de ce prochain PLU.

2. Le Plan climat de la CUB

Approuvé par le conseil de communauté en février 2011 le Plan climat de la CUB constitue le volet climat de l’Agenda 21. Il se fixe comme objectifs une réduction des gaz à effet de serre de 25 à 30 % en 2020 et de 75% en 2050. Il est structuré autour de 8 domaines d’action qui sont portés par une programmation 2011-2014 en attendant 2014-2020 : une stratégie de développement territorial, la promotion d’une mobilité sobre en carbone, le bâti résidentiel et tertiaire, la production d’énergie, la promotion d’une économie performante et durable, l’exemplarité de la collectivité, l’adaptation au changement climatique. La CUB prévoit d’affecter 1% de son budget chaque année aux actions du Plan climat.

12 actions sur les 29 du Plan climat pour la période 2011-2014 concernent la mobilité :

Amélioration de l’offre de transports collectifs

Renforcer les mobilités alternations

Mutualiser et contraindre les voitures particulières

Collectivité exemplaire

Les objectifs d’évolution des parts modales résultant de ces actions sont les suivants

Modes de transportsSituation 200920202050
Voitures particulières59%45%33%
Transports collectifs11%15%20%
Vélo4%15%18%
Marche à pied24%25%29%

3. Le schéma régional air énergie (SRAE) Aquitaine

Approuvé le 15 novembre 2012, il définit des orientations stratégiques pour six domaines d’action : bâtiment, industrie, agriculture, transports, énergie et réseaux, adaptation au changement climatique.

Pour les transports, 4 orientations sont retenues :

Sources

  • Grenelle des mobilités, dossier de presse juillet 2012 (www.aurba.fr)

  • « Pour une mobilité fluide, raisonnée et régulée » : rapport du Grenelle des mobilités de la métropole bordelaise. Agence d’urbanisme de l’agglomération bordelaise avril 2013.

  • Plan climat de la CUB, novembre 2011 (www.lacub.fr)

  • Plan de déplacement urbain de l’agglomération de Bordeaux (www.aurba.fr)